Ferguson : confessions d'un flic sans remords, un an après

Un an après avoir abattu Michael Brown, un jeune Noir de 18 ans à Ferguson, déclenchant de violentes émeutes raciales, Darren Wilson mène une vie paisible. En toute discrétion et la conscience tranquille.

Ferguson : confessions d'un flic sans remords, un an après

    Il a toujours les mêmes joues rondes, ce regard tombant et cet air d'adolescent peu à l'aise. Toutefois, Darren Wilson, 29 ans, dissimule désormais son visage sous un chapeau et derrière des lunettes de soleil quand il vient ouvrir la porte de sa nouvelle maison. Un seul journaliste américain a pu le rencontrer à plusieurs reprises ces derniers mois, dressant le long portrait d'un homme à la conscience tranquille.

    Le 9 août 2014, Darren Wilson, officier de police à Ferguson, dans la banlieue de Saint Louis (Missouri), a tiré six balles sur un jeune homme noir soupçonné d'avoir volé une boîte de cigarillos. Michael Brown, 18 ans, s'est écroulé en pleine rue. Un détonateur. L'Amérique a été secouée par des émeutes raciales comme elle n'en avait pas connu depuis des décennies. Darren Wilson a été démis de ses fonctions, mais il n'a pas été poursuivi par la justice, au motif qu'il n'y avait pas suffisamment de preuves pour l'inculper.

    Il vit aujourd'hui une existence très tranquille, raconte le magazine américain « The New Yorker » dans son édition à paraître demain.

    Une maison payée grâce aux dons de ses soutiens

    Tout a changé dans sa vie. Pour le pire et pour le meilleur. L'ex-flic, qui se dit aujourd'hui « inemployable », a dû déménager et vit caché. Depuis son téléphone portable, il scrute les différentes caméras de surveillance autour de sa villa. Sur l'acte de propriété, le patronyme Wilson n'apparaît pas. Seuls quelques amis ont son adresse. Cependant, cette maison comme tous les frais de justice ont été payés grâce aux dons de ses soutiens, quelque 500 000 $ récoltés. Il dit avoir reçu des centaines de lettres d'encouragement, il a pris le temps de répondre à toutes. « Merci de nous protéger », résume l'une d'elles.

    Wilson aurait pu fuir à l'autre bout du pays, il a choisi de rester dans cette banlieue de Saint-Louis qu'il connaît par coeur, non loin de Ferguson. Il réussit parfois à sortir dîner dans des restaurants « où il y a des gens qui ont les mêmes idées que nous... Vous voyez, où les gens ne sont pas mélangés », précise-t-il en pesant chaque mot. Il s'est aussi marié à une ancienne policière qui a donné naissance en mars à une petite fille. Par peur de représailles, elle a préféré se faire admettre anonymement à la maternité.

    A la même époque, le ministère de la Justice américain a publié un rapport officiel accablant, qui confirme les dérives racistes au sein de la police de Ferguson. Darren Wilson ne l'a pas lu. « Je ne vais pas continuer à vivre dans le passé après ce que Ferguson a fait. Je n'ai pas de contrôle sur cela », balaie-t-il. Comme s'il était étranger au débat sur les violences policières, qui secoue toute la société américaine depuis un an. « J'aimais bien la communauté noire. Je me suis bien amusé là-bas. Il y a des types qui vous font trop rire », confie-t-il sans broncher, se défendant de tout racisme. « Quand un policier débarque, on entend : Attention, il y a les flics, pas Attention, des flics blancs. Tout le monde se précipite pour dire que c'est une question de race, ce n'en est pas une », assure-t-il.

    VIDEO. Peur et espoir à Ferguson un an après les émeutes raciales

    Dans cette affaire, un jeune homme de 18 ans est mort sans que la justice puisse établir pourquoi. Etait-il un « mauvais garçon » ? « Je ne l'ai connu que pendant ces quarante-cinq secondes durant lesquelles il a essayé de me tuer. Donc, je n'en sais rien », esquive Darren Wilson. Repense-t-il à Michael Brown ? « Pas vraiment parce que ça n'a plus d'importance maintenant, rétorque-t-il. Est-ce que je pense qu'il a eu la meilleure éducation possible ? Non, pas du tout. »

    Ce détachement, cette absence apparente de remords nourrit la colère de tous ceux qui militent depuis la mort de Michael Brown contre les violences policières. Sean Blackmon, lui, n'est pas surpris. « C'est simplement à l'image de la police américaine », explique ce responsable du mouvement Stop Police Terror. « J'en veux à Darren Wilson en tant que personne, mais j'en veux surtout à cette institution qui trouve normal de tuer un jeune homme de 18 ans. »

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