Ce que Google sait de moi

Google, ami ou ennemi ? Le Soir publie un dossier spécial ce week-end. Voici ce que le moteur de recherche retient de ses utilisateurs.

Chef du pôle Planète Temps de lecture: 7 min

Gmail, Maps, Agenda, Google+, Youtube, Hangout… Vous êtes probablement un utilisateur d’un ou de plusieurs services de Google dans votre vie de tous les jours – peut-être même sans le savoir ou sans y penser.

Une utilisation intensive qui permet à Google de récolter et d’archiver de nombreuses données personnelles. Mais est-il possible de vérifier tout ce que le moteur de recherche sait sur nous et sur nos habitudes de navigation ? Réponse : oui, en partie, mais ce n’est pas une sinécure.

>>> Lire aussi : notre dossier Google ami ou ennemi.

Première piste : Google propose depuis plusieurs années le service « Takeout », une plateforme qui permet à chaque utilisateur de télécharger les données que Google possède à son sujet.

Voir la vidéo sur mobile.

Le principe ? Selon Google, « il est important que vous puissiez accéder à vos données Google à tout moment et où que vous soyez, que ce soit pour les importer dans un autre service, ou simplement pour créer une copie à archiver ».

« Les internautes commencent à être plus soucieux de ce qu’on fait de leurs données, il est certain que ce type de service peut les rassurer », selon Jean-Marc Van Gyseghem, directeur de recherche au Centre de Recherche Information, Droit et Société (CRIDS). « Cela dit, ça peut donner l’illusion qu’on reprend le contrôle sur les données alors qu’on n’en a qu’une copie. Pour arrêter leur traitement, il faut arrêter… d’utiliser les services de Google, devenus presque indispensables pour certains ».

Nous avons fait la démarche auprès de Takeout pour récupérer une copie de nos données. L’opération se fait via une interface assez simple qui permet de sélectionner les services désirés. Tous les services de Google ne sont pas disponibles mais l’entreprise promet de « s’efforcer à ajouter des produits aussi rapidement que possible ». Les données des produits choisis sont ensuite envoyées par mail via une série de fichiers compressés.

Ce que Google vous dit

Qu’est-ce qu’on y trouve ? Des données comme :

– vos contacts et tous les services de messageries (Gmail, Hangout)

– vos agendas

– vos photos

– vos données de géolocalisation

– les données relatives à Google+ (favoris, cercles…)

>>> Voir la liste complète des services disponibles.

Parmi les données récoltées, certaines sont plus expressives que d’autres.

Les données de localisation en sont le meilleur exemple : l’interprétation du fichier fourni (cliquez ici pour faire le test vous-même) démontre que Google sait non seulement où vous allez mais peut facilement en déduire vos lieux favoris (domicile, travail…).

Google ne s’en cache pas : il expose lui-même ces données via « l’historique des positions » (disponible ici), jour par jour, heure par heure.

« Les données de géolocalisations sont des données particulièrement sensibles parce qu’elles disent beaucoup de choses sur votre façon de vivre, vos habitudes ou même votre religion », confirme Jean-Marc Van Gyseghem. « C’est particulièrement intrusif : Google a une cartographie de votre rythme de vie mais aussi, par recoupement, de celles de vos proches ».

>>> Mode d’emploi : pour désactiver la géolocalisation, vous devez passer par l’onglet « Historique du compte » dans vos paramètres. Pensez aussi à vérifier ce que vous autorisez dans le menu des applications de vos appareils mobiles. Autorisez-vous les applications Google à accéder à votre localisation « jamais », « lorsque l’app est en marche » ou « toujours » ?

Les photos conservées par Google peuvent aussi surprendre. La surprise n’en est pas réellement une : ce sont toutes les photos hébergées sur votre compte Google+. On y trouve, les photos téléchargées directement sur G+ et les illustrations de vos posts ; les photos envoyées via Hangout ; les images stockées dans votre Drive ; et les sauvegardes automatiques de votre smartphone.

Et c’est cette dernière option qui peut surprendre ceux qui auraient, sans y faire trop attention, autorisé Google (via l’application Google+ par exemple) à accéder à vos images. Car chaque photo prise par votre smartphone sera automatiquement enregistrée dans les serveurs de Google.

« c’est un service de stockage offert, c’est très séduisant », estime le directeur de recherche au CRIDS. « Mais cette gratuité a un prix : rien n’empêche Google d’utiliser ces photos et les informations associées qui comportent des données extrêmement précises ».

