On n’ose rappeler la phrase déplorable de François Mitterrand, en 1993 : « Dans la lutte contre le chômage, on a tout essayé. » Las, François Hollande ne nous fredonnerait-il pas le même air ? Bien sûr, le président de la République assure tout faire pour réduire le chômage, mais à une condition : « Garder un socle de droits : contrat de travail, smic, durée légale du travail », a-t-il prévenu, alors que sa ministre du travail, Myriam El Khomri, devait présenter, mercredi 4 novembre, la réforme du code du travail. Bref, comme Mitterrand, Hollande essaie tout. Tout, sauf ce qui marche. Car il ne faut pas offenser les totems français à dix-huit mois de l’élection présidentielle.
Nos voisins européens ont fait l’inverse. Ils se sont attaqués aux sujets qui faisaient mal. Et cela paie. La fameuse courbe s’est inversée en Allemagne dès 2008, au Royaume-Uni depuis 2012. Même les pays du Sud se redressent : en Espagne, Mariano Rajoy affiche plus de 500 000 emplois créés en un an, tandis qu’en Italie Matteo Renzi en annonce 320 000 depuis le début de l’année. La France, elle, a vu le nombre de chômeurs progresser de 625 000 depuis l’élection de François Hollande, et la baisse enregistrée en septembre (–23 800 demandeurs d’emploi) ne change pas la donne.
En fait, la bataille de l’emploi se joue sur trois fronts : syndicats, salaires et licenciements.
C’est en Allemagne que s’est jouée la bataille des syndicats. Au pays de la cogestion, ils bloquaient toute libéralisation sérieuse du marché du travail. Au début des années 2000, l’ex-chancelier social-démocrate Gerhard Schröder a choisi de passer en force. Contre les syndicats. Bref, Schröder a détruit l’ancien modèle allemand… que la France tente aujourd’hui d’imiter en confiant les pouvoirs aux partenaires sociaux. Bienvenue dans le XXe siècle.
Pression sur les salaires
Ce basculement fait peser sur les épaules de la seule CFDT le poids des réformes sociales. Cela conduit à des accords souvent très insuffisants – les lois du début de quinquennat sur la formation professionnelle et les licenciements –, mais réserve aussi de bonnes surprises : l’accord sur les retraites complémentaires, qui fait passer de facto la retraite à 63 ans. L’affaire pose un premier problème, politique : pourquoi le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, doit-il prendre les décisions que Manuel Valls et François Hollande n’ont pas le courage d’assumer ?
A l’avenir, pour être plus efficace et éviter les guerres de religion sociales, le gouvernement veut que les décisions se prennent au niveau des branches professionnelles, voire des entreprises. Soyons lucides : sans impulsion politique, les partenaires sociaux ne vont pas bien loin. Le statu quo prévaut comme on le voit sur les 35 heures et autres sujets. Les 30 000 accords d’entreprise signés chaque année, notamment par la CGT, sont un leurre. « Ce sont souvent des accords formels qui se contentent de reprendre des nouvelles lois ou des accords de branche. Ils ont un contenu insuffisamment innovant », confie Raymond Soubie, éternel conseiller social de la droite.
Il vous reste 47.79% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.