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Manuel Valls et Emmanuel Macron: rivalité et ambition en coulisses

Emmanuel Macron et Manuel Valls lors de leur voyage commun au Japon début octobre

Emmanuel Macron et Manuel Valls lors de leur voyage commun au Japon début octobre - TOSHIFUMI KITAMURA - AFP

Le Premier ministre et le ministre de l'Economie avaient tout pour s'entendre. Et pourtant, la nouvelle popularité du second irrite le locataire de Matignon. Suffisant pour y voir la naissance d'une rivalité qui pourrait agiter le PS jusqu'en 2022. Au moins. 

Une petite remarque ironique en direct sur France 2 mais une sévère réprimande dans l’intimité –toute relative- d’un séminaire gouvernemental. Entre Manuel Valls et Emmanuel Macron, il y a de l’eau dans le gaz. Et ce n’est pas leur voyage commun au Japon le week-end passé qui a servi à souder les rangs. Pourtant, par deux fois, le Premier ministre a engagé la responsabilité de son gouvernement (49-3) pour faire passer la critiquée loi qui porte le nom du ministre de l’Economie. Certains y ont vu une façon d’affirmer son autorité, mais à la rentrée 2015, au-delà des sorties du jeune énarque sur le statut des fonctionnaires ou les 35 heures, qui lui ont valu un "ras-le-bol" de Martine Aubry, c’est celle sur l’inutilité du mandat électif pour aspirer aux plus hautes fonctions qui a déplu.

Manuel Valls et Emmanuel Macron avaient pourtant tout pour s'entendre. Le statut des fonctionnaires ou la question des 35h ont parfois figuré dans le discours de Manuel Valls, chantre avant son entrée à Matignon en août 2014 de la "gauche progressiste", par opposition à une autre "passéiste". Mais aujourd’hui, la parole décomplexée du "briseur de tabous" est l’apanage d’Emmanuel Macron. Au lendemain de son passage à l'émission Des paroles et des actes, la prestation de Manuel Valls avait été jugée sans relief. Il "a été normalisé par François Hollande et ringardisé par Emmanuel Macron", tranchait Hervé Gattegno sur BFMTV. Au point de suspecter une rivalité naissante entre lui et le second, le tout sous l’œil attentif de François Hollande.

Valls vs Macron, le duel de 2022 au PS?

Le président de la République apprécie son ancien conseiller Emmanuel Macron, qui est aussi chaperonné par le secrétaire général de l’Elysée et ami intime de François Hollande, Jean-Pierre Jouyet. Selon Paris-Match, malgré des remontrances "soft", l’ancien banquier d’affaires est "couvé" par le chef de l’Etat. D’autant plus que, si une large majorité du gouvernement est contre lui après ses sorties "maladroites", l’opinion et le monde politique lui reconnaissent moult qualités. Ainsi, un sondage Elabe pour Les Echos paru jeudi fait d’Emmanuel Macron la personnalité de gauche préférée des Français et la deuxième du classement général derrière le présidentiable des Républicains, Alain Juppé.

Pourquoi l’Elysée se priverait du vent nouveau apporté par le trentenaire Macron, non encarté au PS et qui revendique sa liberté de parole? "À cette allure, Valls va finir au même niveau que le président dans les sondages et c'est Emmanuel Macron qui monte", confiait un ex-ministre au Figaro. Mais "avec Macron, il y a un effet Claude Allègre: ça démarre bien et ça s’effondre à force de faire des sorties hasardeuses", préférait minimiser un proche du Premier ministre dans les colonnes du Monde.

Toujours au quotidien du soir, le ministre Patrick Kanner confie à propos de "l’alien Macron":

"Ce n’est pas une comète qui ne fait que passer, il est là pour un bon moment."

On repense alors à cette confidence d’Emmanuel Macron à Alain Minc quand il se rêvait en futur président de la République. Une ambition que nourrit également - "à partir de 2022" - Manuel Valls, comme il l’avait confié à un enfant lors des journées du patrimoine. Et derrière la rivalité naissante de 2015, on sent poindre un duel sans merci au PS pour la décennie à venir. Une bataille pour laquelle le jeune Macron n'aura d'autre choix que mettre les mains dans le cambouis politicien. Un jeu auquel Manuel Valls est aussi plus rompu que lui.

Samuel Auffray