Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

Sheryl Sandberg, le féminisme version Silicon Valley

Cadre de Facebook, elle a déclenché avec la parution de son livre « En avant toutes : les femmes, le travail et le pouvoir », un vaste débat sur la place des femmes dans l’entreprise.

Par 

Publié le 04 septembre 2015 à 20h28, modifié le 18 septembre 2015 à 17h26

Temps de Lecture 5 min.

Le Monde publie une série d’articles sur les idéologues de la Silicon Valley. Sheryl Sandberg, numéro deux de Facebook, a déclenché avec la parution de son livre En avant toutes : les femmes, le travail et le pouvoir un débat sur la place des femmes dans l’entreprise. De la Banque mondiale à Facebook en passant par Google, le parcours de Sheryl Sandberg a fait d’elle un modèle pour de nombreuses femmes. Mais pas pour toutes.

Cadre de Facebook, elle a déclenché avec la parution de son livre un vaste débat sur la place des femmes dans l’entreprise.

Sheryl Sandberg est une des figures de proue de la Silicon Valley. Après avoir largement contribué à faire de Google, qu’elle rejoint dès 2001, une implacable machine à cash, elle est devenue, en 2008, directrice opérationnelle de Facebook. Arrivée à ce poste de numéro deux de l’entreprise alors que le réseau social peinait à convaincre ses investisseurs, elle a structuré le versant commercial de l’entreprise, piloté son introduction en Bourse et a contribué au succès de Facebook dans le domaine, qu’on prédisait piégé, de la publicité sur mobile.

Elle commence alors à s’intéresser à la question de la place des femmes dans l’entreprise. Le discours qu’elle prononce à ce sujet lors de la prestigieuse conférence TED (Technology, Entertainment and Design), en 2010, devient viral. Il a été vu, à ce jour, plus de 5 millions de fois. Elle publie ensuite, en 2013, un livre dans lequel elle expose ses idées : En avant toutes : les femmes, le travail et le pouvoir (JC. Lattès, 2013).

La faute aux femmes

Dans cet ouvrage, dont le titre original est Lean In – « impliquez-vous » – elle rappelle que la société, et plus particulièrement l’entreprise, ne valorise pas chez les femmes les mêmes comportements que les hommes. Là où un homme sera vu comme entreprenant, une femme sera perçue comme autoritaire, tandis que les valeurs traditionnellement assignées aux femmes par la société – douceur, compréhension – sont perçues comme peu compatibles avec le monde de l’entreprise. De fait, explique-t-elle, les femmes érigent des « barrières mentales » qui les empêchent de « gagner du pouvoir ». Elle appelle donc les femmes à être plus volontaires pour progresser dans le monde de l’entreprise et à dépasser la modestie ou les limites qu’elles s’imposeraient d’elles-mêmes.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Sex in the high-tech

Mme Sandberg a parallèlement lancé des conférences et une organisation pour défendre ses idées et donner des conseils concrets aux femmes et de nombreuses voix, dans le monde intellectuel ou de l’entreprise, ont salué l’initiative. Le mensuel Time y voit même « la plus ambitieuse mission pour régénérer le féminisme depuis le lancement du magazine [féministe] Ms. en 1971 ».

Des solutions individuelles, pas sociétales

Le livre, avant même sa parution, a en tout cas déclenché un vaste débat dans la presse américaine. On a très vite reproché à Sheryl Sandberg sa position particulièrement privilégiée – elle est extrêmement riche et occupe un poste très haut placé dans une très grande entreprise – qui rend l’application des conseils qu’elle prodigue bien plus aisée. On l’a également accusé, comme Maureen Dowd dans le New York Times, d’utiliser la cause du féminisme pour servir son image.

Sur le fond, le débat a porté sur la manière la plus efficace de corriger les multiples déséquilibres entre hommes et femmes dans les entreprises. Un sujet qui concerne tout particulièrement les entreprises des nouvelles technologies, d’où est issue Mme Sandberg : la plupart des salariés, et notamment des développeurs, sont des hommes.

Même si elle rappelle dans son livre que les obstacles que doivent affronter les femmes dans l’entreprise sont aussi le fait de structures sociales et du comportement de leurs collègues, Mme Sandberg a été accusée de privilégier une action individuelle au détriment de solutions et de luttes collectives.

« Le féminisme d’entreprise de Sheryl Sandberg prône la responsabilisation des femmes au travail et à la maison plutôt que l’action sociale collective » au risque de délaisser « la machinerie de la politique et des protestations » écrit par exemple Elizabeth Stoker Bruenig dans New Republic. Cette dernière prend l’exemple de la question des congés maternité. Pour Sheryl Sandberg, si les femmes souhaitent en bénéficier, elles doivent mieux négocier avec leur employeur. Pour l’auteur, cela ne concerne que celles qui disposent de l’influence et d’une position sociale privilégiée et cela conduit donc ces dernières à « négliger politiquement la solution d’un congé maternité universel [la situation est particulière aux Etats-Unis où ce dernier n’existe pas] », une solution à même de bénéficier à l’ensemble des salariées.

Une critique partagée par Heidi Hartmann, directrice de l’institut de recherche Women’s Policy Research selon qui « les femmes ne veulent plus qu’on se concentre sur les changements qu’elles doivent apporter à leur conduite mais plutôt sur un changement profond de la société ».

Dans le New York Times, l’intellectuelle américaine Anne-Marie Slaughter pousse la critique plus loin. Pour elle, Sheryl Sandberg délivre le message « que les entreprises américaines [et les hommes] veulent entendre : il est moins coûteux et plus confortable pour eux de croire que ce qu’ils doivent faire est simplement d’inciter les femmes à être comme eux, de penser différemment et de négocier de manière plus efficace plutôt que d’instaurer des grands changements dans la manière dont les entreprises fonctionnent ».

« Poursuivre le débat »

Ces critiques ont été contrées par les soutiens de Mme Sandberg. « Les imperfections [du livre] ne doivent pas être vues comme des erreurs ou des omissions mais des opportunités pour poursuivre le débat », défend par exemple la journaliste Anna Holmes dans le New Yorker.

« Ses détracteurs sous-estiment à quel point le message de Mme Sandberg peut être radical pour le grand public », explique pour sa part l’écrivain Jessica Valenti dans le Washington Post. Elle ironise ensuite : « C’est une femme très connue, se disant féministe, publiant un livre qui sera très populaire rempli d’idées féministes, encourageant les autres femmes à être féministe. Et nous nous inquiétons qu’elle ait trop d’influence ? Qu’elle soit trop… ambitieuse ? »

Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Thomas Piketty, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment réguler Internet ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner

Voir les contributions

Réutiliser ce contenu

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.