Hussein, à gauche, et Adam, à droite, sont arrivés en France au mois de juillet 2015.

Hussein, à gauche, et Adam, à droite, sont arrivés en France au mois de juillet 2015.

Claire Courbet pour L'Express.fr

Avec leurs t-shirts blancs, leurs bermudas et leurs tongs, sans oublier leur sourire éclatant, ils pourraient presque passer pour des touristes. Mais ils sont des migrants- deux parmi les 340 000 arrivés ces derniers mois en Europe, fuyant la guerre et la misère. Agés de 20 et 22 ans, les deux amis se trouvent à Paris depuis la fin du mois de juillet et faute de logements sociaux disponibles, ont échoué sur le quai d'Austerlitz, sous le pont Charles-De-Gaulle.

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Hussein et Adam dorment dans la petite tente bleue d'un de leurs amis quand celui-ci est absent. Pour manger, ils comptent sur l'aide distribuée par les ONG. Pour prendre une douche, ils prennent la direction du quai de la Rapée et s'arrangent pour arriver avant que la file ne soit trop longue. Et pour nettoyer leurs vêtements, c'est dans un seau à l'intérieur du camp de fortune. Une chemise rouge à carreaux noirs, des jeans, des pulls, des T-shirt sèchent sur les tuteurs des arbres plantés le long du fleuve.

Mais pour les questions administratives, les deux compares préfèrent se débrouiller seuls : "Il y a tellement de demandes formulées auprès des ONG qu'on ne se souviendra pas de nous", confie Hussein, en haussant les épaules, l'air résigné mais toujours le sourire aux lèvres.

Des communications brouillées par la langue et la distance

A l'ombre de la Cité de la mode et du design, la vie sur le camp est mouvementée. "Il y a beaucoup de disputes, explique Hussein. Les gens restent entre eux, selon leur nationalité. Les premiers arrivés sont Soudanais, ils font preuve de solidarité entre eux mais pas avec les autres. Un Marocain a dû partir du camp après que ses affaires ont été jetées sur les pavés", ajoute-t-il, tandis qu'Adam hoche la tête, une paire de lunettes de soleil sur le sommet du crâne.

Les communications avec l'étranger sont difficiles. Hussein et Adam ont obtenu un peu d'argent grâce aux aumônes distribuées pendant le ramadan. Ils en ont profité pour acheter un téléphone portable mais celui d'Adam a été volé dans son sommeil. "Il suffit que le portable dépasse de la poche pour qu'il soit volé et revendu, raconte Hussein. J'ai encore le mien mais je dois me débrouiller pour le recharger. Avant j'allais à la gare mais les agents nous ont dit de partir. Le téléphone me permet d'avoir des nouvelles de ma mère et de ma soeur, restées au pays".

Le choix du départ

Hussein vient du Niger. "La vie là-bas devenait vraiment trop difficile, raconte-t-il. Il n'y a ni argent, ni travail. J'ai arrêté l'école à 14 ans mais les diplômés ne trouvent pas d'emploi non plus. En 2011, j'ai préféré rejoindre mon frère en Libye."

Hussein et Adam se rencontrent à Tripoli, alors que le pays sombre en guerre. Adam soulève son bermuda et affiche une cicatrice blanche sur le côté du genou: il a été touché par une balle perdue. "Mes parents sont décédés pendant le conflit. Il ne me reste qu'un grand frère", confie-t-il avant de reprendre une bouffée de cigarette roulée. Le pays connaît une première guerre civile en 2011 et une seconde depuis 2014.

Dans la capitale libyenne, les deux amis vivent dans le même quartier. Tous deux Touaregs, ils prennent l'habitude de rester ensemble et décident de rejoindre le Vieux continent.

Le frère d'Hussein les emmène en bateau jusqu'en Italie. C'est la première fois qu'il transporte des clandestins vers l'Europe. Contrairement aux autres passagers, les deux amis ne paient pas leur billet. Le frère d'Hussein est arrêté en Italie. "Je n'ai plus du tout de nouvelles de lui, je ne sais pas où il est actuellement", confie le jeune Nigérien.

L'arrivée en Italie

A leur arrivée en Italie, les forces de l'ordre les obligent à poser devant un appareil photo. "On nous a dit que c'était pour faire des papiers, racontent-ils. Nous avons refusé de donner nos empreintes parce que nous ne voulions pas rester en Italie mais ils nous y ont obligé". Selon le règlement de Dublin, adopté en 2003 par plusieurs Etats membres de l'Union européenne, si un sans-papier est enregistré dans l'un des pays de l'UE, c'est cet Etat qui est responsable de sa demande d'asile. Hussein et Adam ne parlent pas italien mais maitrisent le français et préfèrent rejoindre l'Hexagone.

Direction la France

La seconde partie du voyage débute alors. Ils se rendent à Paris en train en passant par Nice, Marseille, Valence et Lyon. L'un et l'autre ne pensent pas rester longtemps et visent désormais Calais. "Il est plus facile d'obtenir l'asile et des papiers là-bas, explique Hussein. A Paris, il faut attendre au moins deux ou trois mois pour un rendez-vous et il y a plus de risques d'être renvoyé en Italie".

Si les deux amis souhaitent avoir des papiers, c'est pour trouver un job. Le travail qui les fait rêver ? Le Nigérien rit en levant les yeux au ciel : "N'importe lequel, juste un boulot, pour gagner de l'argent et disposer d'un logement, aider ma mère et vivre par moi-même".

Le duo vit au jour le jour, "on verra" disent-ils. "Parfois je regrette d'être venu, reconnaît Hussein. Mais si on reste en Libye, on est morts".