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Mouloud Akkouche

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Billet de blog 17 juillet 2015

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Lettre ouverte à #MaFranceàMoi

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 «Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez le dire. »

 «Non citation» de Voltaire.

             #MaFranceàMoi fait couler beaucoup d’encre et génère toutes sortes d' interrogations. Et même quelques crachats numériques. Certains s’en sont pris à Zohra Bitan en la taxant de facho. Malgré mes très nombreux désaccords avec elle, je ne pense pas du tout qu’elle soit facho. Même si je trouve qu'elle entend moins – surdité transpartis ?- les casseroles de son camp. Mais, contrairement à ceux critiquant sans s’engager, dont je fais partie, elle œuvre avec passion pour défendre ses idées. Et s'engager suscite souvent des retours de bâton. Le jeu de l'exposition publique.Une vraie dé-battante . 

Quoi qu’on en pense, cette femme politique accepte d'ouvrir la porte au dialogue. Toujours prête à frotter ses idées avec celles des citoyens dont elle ne partage pas du tout les points de vue. Des joutes twittesque «viriles» mais cordiales. Pas  facile de rester élégant dans la polémique. Zohra Bitan sait polémiquer sans céder à l'insulte. N'en jetez plus: la  cour est pleine. Revenons à cette initiative qui enflamme la toile.

Au début, j’ai trouvé l'idée plutôt sympa. Un peu comme une rédac du genre : raconter ses vacances ou décrire son pays idéal. Gosse, ces rédac me plaisaient énormément. Pourquoi pas participer à ce petit jeu sur tweet? Une sorte de «je me souviens » en 140 caractères ». Parler de ma France Inter, des bistrots (mon université populaire), mes voyages en BM, des copains, des copines, de la littérature, le jour du bac-pas passé-, le cognac, mes amis, mes amours, mes emmerdes… Les bons et mauvais moments d'un citoyen de ce pays. Très envie de partager aussi « ma France à moi ».

Pourtant impossible de rédiger le moindre mot. Bloqué au-dessus du clavier. Pourquoi égrener les mêmes choses ?  L’enfance et tout le tralala habituel. Du réchauffé. Avec le recul, l’intime ne me semble guère correspondre à un tweet ou un billet d’humeur. Ne pas tout mélanger. Désormais, ces « petites madeleines personnelles »ne seront trempées que dans une tasse de fiction. Que tweeter ? Complètement à sec. Ma « France à moi » pitoyable sur sa page blanche. Surtout ne pas tomber dans le c’était mieux avant. Eviter d’être trop vieux con. J’ai fini par laisser tomber. Rien à dire sur ce sujet.

Avant de tomber sur cette photo sur le Net. Qui est cette femme assise dans le couloir d’un train? Seule ou accompagnée ? Ou va-t-elle ? Quitte-t-elle un compagnon ou une compagne ? Retrouver un amant ou une amante? Un frère, une sœur, une mère, des enfants, un boulot… Personne à quitter ou à retrouver. Juste le plaisir d’un voyage en solitaire. Son horizon mobile défile derrière la vitre. Quelqu’un va-t-il apparaître dans le couloir ? Belle ou mauvaise rencontre ? Tout peut se jouer.

 Etrangement avec cette photo ( sans doute aussi accroché par la beauté troublante de la passagère), j'ai eu l'impression que ma « France à moi » est comme en mouvement. Jamais figée. Changeante selon mon regard, mes humeurs, les événements, le temps... Poésie tour à tour sombre ou lumineuse. Territoire de tous les  possibles.  .Ma patrie idéale serait en fait assez proche d’un voyage chargé de promesses. J’avais trouvé les 140 caractères pour accompagner la photo de cette jolie voyageuse et participer à ce "jeu" repéré par le biais de Zohra Bitan. Donner ma vision. Mais quelque chose me gênait. Une espèce de malaise indicible. Pas qu’un simple échange de jolies images d’un pays. Pourquoi refuser de jouer ?

 Ma première réticence est née à la lecture du tweet d’Alain Jacubowic:  « A tous ceux qui font surenchère de #MaFranceáMoi : essayez de conjuguer à la première personne du pluriel, la #France sera encore plus belle ». Puis  j’ai lu nombre de tweets avec le mot clef «Ma France à moi ». Indéniable que certains étaient très proches des idées du FN. Même si je suis contre leur idéologie, ils ont la liberté de s’exprimer. Et d’ailleurs, je préfère tenter de les convaincre, que de rester confiné dans un cercle de convertis partageant les mêmes idées que moi. Cela dit, d’autres, ni fachos ni xénophobes, on participé à ces échanges de tweets. Un grand succès. Pas leur France idéalisée qui me gênait. Qu’est-ce qui me dérangeait alors ?

 Le diktat incontournable de l’identité. Un martèlement récurrent.  L’obligation de dégainer ses racines à tout bout de champ, pouvoir prouver à l’instant T qui je suis. Se situer toujours par rapport à un drapeau, un terroir, une religion. Dis-moi qui tu es et je te dirais si tu es avec moi, ou contre moi. Des années que ce pays vit en contrôle d’identité permanent. Montrer patte blanche hexagonale. Papiers d’identité, souvenirs, menu préféré, religion, désormais jesuisCharlie ou pas,… Capable de prouver sa totale conformité à un modèle. Tout blasphémer, rire de tout… sauf de la France. Soluble ou pas dans la nation française ?

