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Recherche : la France est-elle victime d'une fuite des cerveaux ?

Rareté des postes, faiblesse des moyens matériels et des rémunérations... Les raisons de l'émigration des chercheurs sont difficilement mesurables.

Par  et

Publié le 09 juillet 2013 à 16h19, modifié le 10 juillet 2013 à 14h50

Temps de Lecture 4 min.

Le campus d'UCLA, à Los Angeles, en Californie.

C'est une question récurrente : les conditions offertes en France aux chercheurs les contraignent-elles de plus en plus à l'exil ? Le concept journalistique de "fuite des cerveaux" souvent invoqué est-il pertinent ? Les nombreux témoignages recueillis auprès des lecteurs du Monde.fr pourraient laisser penser qu'une hémorragie sévère est en cours : rareté des postes ouverts au concours, évolutions de carrière peu motivantes, poids des contraintes administratives, faiblesse des moyens matériels et financiers, et des rémunérations sont notamment invoqués par ceux qui se sont expatriés, de façon contrainte ou non, et qui sont nombreux à juger un retour en France difficile, sinon impossible.

Lire : Expatriation : des chercheurs français témoignent

Pour autant, la véritable portée de ces mouvements des cerveaux reste difficile à mesurer. D'abord parce que la science est un secteur mondialisé, caractérisé par une circulation intense des compétences, du sud au nord, mais aussi entre pays industrialisés. La crise a accentué ce mouvement des jeunes diplômés du Sud vers le Nord, même si l'absence de registre des populations rend difficile la mesure du phénomène concernant la France.

Lire aussi (abonnés) : Chômage des jeunes dans l'UE : diplômés du Sud cherchent emploi au Nord

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En outre, certaines nations investissent massivement dans la recherche et offrent des conditions intéressantes à des chercheurs jeunes ou seniors qui peuvent constituer autant un tremplin qu'une fin en soi avant un retour en France après quelques années – on peut citer Singapour, mais aussi le Brésil. Les Etats-Unis, faute de former suffisamment de chercheurs nationaux, recrutent aussi massivement à l'étranger, s'exposant à un risque de reflux si les élites -asiatiques notamment- qu'ils contribuent à former décidaient d'un retour au pays.

"PARTENARIAT AVEC UN LABORATOIRE ÉTRANGER"

Cela ne signifie pas que les "vieilles nations" comme la France ne conservent pas un pouvoir d'attractivité. Ses grands organismes de recherche témoignent de ce "brassage des cerveaux". Au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), par exemple, on comptait, en 2012, 1 749 étrangers parmi les 11 312 chercheurs. A l'Inserm, la proportion était de 281 sur 2 153 chercheurs au total. A l'Institut Pasteur, la part des non-Français est plus importante encore, puisqu'ils sont 264 sur 622.

Ainsi, comme le relève le dernier rapport de la cour de comptes sur le financement public de la recherche, la France tire profit de son ouverture : "avec plus de 45 % de ses publications en partenariat avec un laboratoire étranger en 2010, la France est le premier pays en matière de taux de collaboration, rang qu'elle occupait déjà en 2000. Plus de la moitié des partenariats (57 %) le sont avec les états membres de l'Union européenne, et un quart (25,3 %) avec les Etats-Unis", écrivent les rapporteurs.

Il reste néanmoins évident que les capacités de recrutement des organismes publics sont bien inférieures au nombre de jeunes scientifiques formés chaque années en France. Si l'on additionne les recrutements du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (538 en 2012), de l'Inserm (77), du CNRS (307 en 2013), on reste bien loin des milliers de thèses soutenues chaque année en France. Certes, tous ces docteurs n'ont pas vocation à poursuivre dans la recherche publique, mais cette inadéquation entre la formation de chercheurs et leurs capacités d'accueil est une puissante incitation à l'exil.

PLUS ON EST DIPLÔMÉ, PLUS ON S'EXPATRIE

Peut-on pour autant parler de fuite des cerveaux ? Quantifier le phénomène reste difficile. En 2000, Frédéric Docquier (Université de Louvain) avait mesuré le taux d'émigration des personnes qualifiées dans l'Europe des 15. Pour la France, il était alors d'environ 4 %, soit le taux le plus bas d'Europe où la moyenne se situait à 8 %. Mais ces évaluations sont désormais anciennes.

Plus récemment, Bastien Bernela et Olivier Bouba-Olga (Université de Poitiers) ont exploité des données issues des enquêtes génération du Centre d'études et de recherches sur les qualifications (Céreq). "Nos données concernent trois générations de diplômés (2001, 2004 et 2007). On mesure le taux d'émigration par génération de diplômés, trois ans après l'obtention de leur diplôme, indiquent-t-ils. Pour l'ensemble des sortants du système éducatif et l'ensemble des trois générations, on observe que 81,4 % des personnes travaillent dans la région où ils ont obtenu leur dernier diplôme, 18,2 % travaillent dans une autre région française et seulement 0,4 % travaillent à l'étranger."

Sans surprise, plus on est diplômé, plus on s'expatrie. Le taux d'émigration est de 0,04 % pour les non diplômés, 0,4 % pour les bacheliers, 1,1 % pour les Masters et 2,1 % pour les docteurs, précisent les chercheurs.

Si l'on se concentre sur le cas des docteurs, l'évolution n'est pas linéaire : le taux d'émigration qui était de 2 % pour la génération 2001, était descendu à 1,5 % pour ceux de 2004, avant de remonter à 2,7 % pour les diplômés de 2007. "Au final, les taux d'émigration que nous obtenons sont très faibles, estiment Bastien Bernela et Olivier Bouba-Olga. Parler de fuite des cerveaux est donc plutôt abusif…" Le comportement de la génération 2010 des docteurs infléchira-t-il leur jugement ? Les chiffres, en cours d'acquisition, ne seront pas disponibles avant 2014…

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