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CAMBODGE

Malaises en cascade dans une usine de jeans Armani

Travailler dans une chaleur écrasante, c’est ce que les ouvriers d’une usine cambodgienne endurent quotidiennement en fabriquant des jeans Armani. En attendant les climatiseurs promis par le patron, ils luttent à leur façon pour éviter de tomber dans les pommes.

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Des employés de l’usine Kin Tai à Phnom Penh ont pris cette photo de leur collègue qui se serait évanoui au travail lundi.

Travailler dans une chaleur écrasante, c’est ce que les ouvriers d’une usine cambodgienne endurent quotidiennement en fabriquant des jeans Armani. En attendant les climatiseurs promis par le patron, ils luttent à leur façon pour éviter de tomber dans les pommes.

L’usine Kin Tai est située à Phnom Penh, la capitale cambodgienne, et appartient à une entreprise taïwanaise. L’établissement, qui fabrique essentiellement des pantalons pour des clients internationaux parmi lesquels des policiers et des pompiers américains, a plusieurs fois été critiqué pour non respect de la loi cambodgienne. La direction a été accusée, entre autres, de refuser des congés de maternité et des primes d’ancienneté ou encore de multiplier des contrats à court terme.

Le problème de la chaleur n’est pas non plus nouveau dans l’usine Kin Tai. En 2010, les autorités locales avaient exigé qu’un système de rafraîchissement des locaux soit installé au plafond. Mais en avril 2014, une enquête du consortium de droits des travailleurs (WRC) mandatée par la ville de Phnom Penh constatait que la demande n’avait pas été satisfaite. Les enquêteurs avaient enregistré des températures de 38 degrés et les ouvriers leur ont affirmé que la chaleur atteignait régulièrement les 40 degrés. Cette fois encore, la direction de l’usine avait promis d’installer une climatisation.

Mais un an plus tard, les représentants syndicaux affirment que rien n’a changé, la chaleur se serait même intensifiée. Et récemment, les employés se sont mis à poster des photos de leurs collègues qui s’évanouissent en plein travail.

Des ouvriers de l’usine Kin Tai ont pris en photo un employé qui se fait soigner à l’hôpital après avoir été victime d’un malaise lundi.

Ni l’entreprise Kin Tai, ni les représentants d’Armani n’ont encore répondu à la demande d’interview de France 24. S’ils le font, nous publierons leur réponse.

“Des ouvriers s’évanouissent tous les jours”

Joel Preston est consultant pour le centre d’éducation juridique à Phnom Penh. Il défend les droits des ouvriers du textile et est très proche de leurs représentants syndicaux.

Le syndicat avec lequel nous travaillons à propos de l’usine Kin Tai nous fournit beaucoup d’informations, même si ce n’est pas facile pour eux. Deux responsables ont été renvoyés l’année dernière parce qu’ils avaient organisé une grève, mais nous avons pu ensuite les faire réintégrer. Ils nous racontent que la chaleur est insupportable et qu’elle empire avec le climat qui se réchauffe. Des ouvriers s’évanouissent tous les jours. Pour tenir le coup, ils utilisent une technique traditionnelle qui consiste à se gratter le corps avec des pièces pour que le sang remonte à la surface de la peau. Cela permet de se soulager du stress et de la fatigue causés par la chaleur.

Un ouvrier de l’usine Kin Tai qui frotte le dos de son collègue avec une pièce.

Quand des employés s’évanouissent, ils sont envoyés à la clinique de l’usine, mais là-bas, on ne leur donne que du paracétamol. Parmi les nombreuses promesses faites par Kin Tai l’année dernière à leurs ouvriers, il y avait celle de leur fournir des médicaments adaptés. Mais cela n’est jamais arrivé.

“Ils essayent tous de tenir jusqu’à la fin du contrat,

même si leur santé se dégrade.”

Les conditions de travail sont telles que les équipes changent régulièrement. La chaleur est particulièrement difficile pour les plus âgés. Quand ils partent, ils doivent recevoir des indemnités de licenciement mais comme ils sont en contrat court, la somme est dérisoire. Mais ils essayent tous de tenir jusque là, même si leur santé se dégrade.

C’est aussi très préoccupant pour les ouvrières enceintes : elles travaillent par 40 degrés jusqu’à la fin de leur grossesse parce qu’elles ont trop peur de ne pas être payées pendant leur congé de maternité.

Les évanouissements ne sont pas un phénomène nouveau dans les usines cambodgiennes, ici tout le monde se souvient des malaises de masse survenus l’année dernière. [Des études ont démontré qu’ils étaient non seulement causés par la chaleur mais aussi par la malnutrition des ouvriers. Des psychologues avaient aussi évoqué une hystérie collective, NDLR] Mais l’attention portée sur ces cas-là cachent le fait que, dans des usines comme celle de Kin Tai, des ouvriers s’évanouissent tous les jours. Ce n’est pas aussi spectaculaire mais c’est un problème chronique plus grave encore.

Des ouvriers de l’usine ont pris en photo l’étiquette d’un jean Armani fabriqué dans l’usine Kin Tai. Photo prise en avril.

Au Cambodge, les usines de textile fabriquent des vêtements pour des centaines de marques occidentales comme Armani, H&M, Zara, Adidas et Gap. La plupart des ouvriers gagnent le salaire minimum, qui est passé de 80 à 128 dollars par mois (soit de 70 à 110€) après d’importantes manifestations qui ont eu lieu l’année dernière. Mais les syndicats maintiennent la pression pour obtenir un salaire minimum de 140 dollars par mois ainsi que des augmentations. En mars, nos journalistes ont réalisé un reportage sur les conditions de travail dans les usines de textile au Cambodge pour notre émission Ligne directe, disponible ici.

A l'intérieur de l'usine Kin Tai.

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