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Emmanuel Macron, un animal post-politique

Un an après son arrivée à Bercy, le ministre de l'Economie incarne toujours un espoir de renouveau réformateur. Il a devant lui un immense défi : recentrer l'Etat sur l'adaptation stratégique aux grandes ruptures du XXI e siècle.

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Publié le 26 août 2015 à 01:01Mis à jour le 6 août 2019 à 00:00

Parce qu'il a la sympathie de Chirac, l'intelligence de Giscard et l'énergie de Sarkozy, Emmanuel Macron a tout d'un grand. Parce qu'il assume son esprit supérieur et une compréhension viscérale des mouvements de son temps, d'aucuns le rêvent en libérateur d'une France cadenassée. Mais aura-t-il l'audace d'un sauveur français, celui que tous ceux croyant à l'homme providentiel attendent depuis tant d'années ? Obtiendra-t-il ne serait-ce que l'espace pour affiner puis imposer ses vues réformistes, sans se faire étriller par la horde des néo-interventionnistes ni décevoir un peuple inévitablement lassé par ses représentants ? Réussira-t-il à fuir le mimétisme « petit bras » de ses prédécesseurs qui réduirait à néant l'ensemble de ses talents ?

Après un an dans la lumière gouvernementale, le jeune ministre de l'Economie a su effacer de nombreux compétiteurs et, avec l'appréciable humilité réaliste - qu'il affirme puiser dans Aristote ! - de celui qui préfère l'action raisonnée à l'agitation brouillonne, occuper la fonction tout en réinventant l'offre politique. Non sans décevoir, parfois, mais en créant un espoir sincère de renouveau réformateur qu'il doit chérir et, surtout, ne cesser de faire croître.

Bras armé du réformisme pro-business de Manuel Valls, le successeur d'Arnaud Montebourg a embrassé généreusement son entreprise de changement dans la fameuse loi portant son nom. Du transport aux professions réglementées, en passant par le marché du travail, les grands travaux et le travail le dimanche, les mauvais coucheurs pourront regretter un manque d'ambition mais devront reconnaître qu'une première manche a été gagnée sur le terrain du désencapsulage du pays. Avec l'opposition coupable de la droite réformatrice, enfermée dans le jeu politicien quand il s'agit de libérer mais votant comme un seul homme avec la majorité la loi Sécurité...

Il est vrai qu'on aurait souhaité, quitte à dégainer l'article 49-3, une ouverture du travail le dimanche au moins pour les biens culturels et électro-domestiques, et même franchement au-delà; un assouplissement doublé d'un assainissement, par le retour au contrat, de la relation entre employeur et salarié; la facilitation contre-intuitive du licenciement pour réinciter radicalement à l'embauche; l'attaque de face du pic de l'Unedic; l'adaptation franche et radicale, tous secteurs confondus, à l'économie uberisée, ne serait-ce que parce que l'Etat n'a plus les moyens d'accorder ni de racheter les rentes. Sans cela, difficile d'arborer la médaille du grand réformateur changeant la trajectoire du pays au point d'entrer dans les livres d'histoire !

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La Loi Macron 2, que l'on attend dès lors bien plus virile que la première, devra, une fois séché le dos un peu rapidement ensanglanté du sémillant ministre, compenser ces lacunes et nous faire profiter, malgré les cris d'orfraie des techno-conservateurs, des vents porteurs de l'inévitable révolution NBIC (nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives). Rien n'est simple, en terre nostalgique, quand il s'agit d'avancer à marche forcée vers le « Second Machine Age » (titre d'un ouvrage d'Andrew McAffee), un univers plus horizontal que vertical bouleversant les habitudes de politiques sensibles aux injonctions descendantes. Mais si la « macronéconomie » ne se donne pas les moyens de nous extirper de la « micronéconomie » actuelle, autant livrer le pays aux constructivistes authentiques ! C'est là tout l'enjeu du renouveau politique dans un monde post-politique, où la redistribution des pouvoirs de l'organe central aux individus autonomes, connectés et responsables doit prendre le pas sur le vieux modèle de redistribution autoritaire et désincitatif des richesses pour financer un modèle providentiel en faillite.

L'Etat, Macron semble l'avoir compris, doit se recentrer sur l'accompagnement stratégique de la rupture, la quête de solutions obsédées par l'efficacité, la sécurité non liberticide et la protection réservée aux vrais faibles. La très souriante bête noire des frondeurs a, à ce sujet, compris qu'il fallait, pour convaincre, se doter d'une vision du monde, qu'il théorise et publie régulièrement, de la « Revue des deux Mondes » à l'hebdomadaire « Le 1 ».

Comme Valls, Macron a face à lui un immense défi : réinventer la gauche et réconcilier le monde politique dans son ensemble avec la pensée de liberté, jusqu'à l'inégalité juste par le travail et la réussite. Comme disait Orwell, « la vraie distinction n'est pas entre conservateurs et révolutionnaires, mais entre les partisans de l'autorité et les partisans de la liberté ».

La garantie des libertés, l'efficacité économique et la réconciliation avec l'innovation et le succès sont trois axes forts du discours d'Emmanuel Macron. Sans oublier l'idée, majeure, de « rendre chacun capable de conduire sa vie ». Il lui reste quelques mois pour nous prouver qu'il est vraiment l'homme de cette grande bascule, en filiation directe avec ce qu'était la gauche quand elle défendait, contre les conservateurs, la liberté du travail contre les corporations au même titre que la liberté de la presse, d'opinion et d'expression contre la censure. Qu'il ose, encore plus ! Qu'il évite aussi de se perdre dans le mécano industriel qu'il convient de toucher, comme la loi, avec les mains tremblantes. Il pourra alors ringardiser très au-delà de son camp, et gagner en popularité. Les Français n'attendent que ça !

Mathieu Laine

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