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L’arrestation du journaliste Hossam Bahgat, « un coup porté à la liberté d’expression » en Egypte

Amnesty international dénonce l’arrestation du défenseur des droits de l’homme, qui pourrait être inculpé.

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Publié le 08 novembre 2015 à 22h24, modifié le 10 novembre 2015 à 07h07

Temps de Lecture 4 min.

Amnesty International dénonce l’arrestation du défenseur des droits de l’homme qui pourrait être inculpé pour diffusion de fausses informations portant atteinte aux intérêts nationaux.

L’arrestation du journaliste et défenseur des droits de l’homme, Hossam Bahgat, est un nouveau signal inquiétant adressé aux critiques du régime du président égyptien, Abdel Fattah Al-Sissi. « La dernière d’une série d’arrestations de défenseurs des droits de l’homme et d’autres qui inquiètent profondément le secrétaire général » des Nations unies, a déclaré lundi 9 novembre le porte-parole de Ban Ki-Moon. Après neuf heures d’interrogatoires dans le quartier général des renseignements militaires à Nasr City, dimanche au Caire, M. Bahgat a été présenté au procureur militaire et placé en garde à vue pour quatre jours, dans un lieu tenu secret. Il pourrait être poursuivi devant un tribunal militaire pour « publication de fausses informations portant atteinte aux intérêts nationaux. » Il a été libéré mardi midi, mais l’issue de la procédure reste inconnue.

Les appels se sont multipliés au sein de la société civile égyptienne et de la communauté internationale pour réclamer sa libération. Nombreux sont ceux qui accusent le régime d’instrumentaliser la lutte antiterroriste pour museler les voix indépendantes au moment où l’Egypte est confrontée à une menace accrue de la part du groupe « Province du Sinaï ». La branche égyptienne de l’Etat islamique (EI), active dans le nord de la péninsule désertique, a revendiqué le crash de l’avion russe, samedi 31 octobre, avec 224 personnes à son bord. La piste de l’attentat à la bombe est privilégiée par les services de renseignement américain et britannique. Les autorités égyptiennes, qui dénoncent des « conclusions prématurées », ont annoncé lundi avoir tué, au Caire, l’un des principaux cadres de l’organisation qui a revendiqué l’attaque. Selon elles, Ashraf Ali Ali Hassanein Al-Gharabli est impliqué dans la décapitation du Croate Tomislav Salopek et l’attentat contre le consulat d’Italie au Caire.

Âgé de 37 ans, Hossam Bahgat est l’une des figures indépendantes les plus en vue en Egypte. Il a milité tour à tour contre les violations des droits de l’homme commises sous le régime de l’ancien président Hosni Moubarak, puis par le Conseil suprême des forces armées (CSFA) et les Frères musulmans après la révolution du 25 janvier 2011, et désormais sous le régime du président Abdel Fattah Al-Sissi. Ses activités lui ont valu d’être la cible récurrente d’attaques et de campagnes de dénigrement dans la presse.

En 2002, M. Bahgat a fondé l’Initiative égyptienne pour les droits personnels (EIPR), devenue la plus importante organisation de défense des droits de l’homme en Egypte. L’organisation Human Rights Watch (HRW) lui a décerné en 2011 le prix Alison Des Forges pour son travail « courageux et sans relâche » pour les droits de l’homme. L’EIPR comptait plus d’une centaine d’employés travaillant sur les droits personnels, sociaux, religieux ou politiques lorsque M. Bahgat l’a quittée, en 2013, pour partir étudier un an à l’école de journalisme de l’université de Columbia aux Etats-Unis.

Depuis 2014, Hossam Bahgat écrit pour le journal électronique indépendant égyptien Mada Masr. Il y a publié une série d’enquêtes, sur la politique antiterroriste (« Qui a laissé sortir les djihadistes ? », qui révèlent que les généraux du CSFA ont libéré des figures djihadistes) ou la corruption (« Les châteaux des Moubarak »). Sa dernière enquête (« Un coup déjoué ? »), publiée en octobre et qui serait à l’origine de son arrestation, revient sur la condamnation par un tribunal militaire, lors d’un procès tenu secret fin août, de 26 officiers accusés d’avoir conspiré avec les Frères musulmans pour « renverser le régime ».

Amnesty international a condamné un « nouveau clou enfoncé dans le cercueil de la liberté d’expression en Egypte ». « L’armée égyptienne ne peut continuer à se considérer au-dessus des lois et exempte de toute critique », a estimé Philip Luther, son directeur pour le Moyen Orient et l’Afrique du Nord. Depuis la destitution par l’armée du président islamiste Mohammed Morsi, en juillet 2013, les membres de la confrérie des Frères musulmans – déclarée organisation terroriste –, et les révolutionnaires font l’objet d’une répression sévère. Dans le cadre du renforcement de l’arsenal antiterroriste, les journalistes et médias, égyptiens et étrangers, encourent désormais une lourde amende pour la publication d’informations contredisant les communiqués et bilans officiels en cas d’attentats ou d’attaques.

« L’éventualité que M. Bahgat rejoigne des milliers d’autres civils poursuivis illégalement devant des tribunaux militaires montre que les autorités égyptiennes sous M. Sissi ne réservent à leurs détracteurs qu’une seule place : la prison », a déploré Sarah Leah Whitson, directrice Moyen-Orient de HRW. La juridiction des tribunaux militaires a notamment été étendue, en octobre 2014 par décret présidentiel, aux crimes contre les biens « publics » et « vitaux ». Au moins 3 700 civils ont été traduits devant une cour militaire, où les droits de la défense ne sont pas pleinement garantis, selon les organisations égyptiennes. « La détention de journalistes et le recours à des lois antiterroristes draconiennes pour réprimer la liberté d’expression sont l’action de dirigeants autoritaires, non d’un gouvernement considéré comme démocratique et respectueux du droit international », a estimé David Tolbert, le président du Centre international pour la justice transitionnelle.

CHIFFRE/19

Dix-neuf journalistes sont actuellement sous les barreaux en Egypte pour avoir exercé leur profession. Le nombre le plus élevé depuis les années 1990, selon le Comité de protection des journalistes (CPJ), basé à New York. En juin, l’organisation estimait que les journalistes égyptiens faisaient l’objet de menaces sans précédent. Les autorités utilisent la menace d’emprisonnement et la censure sur les sujets sensibles pour faire pression sur les médias afin qu’ils musellent les voix dissidentes, précise le CPJ.

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