La Palme d'or pour “Dheepan”, de Jacques Audiard, et trois films français sur cinq primés

Le jury présidé par les frères Coen a remis la Palme d'or au réalisateur français Jacques Audiard pour le film “Dheepan”. Parmi les autres primés : László Nemes (Grand prix), Hou Hsiao-Hsien (mise en scène), Rooney Mara, Emmanuelle Bercot et Vincent Lindon (interprétation)...

Par Aurélien Ferenczi

Publié le 24 mai 2015 à 20h08

Mis à jour le 09 octobre 2020 à 09h54

Après un Prix du scénario (un peu oublié) en 1996 pour Un héros très discret puis le Grand Prix en 2009 pour Un prophète (battu par Le Ruban blanc — à vous de voir celui qui vous reste en mémoire), Jacques Audiard a finalement obtenu la Palme d'or avec Dheepan, itinéraire d'un immigré tamoul poursuivi jusqu'en France par la violence qu'il a connue au sein des LTTE, mais aussi commentaire sur l'état des cités de la banlieue française... Le film a moins fait l'unanimité que ne le fit, en son temps, Un prophète, mais Jacques Audiard reste le seul cinéaste français capable de se réinventer d'un film à l'autre, jamais tout à fait là où l'attend et toujours à l'écoute de la fluidité narrative du cinéma américain. Un maître, assurément.

Deux acteurs français ont également été récompensés, Emmanuelle Bercot pour sa prestation électrique dans Mon roi, de Maiwenn — elle partage son prix avec Rooney Mara, l'une des deux héroïnes de Carol, de Todd Haynes ; et Vincent Lindon pour sa troisième collaboration avec Stéphane Brizé, La Loi du Marché, où il joue un chômeur de longue durée qui ne supporte plus les règles du capitalisme sauvage.

Trois films français primés sur cinq présentés, c'est une petite revanche pour Thierry Frémaux, le délégué général du festival et sélectionneur, à qui l'on avait reproché de trop favoriser la production nationale... Nul n'est prophète en son pays, visiblement — et à force de répéter que les acteurs français ne bossent pas assez leur rôle, en tout cas moins que leurs confrères anglo-saxons, il va bien falloir se laver la bouche avec du savon. Ajoutons (un bémol) que les trois films français primés donnent aux jurés étrangers une image de la France (romance bling-bling, chômage endémique et délation, banlieues comme des "no go zones") digne des éditos de The Economist ou des sujets de Fox News...

Si le prix du scénario à Chronic, de Michel Franco, a pu surprendre, rien ne trouvera à redire à ceux attribués à Hou Hsiao-Hsien (Prix de la mise en scène) pour The Assassin, proposition visuelle d'une grande beauté, et à Yorgos Lanthimos (Prix du jury) pour The Lobster, chronique savoureuse d'une dystopie singulière, et surtout preuve de la progression, de l'ouverture au public d'un auteur à nul autre pareil.

Mais l'autre triomphateur du Festival, lauréat du Grand Prix, la médaille d'argent de la compétition, généralement réservée aux oeuvres ambitieuses et novatrices, est le Hongrois László Nemes pour Le Fils de Saul, vision sidérante des camps de concentration, proposition formelle et narrative unique, une oeuvre qui fera date dans l'histoire des représentations de la Shoah. Claude Lanzmann lui-même a donné son imprimatur à ce premier film d'une grande maîtrise. A l'évidence, tandis qu'un grand cinéaste est couronné, un autre cinéaste est né.

Tout le palmarès

Palme d'or

Dheepan, de Jacques Audiard

>Relisez notre portrait de Shoba, l'insaisissable Tigre de Dheepan

Grand Prix

Le Fils de Saul, de László Nemes

>Relisez notre entretien avec László Nemes et Clara Royer

Prix de la mise en scène

The Assassin, de Hou Hsiao-Hsien

Prix du jury

The Lobster, de Yorgos Lanthimos

Prix du scénario

Michel Franco pour Chronic

Prix d'interprétation féminine

Rooney Mara pour Carol, de Todd Haynes et Emmanuelle Bercot pour Mon Roi, de Maïwenn

>Relisez notre entretien avec Emmanuelle Bercot

Prix d'interprétation masculine

Vincent Lindon pour La Loi du marché, de Stéphane Brizé

>Relisez notre entretien avec Vincent Lindon

Caméra d'or

La Tierra y la sombra, de César Acevedo (Semaine de la critique)

>Regardez le selfie vidéo que nous avait envoyé César Acevedo 

Palme d'or du court métrage

Waves '98, d'Ely Dagher

>Regardez la bande-annonce

 

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