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Sept Français sont tués chaque mois en Syrie

Selon le dernier bilan officiel, 126 djihadistes français sont morts sur les 910 ayant rejoint la Syrie, soit un sur sept

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Publié le 08 août 2015 à 02h44, modifié le 29 septembre 2015 à 09h05

Temps de Lecture 4 min.

« Nous aimons la mort autant que vous aimez la vie. » Quatre ans avant les attentats du 11-Septembre, Oussama Ben Laden avait annoncé, dans un entretien à CNN, que le martyr était à la fois un outil et un horizon de la doctrine djihadiste. Deux décennies plus tard, son avatar et principal rival, l’Etat islamique (EI), a élargi l’ambition de ce sinistre programme. Le message ne s’adresse plus seulement aux kamikazes, mais à l’ensemble des combattants du « Califat », aux confins de l’Irak et de la Syrie.

Dans ses campagnes de recrutement, l’EI présente le « Califat » comme l’« arche de Noé » qui sauvera les « vrais musulmans » lors de l’affrontement final contre les forces du mal.

Depuis le début du conflit, 910 Français ont été séduits par ce discours apocalyptique et ont rejoint la Syrie. Selon le dernier bilan du ministère de l’intérieur, fin juillet, 494 sont toujours sur place et 126 y ont perdu la vie : un djihadiste français sur sept est mort en Syrie.

Pour l’essentiel, ces « martyrs » sont des hommes. Sur les 158 Françaises actuellement sur place, une seule aurait succombé des suites d’une maladie. Ce sont paradoxalement les mineurs qui payent le plus lourd tribu. Cinq des seize adolescents français partis combattre sont morts, soit près du tiers. On estime par ailleurs que plusieurs dizaines d’enfants français en bas âge, pour lesquels n’existe aucun chiffre officiel, ont été emmenés par leurs parents pour peupler le « Califat ».

« Un voyage vers la mort »

Le taux de mortalité des recrues françaises a explosé ces derniers mois. Entre janvier et juillet, il est passé de 11 % à 14 %. Si le nombre de Français en Syrie a augmenté de 44 % depuis juillet 2014, le nombre de morts a ainsi grimpé de 280 %, pour atteindre une moyenne de sept décès mensuels depuis janvier. Plus de 50 Français sont morts depuis le début de l’année, soit autant que pour toute l’année 2014. « Ces chiffres montrent, si c’était nécessaire, que le départ en Syrie est un voyage vers la mort », souligne le ministère de l’intérieur.

Les frappes aériennes de la coalition y sont pour beaucoup. En juin, l’état-major américain a avancé le chiffre de 10 000 morts dans les rangs de l’EI depuis le début des bombardements, en août 2014. Les combats contre les rebelles syriens et les islamistes de Jabhat Al-Nosra, ainsi que la terrible bataille face aux Kurdes pour le contrôle de la ville de Kobané, sont également en cause.

Mais la mortalité des Français s’explique aussi par leur progression dans la hiérarchie de l’EI. Guère préparés au combat, les pionniers se voyaient souvent cantonnés aux tâches subalternes, telles que le gardiennage des otages. La guerre est longtemps restée l’affaire des moudjahidin venus de Tchétchénie, de Bosnie ou des pays de la région. Le temps a passé. En janvier 2013, une vingtaine de volontaires français étaient présents en Syrie. Ils constituent aujourd’hui l’un des premiers bataillons de la légion étrangère de l’EI et ils sont au front.

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Une centaine de pays concernés

Les comparaisons internationales ont leur limite, chaque service de renseignement ayant son mode de calcul. Elles donnent néanmoins un ordre de grandeur. Selon un rapport de l’ONU de mai, une centaine de pays, soit la moitié des Etats de la planète, alimentent le contingent de 25 000 combattants étrangers dans la zone irako-syrienne. La France apparaît dans le cercle très fermé – avec la Russie, le Maroc et la Tunisie – des pays non frontaliers de la Syrie ou de l’Irak dont la contribution totale approche le millier d’hommes depuis le début du conflit.

Premier fournisseur européen, son poids relatif est cependant à nuancer. Rapporté au nombre d’habitants, la France glisse en treizième position, derrière dix pays à majorité musulmane comme le Liban, le Kosovo, l’Albanie ou la Bosnie, et deux pays de l’Union européenne : la Belgique et le Danemark. Sans le précieux renfort de ces combattants étrangers, les experts estiment que les troupes de l’EI auraient déjà perdu la bataille.

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Plus encore que leur nombre, c’est l’implication croissante des djihadistes français dans les combats qui inquiète les autorités : sur les onze attaques-suicides menées par des Français, huit ont eu lieu en 2015. Plus de la moitié ont été commises par des convertis, qui représentent le quart des combattants français. Pierre C., 19 ans, est parti en octobre 2013 en laissant ce mot à ses parents : « Papa, maman, je suis parti aider les Syriens et les Syriennes, mais ne vous inquiétez pas, je vous donnerai des nouvelles dès que possible. » Sous le nom de guerre d’Abu-Talha Al-Faransi, ce jeune homme originaire d’un village de Haute-Saône s’est fait exploser en février contre une base militaire de Tikrit, en Irak.

Sur les 910 Français à être allés en Syrie depuis le début du conflit, près de 500 sont toujours sur place, 290 ont préféré rentrer – dont 223 sont aujourd’hui en France : ce sont donc potentiellement 800 citoyens français, dont beaucoup ont vu ou commis des atrocités, qui seront un jour sur le sol français. La question de leur surveillance et de leur accompagnement psychologique se pose. Quand bien même seule une minorité songerait à commettre des attentats en France, la plupart seront victimes d’un syndrome de stress post-traumatique, qui en fera des dangers potentiels, pour eux-mêmes et leur environnement.

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