Le chanteur Calogero

Le chanteur Calogero avait été condamné en mai 2014 à verser 80 000 euros de dommages et intérêts au plaignant.

AFP

Mauvaise publicité pour Calogero. La cour d'appel de Paris a confirmé mardi la condamnation pour "contrefaçon" du chanteur français. Selon elle, son célèbre titre Si seulement je pouvais lui manquer comporte des similitudes avec la chanson Les chansons d'artistes du compositeur, Laurent Feriol. En première instance au mois de mai 2014, Calogero avait été condamné avec son frère -compositeur de la chanson- mais aussi l'éditeur et le distributeur à verser près de 80 000 euros de dommages et intérêts au plaignant.

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Pour rendre son jugement, la justice fait appel à des experts chargés de comparer les morceaux. Dans le cas Calogero, ceux-ci ont estimé que le chanteur avait plagié à hauteur de 15%.

Ruth Bensimon est l'une de ces expertes auprès de la Cour d'appel de Paris chargées des litiges musicaux. Elle s'est notamment occupée en mars dernier du dossier Khaled. Pour L'Express, cette compositrice et musicienne de profession dévoile comment elle traque et analyse les plagiats.

Qui fait appel à vos services?

Il y a deux cas de figure. Le premier: c'est la justice qui nous appelle. Un juge estime nécessaire qu'un expert impartial soit nommé pour trancher un cas litigieux de plagiat. Dès lors, cette mission doit être effectuée dans l'obligation du respect du contradictoire et faire preuve de la plus grande transparence auprès des différentes parties concernées.

La seconde possibilité: on fait appel à nos services en amont de la nomination par la justice, c'est-à-dire par l'une des parties. L'avocat ayant besoin d'un avis pour nourrir son argumentation et se faire sa propre opinion pour éventuellement négocier par la suite. Il s'agit là d'une expertise privée. Dans ce cas précis, nous n'avons pas besoin de nous soumettre à l'obligation du respect du contradictoire. Mais nous ne devons pas mentir, même par omission, et dire toute la vérité à nos interlocuteurs.

En quoi consiste précisément votre activité d'expert?

C'est à la partie concernée ou à la justice de formuler notre mission. Dans un cas de plagiat, il s'agit le plus souvent d'examiner, entre deux oeuvres, les points communs et les différences au niveau de la mélodie, des harmonies et du rythme. Viennent ensuite les considérations de style, d'orchestration ou encore de couleur sonore.

Pour statuer, nous disposons de plusieurs outils, même si chaque expert a sa propre méthodologie. Quand survient un problème d'emprunt de 'sample', c'est-à-dire un petit échantillon emprunté à une oeuvre existante et utilisé dans une nouvelle chanson, il existe par exemple des programmes pour comparer les formes d'ondes. Cette pratique trouve son origine dans le rap, mais elle se retrouve un peu partout actuellement, notamment dans la musique électronique. Nous pouvons également utiliser des logiciels informatiques de musique assistée par ordinateur. Il y en a une multitude. La plupart des musiciens en utilisent au quotidien. Ils permettent d'analyser un spectre sonore et de faire subir à une onde plusieurs processus de transformation (transposition, étirement dans le temps, etc.).

Enfin, on peut nous demander d'effectuer une recherche d'antériorité. Autrement dit, remonter dans le temps pour voir si une chanson n'a pas été inspirée d'un titre antérieur à l'oeuvre qui prétend être plagiée. Et là, c'est le système de la débrouille. Nous devons compter sur nos propres capacités de recherches et sur notre culture musicale.

Combien de temps dure une mission?

C'est très variable. Tout dépend de sa nature. Elle peut être très rapide si la demande porte sur un son précis ou un passage en particulier. Dans ce cas-là, nous n'avons pas besoin de tout décortiquer. En revanche, comparer deux oeuvres prend beaucoup plus de temps, ça peut être l'affaire de plusieurs jours ou semaines. En général, on nous demande de travailler le plus rapidement possible.

Le doute fait-il partie de la mission?

Oui. Il faut douter, c'est sain et nécessaire à la réflexion. Personne n'est infaillible et à l'abri d'une erreur, mais on attend de nous un avis clair et tranché. Si une partie s'estime lésée, elle peut demander une nouvelle expertise. Généralement, tout se passe dans la transparence, personne de trouve son compte dans les non-dits.

Comment devient-on expert?

Chaque année, une liste d'experts est établie par l'ensemble des cours d'appel en se basant sur des dossiers de candidatures. Après avoir obtenu l'avis de la Compagnie des Experts concernée, cette liste est validée. L'inscription initiale est valable trois ans et doit être renouvelée tous les cinq ans. Certains experts sont renouvelés d'une année à l'autre, d'autres peuvent être retirés. Tous doivent ensuite prêter serment et effectuer un certain nombre de formations obligatoires en droit. Il s'agit d'une activité supplémentaire, chaque expert garde son emploi à côté.

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