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Le congé paternité quand on n’est pas Zuckerberg

Si Mark Zuckerberg peut s’offrir le luxe de prendre deux mois de congés suite à la naissance de son premier enfant, les jeunes pères français peuvent-ils en faire autant ?

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Pas toujours facile de jongler entre les biberons et les powerpoint... (Shutterstock)

Par Clemence Boyer

Publié le 24 nov. 2015 à 18:11Mis à jour le 2 déc. 2015 à 10:56

C’est via un message sur Facebook, évidemment, que Mark Zuckerberg a annoncé la naissance de sa fille, Max. Il en a également profité pour annoncer qu'avec sa femme, Priscilla Chan, ils s'engageaient à donner 99% de leurs actions Facebook (soit 45 milliards de dollars environ) à des fondations pour rendre le monde meilleur. 

En attendant d'en savoir plus sur les actions qu'ils vont soutenir, le jeune papa va prendre un congé paternité de deux mois. Cette "décision très personnelle" selon les mots du patron de 31 ans était connue depuis plusieurs semaines et la nouvelle avait eu un retentissement important aux Etats-Unis où aucun congé paternité n’est prévu dans la loi.

Ce sont les entreprises qui peuvent décider d’en accorder ou non. Facebook est d’ailleurs plutôt généreux en la matière puisque ses salariés peuvent prendre jusqu’à 4 mois de congés payés dans les 12 mois qui suivent la naissance de leur enfant.

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“Mark Zuckerberg a les moyens de le faire, c’est sûr, mais c’est un super exemple, se réjouit Jérôme Ballarin, président de l’Observatoire de l’Equilibre des Temps et de la Parentalité en Entreprise (OPE), Cela montre que le monde anglo-saxon se pose aussi ces questions sur la place des pères en entreprise”.

75% des jeunes papas français prennent un congé

En France, les nouveaux papas bénéficient depuis 2002 de 11 jours de congés paternité à prendre dans les quatre premiers mois de leur enfant, en plus des 3 jours prévus pour une naissance. Si aujourd’hui 75% des jeunes pères font une pause biberon selon l’OPE, le dispositif a mis du temps à s’installer dans les entreprises. Et rares sont ceux qui posent l’intégralité des jours auxquels ils ont droit. Selon une étude menée par Robert Half en 2013,  9 nouveaux pères sur 10 n’avaient pas pris leur congé paternité en totalité.

La mauvaise rémunération du congé paternité n’y est pas étranger. Au-delà du plafond de la sécurité sociale (82,32 euros par jour), le nouveau père qui s’absente perd le reste de son salaire. Ce sont ensuite des négociations par branche ou par entreprise qui peuvent aboutir au maintien du salaire à 100% pendant le congé de paternité.

De nombreuses grandes entreprises comme BNP Paribas, Orange ou Axa, ont déjà fait ce choix. Chez EY, c’est le cas depuis 2010 pour les salariés ayant un an d’ancienneté et les résultats sont là : 90% des pères prennent un congé paternité contre moins de 70% auparavant.

Les nouveaux pères débarquent en entreprise

Au-delà de l’aspect financier, l’évolution des mentalités a sans doute joué... “Les premiers pères à avoir bénéficié du congé paternité ont évolué dans l’entreprise et sont aujourd’hui à des postes de management. Ils sont donc beaucoup plus compréhensif vis-à-vis des jeunes pères d’aujourd’hui”, précise Laure Bruère-Dawson, responsable de la Diversité chez EY.

Un constat partagé par Jérôme Ballarin : “A un moment, il y avait une forme de courage à aller annoncer à son manager ‘je vais prendre mes onze jours de congés paternité’, aujourd’hui je pense que ce n’est plus le cas”.

Une nouvelle génération de pères est en train de voir le jour en entreprise et ils entendent bien être présents auprès de leurs enfants ! L’équilibre vie privée/vie professionnelle est même l’aspiration majeure des jeunes nés entre 1980 et 1995 si l’on en croit l’étude sur la “Révolution Y” menée par Mazars en 2012. C’est l’objectif numéro un pour 28,5% des jeunes interrogés dans le monde. Encore plus encourageant : “Fonder une famille” est la priorité pour 13% des garçons interrogés et pour 10% des filles, signe d’un rééquilibrage certain.

Vecteur d’égalité homme/femme

Avoir des pères plus impliqués dans l’éducation des enfants est également un vecteur d’égalité homme/femme dans les entreprises. Pour Laure Bruère-Dawson, “la réussite professionnelle des mères passe aussi par l’implication de leur compagnon dans la vie de famille”.

La “loi sur l’égalité réelle entre les femmes et les hommes” votée en août 2014 va d’ailleurs dans ce sens en prévoyant une refonte du congé parental afin qu’il soit mieux partagé entre les pères et les mères. Pour l’instant, seuls 3,5% des 500.000 bénéficiaires du congé parental sont des hommes, soit 18.000 papas. L’objectif affiché par la ministre Najat Vallaud-Belkacem l’année dernière est d’arriver d’ici 2018 à 100.000 pères en congé parental, rebaptisé “prestation partagée d'éducation de l'enfant”.

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Pour le syndicat CFDT-Cadres, cela risque de ne pas suffire pour convaincre les pères de s’arrêter de travailler pour passer du temps avec leurs enfants. Depuis 2009, le syndicat porte une revendication visant à allonger le congé paternité à 2 mois avec maintien du salaire à 80%, un peu sur le modèle des pays nordiques. En Suède, par exemple, chaque parent bénéficie de deux mois de congés non transférables, rémunérés à hauteur de 80% du salaire. Ils peuvent ensuite prendre 12 mois supplémentaires, toujours très bien rémunérés, en les répartissant comme ils le souhaitent entre les parents.

“En France, les hommes ont encore peur que cela bloque leur carrière, regrette Franca Salis-Madinier, secrétaire national de la CFDT-Cadres en charge du dossier Egalité, Plus largement, il y a une mentalité autour du présentéisme dans les entreprises qui doit être combattu pour que chacun puisse trouver un équilibre entre sa vie privé et sa carrière”.

Clémence Boyer

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