Clémence pour “Air Cocaïne” mais pas de pitié pour les ados Marseillais

Par Samuel Gontier

Publié le 28 octobre 2015 à 18h00

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 05h58

Un cocktail frelaté. Le lendemain, lundi, le procureur de la République de Marseille indique que l’enquête sur le triple homicide « ne permet pas à ce jour d’affirmer qu’il y a un lien avec le trafic de stupéfiants. Aucune des trois victimes n’a été condamnée dans des affaires de stupéfiants », précise-t-il. Où l’on apprend que le majeur avait été condamné treize fois, dont une fois à quatre ans de prison ferme pour des violences aggravées ; qu’un des mineurs avait été condamné une fois pour violences aggravées, que le deuxième n’avait aucune mention à son casier. Et qu’une des victimes mineures était en outre revenue à Marseille très récemment, alors qu’elle habitait habituellement à Rennes.

Ces précisions arrivent trop tard. Les victimes, et notamment les deux mineurs, sont présentées comme des trafiquants de drogue en ouverture de tous les JT du dimanche. Et, le lundi, l’affaire est déjà reléguée en brève.

Même morts, les habitants des cités sont donc présumés coupables, comme le regrette Rouguyata Sall, du Bondy Blog, dans un article de Libé paru lundi (« Tuerie à Marseille : les mots devancent l’enquête »). Cette sévérité contraste avec la complaisance dont ont fait preuve toutes les chaînes pour relayer le plaidoyer d’autres personnes soupçonnées de trafic de drogue — d’une toute autre ampleur —, les deux pilotes de l’affaire « Air cocaïne » échappés de République dominicaine.

Tout au long de la journée, les journalistes tendent les micros pour relayer les deux arguments des pilotes arrêtés avec 680 kilos de cocaïne dans leur Falcon : la justice dominicaine est inique, nul pilote au monde n’est responsable des marchandises qu’il transporte. Personne ne prend la peine de les mettre en doute même si le dossier de leurs auteurs (mis en examen par une juge de Marseille) est beaucoup plus fourni que celui des deux mineurs assassinés à Marseille. Dès décembre 2012, les gendarmes de Saint-Tropez (!) ont été alertés par le déchargement de nombreuses valises sur l’aéroport de La Môle depuis un avion en provenance de Saint-Domingue. Au total, avec celui qui leur a été fatal, ce sont trois vols transatlantiques très douteux qu’a effectués le même équipage à bord d’avions privés.

D’un côté, on déplore l’acharnement judiciaire dont sont victimes deux pilotes transportant 680 kilos de drogue. De l’autre, on assure sans aucune preuve que deux adolescents de 15 ans victimes d’une fusillade sont des trafiquants de drogue. Et au milieu, on commémore les révoltes populaires de 2005… Cherchez l’erreur.

Ma vie au poste, le blog de Samuel Gontier
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