Canal + : Bolloré aurait empêché la diffusion d'une enquête sur le Crédit Mutuel

D'après Mediapart, le patron du groupe Vivendi aurait censuré une enquête sur le Crédit mutuel par un coup de fil à Rodolphe Belmer, alors directeur général de la chaîne.

Canal + : Bolloré aurait empêché la diffusion d'une enquête sur le Crédit Mutuel

    Deux mois après la prise contrôle totale de Canal + par son groupe Vivendi, la présence de Vincent Bolloré semble déjà bien embarrassante pour la chaîne cryptée. Avant l'imbroglio autour des Guignols de l'info qui a conduit à l'éviction de plusieurs de ses auteurs et au passage de l'émission satirique en crypté, c'est l'émission «Spécial Investigation» qui aurait eu fort à faire avec le milliardaire breton.

    Selon Mediapart, Vincent Bolloré aurait personnellement appelé en mai dernier Rodolphe Belmer, le directeur général de Canal + évincé depuis, pour censurer une enquête sur le Crédit mutuel. Intitulée «Evasion fiscale, une affaire française», elle était initialement programmée le 18 mai. Comme l'écrit Mediapart, ce film contient «plusieurs révélations embarrassantes» pour le Crédit mutuel, une banque avec laquelle Vivendi a de «nombreux liens d'intérêt». Afin d'empêcher la diffusion du documentaire, Vincent Bolloré aurait ainsi fait valoir auprès de Rodolphe Belmer «ses liens d'amitié avec Michel Lucas, le patron du Crédit mutuel».

    Le passage de cette enquête sur l'antenne de Canal + ne pouvait pas tomber plus mal pour la neuvième fortune française puisqu'au même moment, le 12 mai, Vivendi annonçait le lancement d'une OPA amicale pour prendre le contrôle de la chaîne. Une opération copilotée et garantie par le Crédit mutuel via une de ses filiales, CM-CIC Securities.

    «Je n'avais encore jamais vécu une censure aussi franche et brutale»

    Tout comme UBS ou HSBC, le Crédit mutuel est soupçonnné d'avoir organisé un vaste système d'évasion fiscale via ses filiales suisse et monégasque. Comme le rappelle Mediapart une enquête judiciaire pour soupçons de fraude fiscale a été ouverte fin 2014 contre le groupe bancaire français, propriétaire de nombreux quotidiens régionaux tels que Le Progrès, Le Dauphiné libéré ou L'Est républicain.

    «En quinze ans, je n'avais encore jamais vécu une censure aussi franche et brutale», a déclaré Jean-Pierre Canet, rédacteur en chef du documentaire travaillant pour la société KM Production et cité par le site d'information. «Aucune concertation ni aucune négociation n'a été possible avec la direction ou l'actionnaire principal de Canal +». Aucun commentaire n'a en revanche été fait par Vivendi, le Crédit mutuel ou le porte-parole de Vincent Bolloré.

    Depuis cette affaire, KM Production a appris que Canal + mettait fin à son contrat de production du «Grand Journal», sa principale source de revenu. «C'est une lame de fond, Vincent Bolloré prend le contrôle de Canal+ et dégage les représentants historiques de la chaîne. Mais c'est une vraie question de savoir si une chaîne privée, détenue par des industriels ayant des intérêts divergents, peut avoir une information indépendante», s'est inquiété Jean-Pierre Canet.

    Quant au documentaire, il sera bel et bien diffusé à l'automne à la télévision. Ce ne sera pas sur Canal + mais sur France 3, dans le cadre de 'l'émission «Pièces à conviction».