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L’immigration, principal enjeu des législatives danoises

Grâce aux bons résultats économiques et un discours offensif contre les étrangers, les sociaux-démocrates espèrent conserver le pouvoir, mais le scrutin s’annonce très serré.

Par  (Copenhague, envoyé spécial)

Publié le 17 juin 2015 à 07h16, modifié le 18 juin 2015 à 09h42

Temps de Lecture 4 min.

Première ministre danoise Helle Thorning-Schmidt le 21 mai 2015.

Prendre les étrangers pour cible est devenu une habitude politique danoise depuis près de vingt ans et les élections législatives, jeudi 18 juin, n’y font pas exception. La date du scrutin n’a été annoncée que le 27 mai par la première ministre sociale-démocrate sortante, Helle Thorning-Schmidt, obligeant les partis à une campagne précipitée.

Deux jours seulement avant l’annonce de la date de l’élection, Helle Thorning-Schmidt, au pouvoir depuis 2011, avait présenté un train de mesures sociales de plus de 5 milliards d’euros entre 2016 et 2020 en cas de victoire, et solennellement déclaré que la crise économique qui a touché le royaume depuis 2008 était terminée. « Ça va mieux au Danemark », peut-on lire sur une affiche montrant la première ministre coiffée d’un casque de chantier, regardant vers le ciel. La croissance devrait approcher 2 % cette année.

« Tournant »

C’est pourtant une autre affiche qui a fait débat. Dès le 21 mars, deux mois avant l’annonce officielle de la tenue des élections, les sociaux-démocrates avaient lancé une vaste campagne d’affichage avec des slogans explicites : « Des règles d’asile plus strictes et plus d’exigences pour les immigrés », et cet autre : « Si tu viens au Danemark, tu dois travailler. » « Difficile de faire la différence avec le discours du Parti du peuple danois (DF) », constatait alors le chroniqueur politique du quotidien Berlingske, Thomas Larsen, en faisant référence au mouvement d’extrême droite qui a imposé sa rhétorique à la majeure partie de la classe politique danoise ces quinze dernières années et est en passe de réaliser le meilleur score de son histoire.

Mais le fait est que les sociaux-démocrates n’ont pas perdu à ce jeu-là, progressant dans les sondages au point que le bloc de gauche fait jeu égal avec celui de droite à la veille du vote. L’enseignement qu’en tirent les responsables sociaux-démocrates est qu’attirer les électeurs du centre et regagner ceux passés à l’extrême droite depuis des années ne réussira qu’avec une politique stricte vis-à-vis des étrangers. « Une campagne qui marque un tournant dans l’histoire du parti », insiste Berlingske.

Face à la remontée du bloc de gauche, la droite a qualifié la campagne sociale-démocrate de « bluff » et utilise elle aussi la carte de l’étranger, s’appuyant sur l’affaire des réfugiés érythréens. Durant l’été 2014, les services danois avaient constaté un pic dans les demandes d’asile en provenance d’Erythrée. La ministre sociale-démocrate de la justice d’alors, Karen Hækkerup, avait promis des mesures pour contenir le flot (2 285 demandeurs en 2014).

Une commission d’enquête avait été envoyée dans le pays. Elle en est revenue en estimant que l’Erythrée n’était pas vraiment une dictature qui pourchasse ceux qui refusent le service militaire. Mais cela a provoqué un scandale, plusieurs experts ont estimé que leurs témoignages avaient été biaisés, et le rapport a été mis aux oubliettes. Début juin, l’extrême droite a réclamé que ce rapport soit à nouveau validé. Le parti libéral a ajouté que les réfugiés et leurs proches devraient recevoir une allocation inférieure à ce qu’ils touchent aujourd’hui, afin de rendre moins attractif le Danemark.

« Ce type de racisme est devenu courant au Danemark, critique Bashy Quraishy, un responsable dano-pakistanais de défense des minorités. L’histoire qui est vendue aux gens est que tout le monde voudrait venir au Danemark car on a un système formidable. La vérité est que le Danemark est un petit pays très nationaliste. »

« Carte dure »

« Comme si une différence de quelques centaines de couronnes dans un pays d’accueil avait une quelconque signification pour des gens qui fuient la guerre ou la dictature, s’insurge Andreas Kamm, le secrétaire général du Conseil danois pour les réfugiés. Si les politiciens danois racontent aux électeurs qu’en durcissant les règles d’asile on va régler les problèmes que posent les énormes flux de réfugiés, alors ils trompent les gens. Mais le fait est qu’au Danemark on peut gagner ou perdre une élection sur cette question. »

C’est la première fois que les sociaux-démocrates jouent cette carte des étrangers de façon aussi offensive. Jusqu’ici, ils avaient plutôt été divisés en interne mais, au fil des ans, ils ont fini par adopter les vues restrictives de la droite et de l’extrême droite. Ces atermoiements ont contribué à leurs défaites électorales entre 2001 et 2011, où une coalition minoritaire libérale-conservatrice a gouverné avec le soutien de l’extrême droite au Parlement.
« Ils jouent maintenant la carte dure, pour qu’on ne vienne pas les accuser de mollesse, souligne Andreas Kamm. C’est purement tactique de leur part, mais ça pourrit l’esprit des gens. »

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« Après avoir été battu par tous les empires au cours des siècles derniers, le Danemark est devenu un pays pragmatique, note le politologue Ove K. Pedersen. Il en ressort une tradition de consensus. Et qui s’intéresse à l’idéologie quand tout est question de souveraineté et de survie ? » A gauche, certains ont du mal à avaler la pilule. Johanne Schmidt-Nielsen, la présidente de la Liste de l’unité, un allié qui compte, a fait la leçon aux responsables libéral et sociale-démocrate : « Imaginez si la compétition que toi [Lars Lokke Rasmussen, le responsable libéral] et Thorning [la première ministre] avez engagée pour savoir qui traitera le plus mal les réfugiés fuyant la guerre était, au lieu de cela, consacrée à faire que l’intégration fonctionne mieux… »

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