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Alliance surprise entre Google et Lagardère

L’éditeur Lagardère Active, pionnier de la lutte contre la position dominante du géant américain, a signé avec lui un partenariat stratégique.

Par  et

Publié le 07 octobre 2015 à 17h27, modifié le 07 octobre 2015 à 16h38

Temps de Lecture 4 min.

A l'inauguration de l'Institut culturel de Google à Paris, en 2013.

Il était l’éditeur français le plus engagé dans le combat contre la position dominante de Google en Europe. Mercredi 7 octobre, à la surprise générale, Lagardère Active (Europe 1, Elle, Paris Match, Le Journal du dimanche, Doctissimo ou encore le producteur Lagardère Entertainment) a annoncé la signature d’un « partenariat stratégique de long terme » avec le géant du Web américain.

Selon un communiqué, ce partenariat « comprend le développement sur YouTube des chaînes et vidéos de marques existantes et de contenus originaux, la commercialisation d’inventaires numériques, le développement et la promotion des applications des titres, stations et chaînes du groupe, et le co-sponsoring et co-marketing d’opérations spéciales ». C’est-à-dire que toutes les activités de Lagardère Active sont concernées.

A court terme, selon une source interne, l’objet du partenariat est de réaliser « des choses très concrètes », comme de nouvelles chaînes YouTube ou des applications sous Android. A moyen terme, il s’agit d’identifier de nouveaux développements que les deux groupes pourraient mener de concert, sous l’œil d’un comité de suivi où siégeront notamment Denis Olivennes, le président de Lagardère Active, et Carlo d’Asaro Biondo, responsable des relations stratégiques chez Google pour la zone Europe, Moyen-Orient et Afrique – et ancien de Lagardère. Google allouera un budget spécifique aux projets élaborés avec Lagardère.

Plainte à Bruxelles

Cette annonce surprend, compte tenu des relations jusqu’ici tendues entre les deux groupes. Avec d’autres éditeurs européens, comme Axel Springer ou CCM Benchmark, Lagardère Active a été à l’origine de la création de l’Open Internet Project (OIP), en 2014. Ce lobby a attaqué à Bruxelles la position dominante de Google dans les résultats de recherche en ligne.

Lagardère a été très engagé dans l’OIP : son directeur de la communication, Thierry Orsoni, est devenu secrétaire général du regroupement. De son côté, Denis Olivennes a plusieurs fois pris la parole et échangé avec des journalistes pour dénoncer la position dominante de Google. Lagardère Active déplorait notamment les dégâts subis par son comparateur de prix, Leguide.com, en raison de la concurrence des services maison de Google, qui seraient promus par le moteur de recherche américain.

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Situation schizophrénique

Du côté de l’OIP, l’annonce de Lagardère Active a beaucoup surpris. Pour les observateurs de la lutte entre Google et certains éditeurs européens, le deal passé avec Lagardère peut ressembler à un plat de lentilles. « C’est la France qui abandonne son futur », a déploré sur Twitter Tariq Krim, entrepreneur du Web français.

Parallèlement, une autre annonce récente vient affaiblir potentiellement le front des « anti-Google » en Europe : le rachat de CCM Benchmark par le groupe Figaro. Cet acteur indépendant de l’Internet français était lui aussi un membre très actif de l’OIP, présidé par son cofondateur Benoît Sillard. Or, l’éditeur de Comment ça marche ou de L’Internaute rejoint un groupe beaucoup moins hostile à Google. Le Figaro a fait partie – comme Le Monde – des 23 projets financés par le « fonds Google-AIPG pour l’innovation numérique ». Il avait reçu 1,8 million d’euros pour cofinancer un renforcement de son offre vidéo.

Le Figaro, comme Le Monde, était néanmoins membre du Geste, le groupement des éditeurs de service en ligne, dont le conseil d’administration avait décidé d’adhérer à l’OIP. « C’est une situation schizophrénique, reconnaît M. Sillard. L’ambiguïté vient du fait que nous sommes dans un écosystème où tous les acteurs doivent travailler avec Google et que, dans le même temps, nous devons nous défendre contre ses abus de position dominante. »

Un discours similaire à celui tenu aujourd’hui chez Lagardère Active, qui rappelle qu’il entretenait déjà des relations avec Google. « La stratégie de Lagardère Active est de nouer avec les plus grands acteurs du numérique, tels que Google, des partenariats permettant de conjuguer des savoir-faire et des forces complémentaires », justifie Denis Olivennes.

Une initiative envers les éditeurs européens

Ce partenariat apparaît comme un joli coup pour Google, qui est en pleine reconstruction de sa relation avec les médias. En France, le Fonds pour l’innovation numérique de la presse (FINP) doit cesser son activité en 2016, après avoir distribué environ 60 millions d’euros à des projets d’éditeurs français en trois ans. A l’époque, la création du FINP par Google et l’Association de la presse d’information politique et générale (AIPG) avait mis fin à un conflit entre les éditeurs français et le moteur de recherche américain, accusé de profiter des contenus des médias, notamment avec Google Actualités, sans compensation suffisante.

Google s’apprête à lancer un nouveau fonds, Digital News Initiative (DNI), doté de 150 millions d’euros pour trois ans, à destination d’éditeurs de toute l’Europe. Ce dernier nouera aussi des collaborations avec les médias.

En ouvrant son aide hors de France, l’entreprise américaine tend la main à des éditeurs dans des pays où le conflit avec la presse n’est pas encore réglé. Et Google sait que les éditeurs ne sont pas unis. En Allemagne, par exemple, la société de collecte de droits des éditeurs papier et audiovisuel allemands (VG Media), qui représente 50 % des éditeurs, a déposé une plainte pour demander l’application d’une loi de 2013 obligeant Google à rémunérer les médias dont il reproduit une partie des contenus. En Espagne, une loi d’inspiration similaire a mené à la fermeture de Google News.

Dans sa version future, l’initiative de Google se veut aussi plus collaborative : Google et les éditeurs mettront en place des groupes de travail pour réfléchir à des produits. Le géant investira dans la formation et la recherche, en proposant aux médias des outils repensés pour les journalistes. En principe, il ne sera toujours pas nécessaire d’utiliser des technologies de Google pour bénéficier de l’aide du fonds, mais le groupe américain renforce les liens qu’il tisse avec les éditeurs.

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