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Billet

Des courts au Tour, une lutte antidopage à deux vitesses

Les propos de Richard Gasquet vantant le bienfait des infiltrations ont agacé, à juste titre, sur la Grande Boucle.
par Johan Hufnagel
publié le 10 juillet 2015 à 15h42

Depuis le gazon anglais où il a jusqu'ici brillé, Richard Gasquet a lâché une bombinette dont les effets de souffle se sont fait sentir jusque sur les routes du Tour. Au détour d'un entretien à l'Equipe tenu mardi, à la veille de son exploit face à Stan Wawrinka, Gasquet se réjouit de sa préparation physique : «Heureusement que les infiltrations existent, sinon je ne serais plus sur les courts aujourd'hui.» Plus loin : «Il y a un paquet de gars qui se font infiltrer.» Gasquet n'est pas un sportif moyen que les produits dopants ont transformé en champion. Le Biterrois est un talent hors du commun dont le corps est soumis, depuis son enfance, à des épreuves d'une intensité exceptionnelle. A des répétitions de matchs et d'entraînements qui fragilisent les corps et augmentent le risque de blessures. Avoir mal tous les jours, voilà la vie quotidienne de Richard Gasquet et de la plupart des sportifs professionnels de très haut niveau. Comment gérer cette douleur ? Où s'arrête son traitement et où commence le dopage ? La frontière est plus que floue. Philosophiquement d'abord. Puisque la blessure fait partie du risque du métier, jusqu'où doit-on souffrir pour pratiquer son sport ? A quel moment le soin remet-il en jeu un champion qui devrait être mis sur la touche, au moins un temps ? Et bien sûr éthiquement, dès lors qu'un produit peut être utilisé à la fois pour soigner et/ou augmenter les performances. Les allusions à la piqûre de Gasquet, bienveillantes et presqu'anodines, n'ont pas plu à certains participants de la Grande Boucle. Vous me direz, c'est un peu l'hôpital qui se fout de la charité. Le monde du vélo véhicule toujours l'image d'une corporation qui a tendance à abuser des produits qui transforment un tricycle en scooter. Loin de moi l'idée de leur coller une étiquette Bio sur les cuissards — l'utilisation de produits dopants reste une pratique très courue dans le peloton —, mais il faut reconnaître que le vélo a fait plus que beaucoup d'autres sports pour limiter le recours au dopage. Notamment le tennis… On peut alors légitimement s'émouvoir des deux poids deux mesures dans la lutte contre le dopage et la faible médiatisation des pratiques. Entre les contrôles à trous, qui laissent passer les gros poissons et attraper le menu fretin, et l'impression de ne pas tous être logés à la même enseigne, voilà de quoi faire grandir un réel sentiment d'injustice, gros moteur de la tentation de l'imitation, parmi les rouleurs. Les aiguilles de Gasquet et des autres gros bras de l'ATP mériteraient qu'on s'intéresse aux vestiaires du circuit avant qu'ils ne génèrent un autre effet contagion.

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