Les mails et chats, s’ils n’ont rien d’étonnants, surprennent par leur volume. Les conversations instantanées sont, par exemple, exploitables – via cet outil – en détail afin d’y isoler les conversations à deux ou à plusieurs ; par date ; par nombre de messages partagés, etc.

« Ce qui est assez impressionnant, c’est de voir l’importance qu’a pris Google dans ce domaine », s’inquiète Jean-Marc Van Gyseghem. « Des gouvernements ont, par exemple, demandé à Google de fournir certaines communications pour repérer des personnes qui pourraient nuire à l’Etat. L’entreprise américaine devient ainsi un interlocuteur privilégié d’Etats qui abandonnent une partie de leurs compétences régaliennes. C’est un « dérapage » progressif mais réel envers une société privée qui vise avant tout le profit ».

>>> Lire aussi : Google, un ami qui vous veut du bien (abonnés)

Ce que Google ne vous dit pas

Les limites de Takeout. Google Takeout permet de récupérer les données que vous avez vous-mêmes collectées, partagées ou stockées sur les services de Google. Mais l’entreprise conserve de nombreuses autres informations. Quelques exemples :

–  un historique de recherche avec l’intégralité de votre activité ainsi que des détails sur votre fréquence de recherche (par heure, par jour, par mois), sur les sites les plus visités, vos requêtes les plus fréquentes, etc.

–  un « profil » pour les annonceurs qui sert à cibler les publicités qui s’affichent. Votre sexe, votre âge et vos centres d’intérêt (basés sur les sites web que vous consultez, notamment) permettent à Google d’affiner précisément les annonces publiées sur ses services (Google search, Gmail, Youtube, Maps, etc.) et mais aussi sur le web en général.

– Google sait aussi quels appareils vous utilisez et quand, avec le détail du modèle d’appareil, de la dernière connexion, de la localisation lors de la connexion, ainsi que du navigateur utilisé pour se connecter au compte Google.

Les possibilités recoupements des données. Les services de Google, de plus en plus nombreux, sont croisés et peuvent « hyper définir » vos activités. Par exemple : Google sait que vous avez un rendez-vous à 8h (Agenda), avec qui (Contacts) mais que vous êtes arrivé en retard (Localisation), quels documents vous avez partagé (Drive), les vidéos que vous avez regardées pendant la réunion (Youtube)…

« C’est cette interconnexion des services qui est dérangeante car Google va réussir à faire un profil très précis de chaque utilisateur et de son entourage », estime Jean-Marc Van Gyseghem. « Cette question est très inquiétante pour le respect de la vie privée. Pouvoir déterminer à quel moment vous rendez visibles certaines choses ou non, c’est un droit démocratique, c’est vraiment fondamental. Or, est-ce encore possible si vous offrez tout à une entreprise privée ? ».

Les données anonymisées. Google collecte également toute une série de données « anonymisées ». Ces informations ne sont pas utilisées pour vous identifier, mais pour améliorer d’autres services de Google. L’auto-correction ou auto-complétion des recherches, par exemple, seraient impossibles sans exploiter les données d’une quantité importantes de recherches d’internautes.

Google a corrigé la faute et même fait le lien avec une actualité récente. Une action qui n’est possible que par l’exploitation de précédentes recherches.

Votre position, repérée par Google (voir ci-dessus), permet également d’informer le service Maps de la fluidité du trafic.

Google peut tenir compte des embouteillages pour vous proposer le meilleur itinéraire.

Interdire à Google de collecter des données, c’est aussi l’empêcher d’alimenter certains services et de priver les internautes de nombreux avantages « confortables » pour le surf…

« C’est la grande force de l’entreprise : elle s’est rendue presque indispensable ! », constate Jean-Marc Van Gyseghem. « Vivre sans Google, c’est possible, mais c’est nettement moins facile : on sera privé de produits qui facilitent la vie, on devra plus bricoler ».

>>> Lire aussi : vivre sans Google, c’est (parfois) possible (abonnés)

Le directeur de recherche au CRIDS conclut : « Mais ce n’est pas parce que Google est en partie incontournable qu’il peut faire n’importe quoi ! Il faut être conscient des données qu’on donne via l’ensemble des services, qui s’interconnectent. N’oublions pas que d’autres services existent aussi, tout ne doit pas passer par le géant américain. En résumé : soyons raisonnés dans les informations que l’on donne… »

 

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