Quand le pouvoir se fait ubériser
En agissant contre UberPOP mais tardivement, le gouvernement a donné le sentiment d'agir sous la contrainte de taxis déchaînés.
Par Cécile Cornudet
Les chaînes tout info ont montré en boucle les violences des taxis en colère. Twitter s'est gaussé derrière Courtney Love, coincée à Roissy, de cette propension si française à paralyser le pays. Et le gouvernement a obtenu l'inverse de ce qu'il recherchait. Il a pris une décision forte (bien qu'inapplicable pour l'instant) contre UberPOP, mais trop tard, c'est sa faiblesse qui a percé. Il a donné le sentiment d'agir sous la pression de taxis déchaînés, s'en prenant à des véhicules transportant femmes et bébés. De céder aux agresseurs, alors qu'il les voit comme des victimes d'Uber. On arguera que ce n'est pas tout à fait de sa faute. La justice en France est lente, nettement plus lente qu'un pouvoir en prise avec l'opinion et qu'une entreprise américaine prête à se faufiler dans tous les vides juridiques pour faire avancer sa cause. Il n'empêche. L'exécutif parle fort, comme Manuel Valls condamnant « avec la plus grande sévérité des violences inadmissibles ». Il s'agite, comme Bernard Cazeneuve, écourtant sa visite à Marseille pour recevoir une intersyndicale de taxis à Paris. Mais il donne surtout à voir son impuissance. La veille, face aux révélations sur les écoutes américaines, l'impression fut la même. Beaucoup de communication et de mise en scène, mais une absence de vrais leviers face aux changements du monde. Il y a quelques mois, Maurice Lévy, le patron de Publicis, inventait le terme d' « ubérisation de l'économie », ce phénomène par lequel les entreprises traditionnelles (hôtels, taxis...) se trouvent bousculées par le « tsunami numérique ». « C'est l'idée qu'on se réveille soudainement en découvrant que son activité historique a disparu », expliquait-il. La définition sied également à la politique, doublement ubérisée. D'abord parce qu'elle ne sait pas quel rôle d'arbitre jouer dans ce combat d'entreprises entre les anciens et les modernes. Elle hésite, maladroite. Elle accompagne Uber mais condamne UberPOP, elle soutient les taxis, mais en tardant à agir. Et puis parce qu'elle-même est soumise à la dictature du nouveau client, qui veut transparence, réactivité, efficacité, lien direct. Or depuis deux jours, l'exécutif a livré une autre image, celle d'un pouvoir dépassé.
ccornudet@lesechos.fr
Cécile Cornudet