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Le casse-tête des patrons de PME grecs face au contrôle des capitaux

Les petits entrepreneurs grecs sont plongés dans une situation délicate par la fermeture des banques décidée dimanche par le gouvernement.

Par  (Patra (Péloponnèse), envoyée spéciale)

Publié le 29 juin 2015 à 23h25, modifié le 30 juin 2015 à 15h02

Temps de Lecture 3 min.

Kostadino a eu « du flair », comme il aime à le souligner. Vendredi 26 juin, alors qu’il devait se rendre à la banque pour provisionner son compte professionnel, ce propriétaire de deux boulangeries à Aegio, dans le nord du Péloponnèse, à une quarantaine de kilomètres de Patra, se ravise au dernier moment. « J’avais un mauvais pressentiment sur la réunion de l’Eurogroupe prévue le lendemain », explique en souriant le trentenaire. Il décide alors qu’il attendra le dernier moment pour déposer les fonds nécessaires aux versements de ses taxes et des cotisations salariales (retraites et Sécurité sociale) pour ses quatre employés, prélevées en fin de mois.

L’annonce par le gouvernement, dimanche, de la fermeture des établissements bancaires jusqu’au 6 juillet et de l’instauration d’un contrôle des capitaux — limitant à 60 euros par jour et par personne les retraits d’espèces, afin d’éviter une fuite des capitaux vers l’étranger — lui a donné des « suées ». « Heureusement que j’avais déjà payé mes employés pour le mois », raconte cet ancien membre des jeunesses communistes, aujourd’hui électeur de la formation centriste To Potami (« La Rivière »).

Ce lundi 29 juin, Kostadino sort éreinté d’une journée de négociations pour que ses commerces, hérités il y a trois ans de son père, désormais retraité, puissent être approvisionnés pour la semaine. « Mon fournisseur de farine m’a téléphoné, me disant qu’il pouvait me livrer ce matin et jusqu’au mardi 7 juillet à la condition que je lui verse une somme 50 % supérieure à celle prévue sur ma facture hebdomadaire habituelle. » Ses fours, ajoute-t-il, fonctionnent avec du pétrole qu’il trouve à la station-service la plus proche. « J’ai eu de la chance, le propriétaire m’a prévenu que de nombreuses voitures faisaient la queue pour prendre de l’essence et qu’il voulait bien me mettre le nécessaire de côté, en échange de quelques billets. » Au total, il a dépensé près de 3 000 euros.

« En plus des frais courants pour faire tourner mon entreprise, je suis censé rembourser le prêt contracté il y a une quinzaine d’années par mon père. A cause de multiples retards de paiement, je dois près de 100 000 euros. Or, je ne peux plus honorer cette dette. Je ne gagne pas assez, donc je priorise : les salaires, l’Etat et les taxes, mes fournisseurs… Les banques sont tout en bas de ma liste. » Il touche la même somme que ses quatre employés : 800 euros mensuels avec des horaires décalés. Devra-t-il fermer boutique, se déclarer en faillite ? Le jeune homme craint que dans un tel cas, les banques viennent chercher leur dû sur ses fonds personnels : « Ce n’est pas une option. »

« Semaine du diable »

S’il admet en souriant que la journée de lundi a au moins été bonne en termes de vente, il tempère toutefois : « Les gens n’ont pas acheté plus de pain que de raison. » Allusion explicite aux quelques Grecs qui se sont rués dans les supermarchés en ce début de semaine pour faire des provisions. Une réaction aussi irrationnelle, selon Kostadino, que les scènes de « chasse aux distributeurs » observées ces derniers jours dans plusieurs villes du pays. Il comprend en revanche les queues observées çà et là dans les stations-service, admettant même, qu’une fois n’est pas coutume, l’aiguille de la jauge d’essence de sa voiture flirte avec les sommets. « Une mesure mise en place l’an dernier impose que les gérants de ce type de structures paient leur approvisionnement par le biais des banques, d’où la crainte des consommateurs, justifie-t-il. A Aegio, les pompes sont restées vides deux ou trois heures, ce qui a suffi pour que le mouvement de panique s’estompe. »

Joint par téléphone, le président de la confédération grecque du commerce et de l’entreprenariat, qui représente quelque 280 000 petites et moyennes entreprises, Vassilios Korkidis, semble garder son calme. Il qualifie pourtant les jours à venir de « semaine du diable » et les récentes mesures prises par le gouvernement d’Alexis Tsipras de « honteuses ». Les patrons de petites et moyennes entreprises n’ont pas de liquidités, la confiance des pays étrangers a disparu : c’est le pire scénario.

Cet après-midi, Vassilios Korkidis a rencontré Antonis Samaras, ancien premier ministre et chef de file du parti de droite Nouvelle Démocratie. Mardi, ils seront reçus par Alexis Tsipras pour aborder la situation et ses conséquences.

Quelle sera la donne si la réponse au référendum qui se tient dimanche est non ? Kostadino, lui, craint une fermeture à terme de ses commerces : « Aujourd’hui, le pays n’encourage pas l’entreprenariat. C’est dommage, il pourrait être un tel moteur de croissance. Quelle que soit l’issue du vote, il aura des conséquences terribles pour le pays. »

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