Alea jacta est. Les députés ont scellé le sort du président de la République, frappé d’une motion de déchéance par un vote écrasant [121 voix contre 4]. Son avenir est désormais entre les mains de la Haute cour constitutionnelle (HCC), qui devra statuer sur ce vote de l’Assemblée nationale.

En attendant, le pays est de nouveau face à l’incertitude du lendemain, qu’on le veuille ou non. Le retour à l’ordre constitutionnel ne signifie pas fin de la crise et la stabilité. Que nenni.

Majorité artificielle

Le président s’est fait avoir lamentablement en misant sur une chambre où il n’avait que des représentants virtuels et une majorité artificielle, faite de bric et de broc. Obnubilé par un coup d’État militaire annoncé par les médias, il n’a pas vu venir le danger de Tsimbazaza [siège du Parlement]. Il s’est laissé embobiner par les discours de soutien de ses alliés par défaut comme Ravalomanana [ancien président], qui, pas plus tard que dimanche à la clôture du Congrès du Tim, a prétendu qu’il luttait pour la stabilité et qu’il avait soutenu le pouvoir. Dans l’hémicycle, ses vingt députés ont voté tous pour la déchéance du président.

L’occasion fait le larron, Ravalomanana voit son vœu de ne pas attendre 2018 pour reconquérir le pouvoir exaucé si jamais la HCC validait le vote, et qu’une élection présidentielle anticipée devait se tenir dans les 30 à 60 jours de la déchéance. Curieusement, cela devrait coïncider avec les communales, puisqu’on voit mal comment on peut l’organiser en 30 jours.

Andry Rajoelina, ancien président de la Transition divorcé d’avec le président depuis son élection, est aussi à l’affût, et n’est vraisemblablement pas étranger à la tournure des évènements.

Il s’agit donc là d’un véritable coup d’État institutionnel. Il reste à valider par la HCC les motifs invoqués par les députés, en l’occurrence la violation à répétition de la Constitution, la haute trahison et le retard dans la mise en place de la Haute cour de justice. Mais la délibération obéit à d’autres logiques que celle des textes et de la… logique. Ainsi, même s’il est vrai que les motifs de déchéance paraissent tirés par les cheveux et n’ont qu’une petite chance d’être considérés par la HCC, il faudra s’attendre à tout. Pour l’Assemblée nationale, c’est un quitte ou double. Si la démarche passe, comme ce fut le cas contre le président Albert Zafy en 1996, les députés sauvent leur tête. Dans tous les cas, leur dissolution était dans l’air.

Lâché de tous parts

Visiblement, le président a été lâché de toutes parts, y compris par ses soi-disant parlementaires, en particulier le bureau permanent qu’il a fait installer. En politique, on ne s’embarrasse guère de scrupules ni de dettes morales quand le strapontin est en danger. Rajaonari­mampianina a signé son arrêt de mort depuis qu’il a signé les résolutions de la réconciliation nationale recommandant la dissolution des institutions, dont l’Assemblée nationale. Le Premier ministre a eu beau expliquer aux députés il y a une semaine qu’il s’agissait juste de propositions dont l’application était facultative, les parlementaires ont préféré prendre les devants et couper l’herbe sous le pied du président.

En attendant, le pays est de nouveau dans l’impasse avec cette décapitation au sommet de l’État. Il n’y a pas encore de vide et le président détient encore la plénitude de son pouvoir, mais il est évident que sa crédibilité, sa notoriété, son autorité en ont pris un sacré coup. S’il passe cette épreuve, on s’attend à voir le comportement d’un homme qui revient des enfers. Un faiseur de miracle.

Sylvain Ranjalahy