 Aimer la France ? Je ne la déteste pas mais je ne veux pas qu’on me force à l'aimer. Le hasard a fait que je sois né dans ce pays et que je m’y sente bien. Tant mieux pour moi. En plus nombre de ses valeurs républicaines me plaisent beaucoup, surtout les universelles. Des valeurs non liées à un territoire ; d'autres, ailleurs, les partagent. Pas la terre qui  crée des valeurs. Même le meilleur sol ne peut faire germer la plus petite idée. Les valeurs, bonnes ou mauvaises, sont le fruit de l’esprit d'hommes et de femmes. Des valeurs composées et transmises à la sueur de neurones. Imaginons un seul instant la déclaration universelle des droits de l’homme pondue par un algorithme. Un pays c’est aussi cette somme, visible et  invisible, de réflexions et de créations. Et d'interrogations sans cesse remises sur le métier du vivre ensemble. Quelle est la nationalité d'une valeur ?

 Bien sur, ce pays dispose d'une histoire et d'une culture. Pas le même citoyen du monde sur la banquise qu’au fin fond de l’Ariège.  La France n’est pas née d’hier.Chaque pays a ses traditions et en invente d'autres. A ce propos, j'ai asssité  à mon premier passage de tour de France. Voir les coureurs en chair et roues change de la télé. La caravane, avec son cortège digne d’un carnaval, est très amusante. Les gosses fous de joie. Quelques féministes auraient pesté contre l’instrumentalisation des sourires et plastiques des femmes-vitrines de la grande boucle. D’autres auraient jugé méprisant le jet de casquettes, de « cochonou », de porte-clefs,  etc, sur la foule se précipitant dessus. Chacun "ma râlerie à moi". J’ai bien apprécié ma matinée. Une kermesse joyeuse. Si j’avais détesté le folklore du Tour de France, aurais-je été mauvais français ? Un dangereux déviant.

 Cette problématique  autour de « ma France à moi » ne date pas d’aujourd’hui. Michel Polnareff, ayant dû s’expatrier suite à des problèmes avec le fisc, déclara sa flamme à France. Longtemps vant lui, la lettre très  forte de Zola au moment où «  ma France à moi » de beaucoup  était violemment antisémite. Hier des chansons et des lettres, aujourd’hui des tweets. Seul le support change. Les interrogations et le doute perdurent. Chacun cherche sa France ?

 En 2015, Zohra Bitan, ainsi que les très nombreux autres twittos n'ont pas à rougir de leur déclaration d'amour à la France. D’ailleurs, certains tweets sont très sincères et émouvants. Beaucoup d' images comme Max et les ferrailleurs me touchent. Pas que des éructations de fachos. Le terme facho souvent dégainé trop vite. Les fachos existent ; nos contradicteurs ne le sont pas tous. La où je tique est que cette ode à la France me semble virer à une espèce de dictature de la bonne pensée. Aimer sa nation et sa patrie pour vivre ici. Interdiction implicite de ne pas être patriote, nationaliste, et  de refuser d’aimer un drapeau. Bientôt brûler les anarchistes et tous les internationalistes ? Sur le même bûcher que les nonCharlie?

Vivre en France n’empêche pas de détester certains de ses aspects. Un pays perfectible, même si c’est doute un de ceux où il fait le mieux vivre. Mais n’en déplaise aux esprits étriqués, la France à toujours aimé le pluriel. Pas que pour les fromages et le bon pinard. 66 318 000 millions de France. Plus toutes les France éphémères passant dans notre pays accueillant. Nous sommes gâtés. Ne soyons pas gâteux en nous refermant.

 A propos de gâtisme ; trop souvent, je radote  que j’ai deux pays : l’amour et l’amitié. Sûrement de l’enfonçage de porte ouverte. Mais je persiste et signe en ces périodes de grand désir national de fermeture des portes. Promotion de la division. Notamment de ces fous furieux (évidemment pas tous les musulmans) voulant nous obliger à croire en leur Dieu et choisir la garde robe des femmes.D’autres, sans barbes, avec aussi peu de cervelle, ne veulent  qu’une France qui lave plus blanc que blanc. Contre le mariage pour tous, ils militent pour le « tous pareils ». Endogamie nationale? Les premiers nous tannent avec leur religion. Tandis que les seconds, parfois sous une fausse identité laïque, ne jurent que par le sang pur. Ni les uns, ni les autres. Leur France est trop triste à mourir. 

 La France,comme tous les autres pays, n’appartient à personne. L’aimer n’est pas une obligation. L’amour ne se commande pas. « Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde. » La patrie où ce préambule à été rédigé ne peut-être la propriété de quiconque. Ni d’un  individu, ni d’une caste politique, financière ou religieuse.  Cette France  des Lumières et des droits de l'Homme est libre d’aimer qui elle veut. Et d’être aimée par qui le souhaite ; à  condition de ne jamais tenter de se l’approprier et lui imposer son culte ou une idéologie antirépublicaine. La patrie de chacun et de tout le monde. Même de ceux qui la critiquent.

 Certes, la France n’est pas parfaite. Parfois détestable. D’ailleurs, certains et certaines, à une époque sombre, ont eu raison de s’éloigner d’elle. A l’époque, on les traitait de terroristes haineux du pays. Pas de bons français made in Maréchal nous voilà. Après le maquis ou l’exil à Londres et ailleurs, ces terroristes sont revenus  lui rendre le plus beau de ses attributs: sa liberté. Tel Max  de la chanson, elle est libre France.  Comme l'inconnue du train.

 Bon voyage en France-s !

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