On n’avait plus vu, ni entendu – ou alors beaucoup moins – Wolfgang Schäuble sur le dossier grec depuis quelques jours. Depuis le 1er juin grosso modo, quand Angela Merkel ne l’avait pas invité au mini-sommet sur la Grèce auquel participaient le président Hollande, Christine Lagarde, la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne (BCE) et Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne.
Mais, jeudi 25 juin, le ministre allemand des finances a fait un retour fracassant. A son arrivée à la réunion de l’Eurogroupe, à Bruxelles, il a refroidi l’atmosphère en déclarant que, loin de s’être rapprochées – comme l’assurait le commissaire européen à l’économie, Pierre Moscovici –, les positions du gouvernement grec et de se créanciers dans les négociations sur les réformes à mettre en place en Grèce, étaient « encore plus éloignées » qu’auparavant. « Les Grecs ont plutôt fait des pas en arrière », a-t-il lancé.
Tiraillements
Simple répartition des rôles, ou divergence plus profonde ? Depuis plusieurs semaines, Angela Merkel et Wolfgang Schäuble ne semblent plus tout à fait sur la même ligne vis-à-vis de la Grèce.
Quand le ministre des finances ne jure que par le respect par Athènes de ses engagements passés, la chancelière ne cesse de répéter que « là où il y a une volonté, il y a aussi un chemin ». Le premier insiste sur le droit. La seconde sur les marges de manœuvre politiques.
Alors que le ministre ne supporte pas son homologue grec, Yanis Varoufakis, la chancelière passe des heures au téléphone avec le premier ministre, Alexis Tsipras qu’elle semble parfois « coacher ».
Les Grecs ne s’y trompent d’ailleurs pas. En six mois, la popularité de Mme Merkel en Grèce a bondi, passant de 20 % d’opinions favorables fin 2014 à 38 % en juin.
Les intéressés nient évidemment toute divergence. Mais « hors micro », les responsables sociaux-démocrates confirment les tiraillements.
Loyauté sans faille, jusque-là
Depuis le début de l’année, M. Schäuble ne cesse de dire en « off » à ses interlocuteurs que la zone euro pourrait surmonter un « Grexit », une sortie de la Grèce de la zone euro. Le 13 mars, dans un entretien à la télévision autrichienne, le ministre a d’ailleurs évoqué publiquement cette possibilité, « par accident » : « Parce que nous ne savons pas exactement ce que font ceux qui sont aux responsabilités en Grèce, nous ne pouvons pas l’exclure. »
Pour cet Européen convaincu, l’avenir de la zone euro passe par une intégration accrue, qui nécessite le respect des règles définies en commun et des sanctions contre les contrevenants. D’où son souhait de doter, à terme, la zone euro d’un ministre des finances qui aurait un droit de regard sur les différents budgets nationaux.
Mme Merkel semble davantage comprendre les difficultés auxquelles fait face le gouvernement grec. La chancelière sait également qu’un Grexit constituerait un échec personnel majeur : elle qui n’a cessé de répéter que « l’euro est bien plus qu’une monnaie » et que « si l’euro échoue, l’Europe échoue. »
M. Schäuble s’est toutefois montré jusqu’ici d’une loyauté sans faille. Néanmoins, lorsqu’il a demandé, le 27 février, aux députés allemands de prolonger jusqu’au 30 juin le deuxième plan d’aide à la Grèce, il a souligné que « ce n’était pas facile non plus » pour lui. Et il n’avait pu s’empêcher de mettre les Grecs en garde : « Avec tout le respect que l’on doit aux électeurs grecs, la Grèce ne peut pas décider, seule en Europe, quel chemin est le bon »
Ce ton ferme plaît aux conservateurs. « Comme aucun autre, le ministre des finances se bat dans la crise grecque pour un euro fort », titrait Bild, jeudi 25 juin. « Comme aucun autre » ? Angela Merkel a dû apprécier.
Rivaux depuis plus de quinze ans
Mais ces deux « animaux » politiques en ont vu d’autres. Depuis plus de quinze ans, ils sont rivaux. Président de la CDU et confident de l’ancien chancelier, Helmut Kohl, M. Schäuble aurait dû succéder à son mentor si la jeune secrétaire générale de la CDU, Mme Merkel, n’avait pas profité des irrégularités commises durant la campagne de 1998 par M. Kohl pour prendre le pouvoir, en 2000.
Depuis 2005, M. Schäuble doit se contenter d’être ministre – de l’intérieur (de 2005 à 2009) puis des finances – de celle qui fut sa dauphine. Mais ce pilier de la vie politique allemande sait à chaque fois se rendre indispensable. En 2011, c’est à la demande expresse de Mme Merkel qu’il n’a pas démissionné, malgré d’importants soucis de santé.
Si le Bundestag doit se prononcer dans les jours qui viennent sur un nouveau plan d’aide à la Grèce, nul doute que la façon dont le ministre le défendra devant les parlementaires sera déterminante pour son acceptation par le groupe CDU/CSU et par l’opinion allemande.
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