Pour recruter son nouveau directeur financier, Airbnb s’est tourné vers Wall Street. La plate-forme de location de logement entre particuliers a débauché Laurence Tosi, qui occupait jusque-là les mêmes fonctions chez Blackstone, l’un des plus grands fonds d’investissement au monde. « Son expertise va aider Airbnb à atteindre le prochain palier », assure Brian Chesky, son fondateur et patron. Pour la jeune entreprise de San Francisco, cela pourrait être une prochaine introduction en Bourse.
M. Tosi n’est pas le premier grand nom de Wall Street à traverser les Etats-Unis, de New York vers la Silicon Valley. Les transferts sont même de plus en fréquents. Ils illustrent la bascule qui s’est effectuée ces dernières années entre la finance, mise à mal par la crise des subprimes, et la high-tech, où l’argent coule à flots.
A la fin de mai, Google a confié le poste de directeur financier à Ruth Porat, vingt-huit ans de carrière au sein de la banque d’affaires Morgan Stanley et considérée comme la « femme la plus puissante de Wall Street ». L’an passé, Snapchat a embauché Imran Khan en tant que responsable stratégique. Chez Credit Suisse, il avait notamment supervisé l’entrée en Bourse d’Alibaba, le géant chinois du commerce en ligne.
Twitter avait aussi recruté Anthony Noto, ancien banquier de Goldman Sachs, où celui-ci avait mené l’introduction en Bourse du réseau de microblogging. Directeur financier de la société, il fait aujourd’hui partie des candidats potentiels pour remplacer Dick Costolo, qui a quitté, au début de juillet, ses fonctions de directeur général.
Dave Wehner, directeur financier de Facebook depuis 2014, a également passé quelques années dans la finance. Tout comme Sarah Friar et Vanessa Wittman, qui occupent les mêmes fonctions chez Square et Dropbox.
Rassurer les investisseurs
Si la Silicon Valley regarde de plus en plus vers Wall Street, c’est en partie parce qu’elle a besoin de rassurer des investisseurs qui ne partagent pas toujours sa logique. C’était le cas de Google, dont l’action était à la peine depuis plusieurs mois à cause de dépenses jugées excessives.
« Le prédécesseur de Mme Porat considérait Wall Street comme un dérangement nécessaire », ajoute Mark Mahaney, analyste chez RBC Capital. L’ancienne employée de Morgan Stanley est en revanche respectée par les financiers. Et elle apporte de la crédibilité au discours et promesses du moteur de recherche.
Vendredi 17 juillet, la valorisation boursière de Google a ainsi bondi de près de 65 milliards de dollars. La veille, les premières déclarations publiques de Mme Porat, à l’occasion de la publication des résultats financiers, avaient conforté les investisseurs. La responsable avait plaidé pour une « gouvernance plus stricte » et une « priorisation des investissements ».
Le constat était le même pour Twitter, lorsque la société avait décidé de changer de directeur financier en juillet 2014. Son action avait chuté de plus de 30 % en six mois, et ses dirigeants ne parvenaient plus à convaincre les investisseurs du bien-fondé de leur stratégie. Cependant, l’effet positif du recrutement de M. Noto sur le cours boursier n’a duré que quelques mois.
Puissance financière
Pour Airbnb, l’arrivée de M. Tosi pourrait être précieuse dans le cadre de prochaines levées de fonds ou d’une éventuelle entrée en Bourse. Car il faudra justifier une valorisation que certains jugent très élevée. A 25 milliards de dollars, elle est supérieure à la capitalisation boursière du groupe hôtelier Marriott.
Selon le Wall Street Journal, la jeune entreprise table pourtant sur une perte opérationnelle de 150 millions de dollars cette année. Et elle ne s’attend pas à être rentable avant 2020. Snapchat, Dropbox et Square – qui vient tout juste d’entamer son processus d’introduction en Bourse – sont dans le même cas de figure.
Pour attirer ces grands noms, la Silicon Valley peut compter sur sa puissance financière, désormais bien supérieure à celle des grandes institutions financières. Google s’est ainsi engagé à verser 65 millions de dollars d’actions à Mme Porat au cours des deux prochaines années. En quatre ans chez Morgan Stanley, elle n’avait touché « que » 40 millions de dollars. Chez Twitter, M. Noto a reçu pour plus de 60 millions d’actions.
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