Menu
Libération
Décryptage

Enfants nés de GPA : le Grand Pas en Avant de la Cour de cassation

La Cour donne son feu vert à la transcription à l'état civil français des actes de naissance étrangers de deux enfants nés d'une gestation pour autrui en Russie.
par Catherine Mallaval
publié le 3 juillet 2015 à 16h51

Enfin. Enfin, Kolia et Lizie, 4 ans, vont pouvoir figurer sur un livret de famille. A 14 heures, ce vendredi, la Cour de cassation, la plus haute juridiction française, s’est prononcée en faveur de l’inscription à l’état civil français de ces deux enfants nés d’une gestation pour autrui (GPA) à l’étranger. Emotion. Soulagement. Joie.

Tous ceux qui s'étaient massés, en début d'après-midi devant la grande chambre de la Cour, qu'il s'agisse de l'avocat du défenseur des droits (Me Spinosi), des représentants de l'Association des parents gays et lesbiens (APGL), de l'Association des familles homoparentales (ADFH), les époux Mennesson, parents de jumelles nées par GPA aux Etats-Unis, sans oublier Dominique Boren et son époux Jérôme, parents de Kolia ont fait «ouf». Oui «ouf», tant les anti-GPA ont, ces derniers temps, donné de la voix, brandissant le spectre d'une légalisation de la GPA, quand la Cour n'était appelée à se prononcer que sur le bien-fondé ou non une identité complète à Kolia et Lizie.

Qu’a dit précisément la Cour de cassation ?

Elle demande que les actes de naissance de Kolia et Lizie soient transcrits à l'état civil français tels qu'ils ont été établis en Russie. Avec le nom du père qui a effectué une reconnaissance de paternité et, comme mère, la femme ayant accouché. Autrement dit, la mère porteuse. En autorisant cette transcription, la Cour de cassation a tenu compte de la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) qui avait invoqué «l'intérêt supérieur» des enfants en la matière. Dans le même temps, elle établit, et c'est très important, que l'interdiction en France de la GPA «ne peut faire échec» à la transcription sur les registres français de l'acte de naissance. Un sacré pas en avant. Seuls comptent donc les enfants. La «théorie de la fraude» ne pourra plus faire obstacle.

Cette décision a-t-elle une portée universelle ?

La Cour précise bien que ne s’est prononcée que sur les deux cas qui lui étaient soumis. Elle n’aborde pas le cas des parents d’intention. Ceux qui élèvent l’enfant avec le père génétique. Quid, par exemple, de Jérôme qui élève Kolia depuis sa naissance ? Pour devenir son père (aux yeux de la loi s’entend), il faudra que la mère porteuse de Kolia, Kristina, renonce officiellement à ses droits pour qu’il puisse ensuite l’adopter. Oui, mais la GPA est illégale, et l’argument peut alors être brandi pour empêcher l’adoption…

Et que deviennent les mères d'intention, ces femmes qui, privées d'utérus (le cas le plus fréquent dans ces cas de GPA), ont eu recours avec leur mari à une mère porteuse à l'étranger ? C'est bien ce dont s'inquiète Sylvie Mennesson. Ses jumelles sont nées aux Etats-Unis. Sylvie, comme le veut la loi américaine (différente de la Russie qui mentionne la mère porteuse), figure sur l'acte de naissance étranger. Va-t-elle profiter, elle aussi, du jugement de la Cour de cassation ? «Notre cas n'est pas réglé. Courage fuyons», lâchait-elle tout à l'heure, fatiguée par quinze ans de combat quand son époux Dominique se montrait nettement plus optimiste.

Des magistrats vont-ils pouvoir continuer à faire de la résistance ?

Comme l'expliquait, dès le jugement connu, Me Patrice Spinosi, certains juges «vont tirer les conséquences du jugement de la Cour de cassation, et d'autres bloquer, par principe», mais «on revient de très loin et cette décision est une grande victoire». Affirmer que l'interdiction en France de la GPA «ne peut faire échec» à la transcription sur les registres français de l'acte de naissance, donne effectivement un nouveau cadre. Le Premier ministre, Manuel Valls, ne s'y est pas trompé quand il a déclaré : «Il nous reste maintenant à analyser la décision de la Cour de cassation pour en déterminer très précisément les effets.»

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique