Des migrants tentent de traverser pour la Grande-Bretagne, le 28 juillet 2015 à Fréthun, dans le Pas-de-Calais

Des migrants tentent de traverser pour la Grande-Bretagne, le 28 juillet 2015 à Fréthun, dans le Pas-de-Calais.

AFP Photo/Philippe Huguen

Ils viennent parfois des mêmes pays, fuient souvent les même barbaries mais ne bénéficient pas toujours de la même compassion. En comparant les derniers sondages, il apparaît que l'opinion des Français à l'égard des migrants d'un côté et des chrétiens d'Orient de l'autre est très variable. 56% d'entre eux se disent ainsi hostiles à l'accueil des premiers sur le sol français, selon une enquête Elaba pour BFMTV publiée mercredi. A l'inverse, 54% se disaient favorables à ce que la France accueille davantage les seconds, d'après une étude Ifop pour Le Figaro d'août 2014.

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Un écart qui pourrait s'expliquer en partie par des motifs culturels. "Une grande partie des migrants sont de confession musulmane. Il est possible que certains Français aient un problème avec ce point-là et que les valeurs de tolérance soient en déclin. D'autant que la pression du Front national sur le thème de l'immigration tétanise les responsables politiques", observe pour L'Express Olivier Galland, directeur de recherche au CNRS. Ce sociologue spécialiste des inégalités rappelle que certains élus de droite ont émis l'hypothèse selon laquelle des terroristes s'infiltrent dans les rangs des migrants. Une crainte jusqu'ici jamais étayée par des faits.

Cette méfiance n'a jamais été observée dans le cas des chrétiens d'Orient dont la religion est majoritaire en France. Contrairement aux migrants, cette communauté bénéficierait d'une bienveillance liée à des racines communes. Les Français s'identifieraient davantage à eux, quand bien même ils sont issus des mêmes pays du Moyen-Orient.

Des migrants aux ressources insoupçonnées

Interrogée par L'Express, la vice-présidente de l'Association d'aide aux minorités d'Orient (AEMO) préfère voir le problème d'un point de vue économique. "La France n'a accueilli que 1850 chrétiens d'Orient depuis le début des conflits. Rien à voir avec les dizaines de milliers de migrants qui transitent. La France n'a pas la possibilité de tous les intégrer", souligne Elisabeth Gobry. Selon la militante, les migrants "ne sont pas tous éduqués et viennent souvent pour des raisons économiques" là où les chrétiens d'Orient "ont des diplômes et ont vu leurs biens spoliés par les terroristes". "Calais, c'est quand même autre chose que Notre-Dame de Chaldée", s'emporte-t-elle, évoquant ainsi les risques d'une montée de la délinquance. Les seuls chiffres sur ce sujet proviennent des syndicats de police et n'ont jamais été confirmés par les autorités.

Pour le sociologue Olivier Galland, les migrants souffrent surtout de préjugés et de stéréotypes. Lesquels sont liés "à une vision imprécise" des Français à leur égard. Une enquête récente menée à Calais par le Secours catholique lui donne raison. Fondée sur des entretiens menés dans les camps de fortune, elle révèle que 48% des migrants appartiennent à des classes sociales supérieures, 20% aux classes moyennes. Le Monde cite quelques métiers prestigieux parmi lesquels des enseignants, des ingénieurs et même des banquiers. Bien loin donc des clichés de la famille pauvre et nombreuse dont l'unique objectif est de profiter des prestations sociales.

"Le chômage entraîne une crispation des Français"

En revanche, il est vrai qu'il est difficile de retracer le parcours précis des migrants. Le terme lui-même est très générique et recoupe des réalités diverses, entre les candidats à une vie meilleure et les demandeurs d'asile. Soit ceux qui, comme les chrétiens d'Orient, aspirent à obtenir le statut de réfugié politique pour avoir fui la violence d'un régime. Les migrants sont aussi issus d'un plus large panel de pays (Syrie, Erythrée, Afghanistan, Soudan...) alors que les chrétiens d'Orient proviennent principalement d'Irak. Ces derniers font généralement leur demande d'asile depuis les consuls contrairement aux migrants qui se rendent directement en France.

Pour la vice-présidente de l'AEMO, il faut faire la différence entre "vivre sous une terreur permanente" et "être persécuté personnellement pour sa religion". Un argument que ne reprend pas les autorités françaises. Ces dernières ne mesurent pas la souffrance d'un candidat à l'asile et accordent le titre plutôt en fonction de son pays d'origine et du contexte politique sur place.

Reste que la France est régulièrement critiquée pour sa gestion de la crise des migrants. L'Allemagne en accueille bien plus et Angela Merkel est même récemment allée jusqu'à affirmer que "l'islam fait bien sûr partie" de son pays. Des appels du pied difficiles à imaginer en France. "La situation économique est bonne en Allemagne, contrairement à ici. Avec les problèmes de démographie et le besoin de main d'oeuvre, l'immigration est perçue comme une chance", analyse Olivier Galland. En France, au contraire, le chômage entraînerait "une crispation des Français". Ce sont d'ailleurs majoritairement les ouvriers et les inactifs qui se montrent hostiles à l'accueil des migrants.

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