CLIMAT - C'est la mi-temps et l'heure de souffler pour les représentants des 195 pays présents au Bourget pour la COP21. Samedi à 12 heures, Laurent Fabius, président de la conférence de Paris, a reçu une ébauche de texte de 42 pages, fruit d'une semaine de négociations acharnées.
Lundi, le ministre des Affaires étrangères et ses homologues vont devoir finaliser cet accord qui se veut être la dernière chance d'empêcher un réchauffement climatique trop important. Enfin, finaliser est un euphémisme, car même s'il y a des raisons d'être optimiste sur l'avancée de la COP (surtout en la comparant à l'échec de Copenhague), le travail à accomplir reste considérable.
Le HuffPost vous propose une version sous-titrée de l'ébauche d'accord (car même si vous comprenez l'anglais, vous aurez bien du mal à comprendre le sens des lignes ci-dessous).
Moins de [ ] et d'options...
Comme nous vous le précisions il y a quelques jours, le travail des négociateurs techniques permet avant tout d'élaguer l'accord des très nombreuses options et "crochets" présents. Ce qui rend certaines parties du texte vraiment, vraiment obscures:
Le but de ces crochets, c'est de permettre plusieurs possibilités pour le texte. Souvent, les nuances sont vraiment subtiles: "accomplir" plutôt que "mettre en place". Mais parfois, le diable se cache dans les détails. Par exemple entre "doit" et "devrait". Une simple conjugaison change une obligation en possibilité.
En plus des crochet, le texte est rempli "d'options". Ici, ce ne sont pas plusieurs mots qui sont remplacés, mais des paragraphes entiers. L'article 6, qui concerne le financement de la lutte contre le réchauffement climatique pour aider les pays en développement, est rempli d'options et de sous-options, certaines totalement contradictoires.
"Il y a 18 options ouvertes et il manque pourtant le fait que le financement doit continuer et augmenter après 2020", déplore Matthieu Orphelin, porte-parole de la fondation Nicolas Hulot.
La bonne nouvelle? Il y a (beaucoup) moins d'options et de crochets que dans la pré-version de l'accord. Si on s'amuse à rechercher dans le document le nombre d’occurrences des crochets ([) et du mot option, on passe:
• de 54 à 42 pages (auxquelles il faut rajouter des annexes, voir plus bas)
• de 1685 crochets (!) à 939
• de 281 occurrences du mot "option " à 136
Certes, cette méthode n'est pas parfaite, mais elle donne une idée de l'évolution des travaux, même si leur nombre devrait encore augmenter dans les jours à venir car plusieurs remarques n'ont pas encore été ajoutées au texte.
... Mais les plus importantes et contradictoires sont encore là
Même si c'est encourageant, cela ne change en réalité pas grand chose, car la plupart des grandes inconnues, qui feront de l'accord un succès ou un échec (voir notre infographie sur le sujet), sont toujours présentes. C'est par exemple le cas de la partie sur les financements dont on parle plus haut, mais même de l'objectif principal de l'accord.
Car la question de la limite du réchauffement climatique n'est pas encore tranchée. La bonne nouvelle, c'est que les deux options restantes sont "sous les 1,5°C" et "bien en dessous des 2°C", alors que le projet original proposait également un simple "sous les 2°C". "La limitation du réchauffement climatique à 1.5°C doit être une ligne rouge pour les Etats. Chaque dixième de degré de réchauffement a des impacts désastreux sur les populations", estime l'ONG Care.
L'autre passage surligné fait référence aux "pertes et dommages", soit le fait de prendre en compte que certains pays sont déjà touchés par le réchauffement climatique et le seront même si l'objectif est atteint. Et ces crochets posent problème. "Il y a eu quelques avancées sur cette question", précise Fanny Petitbon de Care, tout en rappelant qu'il reste "de nombreuses options contradictoires".
Une des conditions du succès de l'accord énoncées par François Hollande concerne la clause de revoyure. Dans le texte figure bien le fait que les pays "doivent" communiquer leurs nouveaux objectifs "tous les cinq ans". Problème: ce n'est qu'une des deux options de cette partie, l'autre ne donne aucun objectif chiffré.
Cette "idée de progression est bien ancrée, il y a un premier point en 2024 d'acté, mais de nombreuses choses restent à clarifier", précise Celia Gautier du Reseau Action Climat, qui estime que 2024 est un rendez-vous bien tardif.
Enfin, il y a un point très important, qui fut d'ailleurs à l'origine d'une passe d'armes entre François Hollande et le secrétaire d'Etat américain John Kerry: le côté contraignant de l'accord. C'est à dire le fait que juridiquement, les Etats soient tenus de tenir leurs engagements. Engagements qui doivent être transparents et vérifiés au fil des années.
C'est justement le sens des quelques mots surlignés ci-dessous:
Et si ce paragraphe était présent dans la première version du texte, c'est aujourd'hui la première fois qu'il n'est pas en compétition avec une seconde option, affirmant tout simplement qu'"aucune exigence n'est nécessaire".
"C'est un signe fort qui montre l'ambition de cet accord, mais c'est un peu risqué à cause de la position des Etats-Unis", résume Fanny Petitbon.
Pour autant, rappelons que ce paragraphe reste entièrement... entre crochets.