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Aux petits soins

Que faire des recalés des études de médecine ?

Ils sont encore 80% d'étudiants à échouer à l'issue leur première année d'études de santé. Un gâchis pour les doyens des facs de médecine, qui ont pointé, ce week-end, l'obligation d'ouvrir le champ des études.
par Eric Favereau
publié le 8 décembre 2015 à 9h02

«Ce n'est pas un franc succès.» Le professeur Jean-Pierre Vinel, qui préside la conférence des doyens des facultés de médecine, a le sens de la litote. Ce week-end, lors de la 3e rencontre, lui et ses confrères ont dressé, de façon quasi unanime, le même constat. La réforme de la première année de médecine, aujourd'hui ouverte à toutes les professions médicales, avec l'instauration du concours de la Paces (Première année commune des études de santé), tourne à la bérézina. «Avant, il y avait 90% d'échecs en première année, maintenant c'est 80%. On n'en peut pas parler de triomphe, note Jean Pierre Vinel. Et au final ceux qui sont reçus ont la plupart du temps le même profil : bac S avec mention très bien. Or, un profil quasi uniforme des candidats reçus, ce n'est pas souhaitable.»

Un constat sévère qui pointe l'effet d'étranglement de ces premières années de médecine qui fabriquent donc, encore aujourd'hui, quatre fois plus d'échecs que de succès. De fait, l'équation n'est pas simple. Nul ne conteste le fait qu'il faille contingenter le nombre des futurs médecins, dentistes, kiné, sages-femmes, etc. En même temps, nous sommes dans un système où tout bachelier peut s'inscrire en première année. «La question de l'orientation est aussi de notre responsabilité, explique Jean-Pierre Vinel. Nous ne pouvons pas dire "on garde les 20% les meilleurs. Quant aux autres ? On s'en moque."»

«Détection précoce»

Comment donc, éviter ce gâchis ? Ladite conférence des doyens plaide pour l'instauration d'une épreuve dès le mois d'octobre de la première année. «On le voit très vite, On le sait, un étudiant qui n'est pas en marche un mois après la rentrée a accumulé trop de retards, il ne sera pas reçu.» Or, actuellement le premier examen a lieu en décembre ou janvier, et il peut permettre de réorienter sans attendre la fin de l'année les 13% de jeunes les plus mal classés. «Mais c'est tardif. On doit arriver à mettre en place une détection précoce pour les aider ensuite à se réorienter le plus tôt possible, vers d'autres filières. Il faut que l'on développe des passerelles sortantes, que ces jeunes ne se retrouvent pas sans rien.»

Parallèlement, les doyens mettent en avant la nécessité d'ouvrir les études de médecine, et en finir avec ce profil trop systématique d'étudiant «très bon élève et très scientifique». Encore aujourd'hui, il y a très peu de passerelles qui permettent à des étudiants ayant commencé un autre cursus de bifurquer ensuite vers la médecine : la plupart du temps, ils doivent tout reprendre à zéro. «Il faut diversifier le recrutement», insiste le professeur Jean-Pierre Vinel. Depuis un an, quelques facultés (dont celle de Bobigny) autorisent ainsi des étudiants en licence ou master à entrer directement en deuxième année de médecine, après examen de leurs notes, entretien et un enseignement de complément. A terme, la fac de Bobigny souhaite même réserver 30% de son numerus clausus aux étudiants hors Paces.

«Ne pas se désintéresser des exclus»

Autre problème évoqué : la répartition des médecins, une fois formés, sur le territoire. «Le numerus clausus est inadapté pour résoudre cette difficulté», selon Jean-Pierre Vinel. Les doyens d'université préconisent un assouplissement des règles, en décidant par exemple du numerus clausus d'une université en fonction de ses capacités de formation, notamment pratiques. Elles sont, ainsi, bien plus élevées en région parisienne et dans le Sud que dans d'autres villes qui bénéficient pourtant d'un numerus clausus supérieur, rapporté au nombre de candidats.

«On sait que les médecins circulent, et une partie d'entre eux va changer de région en fonction de leur rang de classement à l'internat, en fin de sixième année», note Jean-Pierre Vinel. Lui-même se montre favorable à l'affectation des jeunes diplômés dans des territoires désertés par les médecins, pendant quelques années. «Notre système reste rigide, et trop brutal, conclut le patron des doyens. Certes on doit former de bons médecins, et c'est le cas, mais on ne doit pas se désintéresser des exclus.»

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