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Joann Sfar: «La pire peur des musulmans? Que leurs enfants se radicalisent»

Joann Sfar a eu un vif échange avec Geoffroy Didier, secrétaire national des Républicains , au sujet de la convention sur l'islam. PATRICK KOVARIK/AFP

INTERVIEW - Le dessinateur, invité de News et compagnie mercredi soir sur BFMTV, a eu un vif échange avec Geoffroy Didier, le secrétaire national des Républicains au sujet de la convention sur l'islam. Il explique au Figaro les raisons de son emportement.

«Qu'est-ce que vous diriez si vous appreniez demain que les Républicains font une convention sur les juifs en France (…) à huis clos parce que c'est secret?», a demandé Joann Sfar à Geoffroy Didier. Et au secrétaire national des Républicains de répondre désappointé: «Il ne faut pas que l'on voit les choses de manières agressives (…) il y a aussi beaucoup de nos concitoyens qui considèrent que l'émergence de la religion musulmane est un phénomène culturel. C'est une question politique.»

L'ardent échange entre les deux hommes, invités de News et compagnie mercredi soir sur BFMTV, concerne la convention sur l'islam organisée par les Républicains qui se tient ce jeudi à huis clos. Peu convaincu par la défense du porte-parole du mouvement rebaptisé par Nicolas Sarkozy, Sfar a fini le litige par un savoureux: «Vous voulez mon analyse? Sarkozy a eu une idée à la con, vous êtes obligé de la vendre et vous êtes un peu embêté.» il explique au Figaro, les raisons de cette dissension.

LE FIGARO - En quoi cette convention sur l'islam vous dérange?

JOANN SFAR - C'est l'intitulé. Je trouve très sain que les partis politiques s'interrogent sur le phénomène de radicalisation ou sur la spécificité de la religion dans le vivre ensemble. Mais dire que l'on va se réunir à huis clos pour parler d'une religion en particulier, il me semble qu'au mieux c'est maladroit et qu'au pire un appel du pied aux formations d'extrême droite. Il ne faut pas oublier que parmi les jeunes qui partent faire le djihad, il y a également des catholiques et des athées. Il est dommage de faire ce genre de choses dans le contexte actuel.

Comment cela?

Je parle en dessinateur qui passe son temps, depuis plusieurs mois, à rencontrer des citoyens de toutes les communautés pour essayer de tisser des liens ou de créer des espaces de discussion. Une chose dont se plaignent le plus les jeunes musulmans que j'ai croisés est leur sentiment de deux poids deux mesures. Ils ont l'impression qu'on les traite différemment des autres et moi je passe ma vie à leur expliquer que non, que la loi est la même pour tous. En séparant une réflexion sur l'islam des autres religions ont fait le jeu des extrémistes.

Quel jeu?

Quel est le but des terroristes? C'est que la population musulmane de France soit mal à l'aise et coupée du reste du pays. Il ne faut pas oublier que la pire peur des parents musulmans aujourd'hui est que leurs enfants se radicalisent.

Qu'aurait dû faire Nicolas Sarkozy?

Aujourd'hui, tout ce qui peut apaiser est bienvenu. Quand Nicolas Sarkozy dit qu'on ne peut pas faire l'économie d'un débat sur la religion et la radicalisation, il a tout à fait raison. Cependant, Il faut faire attention à la manière dont on nomme les choses. Le sujet est électrique. Si on avait parlé de radicalisation ou de vivre ensemble tout le monde aurait compris. Mais évidemment ça claquait moins. Il faut bien choisir ses mots et ce n'est certainement pas moi qui apprendrais à Nicolas Sarkozy à choisir ses mots. Je crois qu'il sait très bien ce qu'il fait.

Qu'auriez-vous fait vous?

Avant d'élaborer de grandes théories, il est très important d'écouter le malaise de chacun. Moi, ce que je retiens depuis plusieurs mois à noter et à écouter les gens quand je vais à leur contact, c'est qu'il faut reconnaître la souffrance de l'autre. Quand un musulman vous dit que c'est difficile d'être musulman en France aujourd'hui, il faut l'écouter. Quand un Juif vous dit qu'il peut parfois avoir peur de vivre en France aujourd'hui, il faut l'écouter. Enfin, quand des citoyens laïcs vous disent qu'ils en ont marre qu'on leur parle tout le temps religion, il faut les écouter aussi. Au risque de paraître naïf, voilà ce que je pense.

Joann Sfar vient de publier le 11e tome de ses carnets, Si Dieu existe, aux éditions Delcourt, collection Shampooing, 16,95€.

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21 commentaires
  • Dany L

    le

    Un bon moyen pour les parents d'éviter cela, serait de relativiser le rôle de la religion, et ce dès la petite enfance, au lieu d'en faire un pilier de leur vie, d'autant qu'en France on vit dans une société où la religion se vit (se vivait) dans la discrétion depuis au moins 40 ans.