“Eux c'est nous”, un livre qui explique aux enfants pourquoi tendre la main aux réfugiés

Ecrit par Daniel Pennac, illustré par Serge Bloch, “Eux c'est nous” est le fruit du travail collectif de plusieurs éditeurs jeunesse.

Par Michel Abescat

Publié le 26 novembre 2015 à 11h00

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 06h02

Comment parler du monde avec les enfants ? La question est au coeur de l'édition jeunesse. Mais ce jour-là, le 8 septembre dernier, Frédéric Lavabre, fondateur des éditions Sarbacane, se la prend de plein fouet devant la multiplication des images de réfugiés, notamment syriens, fuyant la guerre, escaladant les grilles qui leur barrent la route vers les pays européens. Images d'une grande violence, inquiétantes, anxiogènes qui vont nourrir la peur et susciter ces mots mille fois rabâchés : exodes, masses, hordes, déferlement, multitude, invasion. Deux jours plus tôt, le comédien Alex Lutz, connu en particulier pour son duo « Catherine et Liliane » dans le Petit journal de Canal+, a lancé un appel signé par de nombreux artistes, chacun s'engageant à donner un de ses cachets à une association d'aide aux réfugiés. Et nous, éditeurs jeunesse, qui avons pour vocation de nous adresser aux enfants et aux familles, on ne fait rien ? se demande Frédéric Lavabre, qui décide alors d'écrire à ses confrères et consoeurs. Deux mois plus tard, le 20 novembre, date symbolique de la Journée internationale des droits de l'enfant, un livre est en librairie, Eux, c'est nous, pour la première fois publié par l'ensemble des éditeurs jeunesse.

Deux mois, c'est court pour faire un livre. La plupart des éditeurs ont réagi dans les heures qui ont suivi l'appel, des commissions se sont constituées pour se partager la tâche : l'éditorial, le juridique, la fabrication, la diffusion et la distribution. Tous s'accordent pour réaffirmer les valeurs d'accueil et de solidarité vis-à-vis des réfugiés, mais aussi pour expliquer aux plus jeunes les enjeux, le contexte, le sens des mots de cette actualité. Et il y a fort à faire : à ce moment un sondage indique que 55% des Français sont opposés à l'assouplissement des conditions d'accueil des réfugiés en France, malgré le choc provoqué par la photo du petit Aylan mort sur la plage.

Restait à trouver un auteur connu pour porter le livre, ce sera Daniel Pennac qui accepte d'écrire un texte. Jessie Magana et Carole Saturno s'attellent à un lexique autour des huit lettres du mot « Réfugiés » (Réfugié, Etranger, Frontière, Urgence, Guerre, Immigration, Economie, Solidarité). Et Serge Bloch, connu pour la simplicité et la puissance de son trait, se colle aux illustrations. Tous travaillent bénévolement.

“Dès qu'il s'agit de ne pas aider quelqu'un, on entend tout. A commencer par le silence.”

Le résultat est à la hauteur de cette mobilisation. Le livre est court, efficace, d'une belle simplicité formelle. Il donne à réfléchir. « Si un homme, une femme, un enfant souffrent et que personne ne veut les secourir, vous entendrez tout. Toutes les excuses, toutes les justifications, toutes les bonnes raisons de ne pas leur tendre la main. Dès qu'il s'agit de ne pas aider quelqu'un, on entend tout. A commencer par le silence », écrit Pennac qui rappelle ces mots répétés du matin au soir, « exode, masses, hordes, déferlement, multitude, invasion », auxquels il oppose la réalité des chiffres. L'auteur de La fée carabine évoque la mémoire de tous ceux que nous avons su accueillir par le passé, les Arméniens en 1915, les Espagnols, les Italiens, les Polonais dans les années 30, les Portugais dans les années 50, les Algériens, les Tunisiens, les Marocains, les Africains dans les années 60, les Chiliens, les Argentins dans les années 70, les Vietnamiens dans les années 80... « Et ce sont eux, tous ces réfugiés du vingtième siècle, jugés chaque fois trop nombreux, qui font, avec nous, la France d'aujourd'hui ».

Tiré dans un premier temps à 70 000 exemplaires, Eux c'est nous est disponible en librairie au prix de 3 euros. Le produit de la vente sera reversé à la Cimade, une association créée en 1939 pour venir en aide aux réfugiés et aux demandeurs d'asile. Trois jours après sa mise en place en librairie, Eux, c'est nous figurait, sur Datalib, en tête des ventes de livres jeunesse.

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