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A gauche comme à droite, le danger de l’amnésie

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Une nouvelle fois, le sursaut républicain a bloqué l’avancée du FN. Mais ignorer l’avertissement serait dévastateur pour les partis traditionnels.
par Grégoire Biseau
publié le 13 décembre 2015 à 21h46
(mis à jour le 13 décembre 2015 à 21h46)

Et maintenant ? La classe politique, celle qui court des Républicains au Front de gauche, peut pousser un ouf de soulagement. Le pire a été évité. Le surcroît de mobilisation a été finalement celui d’un sursaut. Une sorte de réflexe républicain qui saisit le corps électoral quand la catastrophe est à portée de bulletin. Le FN est peut-être le premier parti de France, mais il reste, à son grand désespoir, un parti de premier tour. Même en situation de triangulaire, il est incapable de remporter un grand scrutin.

Après s’être fait très peur, après avoir déclaré, au lendemain du premier tour, qu’il faudra en tirer toutes les conséquences, nos principaux leaders politiques risquent d’être frappés d’une soudaine amnésie. Oublier un premier tour pour mieux se féliciter du second. Voilà leur raisonnement : le «système politique» est certes contesté, mais quand il y a urgence, quand les fondamentaux sont menacés, quand les électeurs se décident (enfin !) à aller voter, c’est pour finalement le conforter. Alors pourquoi se remettre en question ? Pourquoi vouloir changer à tout prix une stratégie, des alliances ? Pourquoi penser à une autre offre politique puisque ce tripartisme fonctionne, au final, tant bien que mal ?

Surface. Chacun dans leur coin, et pour des raisons différentes, Nicolas Sarkozy et François Hollande pourraient être tentés, malheureusement, d'en rester à cette analyse de surface. «La pire des réactions serait de faire comme avant, de se réinstaller dans une sorte de langueur qui servira la dynamique du FN en 2017», confie un ministre qui rêve que François Hollande prenne très vite une initiative politique forte.

A droite, au lendemain d'un échec électoral pour lui et son camp, Nicolas Sarkozy n'échappera pas à un débat sur la ligne idéologique de son parti et (ou) sur la date de l'organisation de la primaire. Mais l'ex-chef de l'Etat ne changera rien à son positionnement. C'est pour lui moins une question tactique qu'une vraie conviction : la France, inquiète de «perdre son mode de vie» et «ses racines chrétiennes», est de plus en plus à droite. Pour Sarkozy, c'est là que résident la solution à l'énigme de 2017 et sa capacité à se hisser au second tour pour affronter Marine Le Pen.

Boussole. Porté par un regain de popularité post-attentats et par un vrai succès à la COP 21, Hollande peut à juste titre être tenté de voir dans le scrutin de dimanche, pas encore les conditions d'un retour en grâce, mais au moins des raisons d'espérer pour 2017. Alors que faire maintenant ? Il dispose d'au moins une option : profiter de l'élan de la COP 21 et du succès des listes d'union de la gauche pour ouvrir sa majorité devenue étriquée, notamment aux écologistes. Pour autant, ce scénario butte sur deux difficultés. D'abord, Hollande ne dispose pas (ou peu) de latitude en matière économique, sauf à remettre en question ce qui lui a servi de boussole pendant son quinquennat : le rétablissement des comptes publics. Ensuite, sur le plan sécuritaire, Hollande n'amendera pas grand-chose de son dispositif d'état d'urgence, dans un contexte de menaces terroristes. Dans ces conditions, il sera difficile aux proches de Cécile Duflot ou à un porte-parole des «frondeurs» de revenir dans un gouvernement pour cautionner une politique jusqu'alors décriée. Voilà pourquoi Hollande devrait, en bon mitterrandien, «donner du temps au temps». Au risque de ne pas prendre la mesure de la contestation qui, cette fois, a été repoussée.

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