Plus on voyait, au cours d’entretiens télévisés récents, les mines crispées des rescapés et des proches encore en poste à Canal+ de l’ancienne équipe des « Guignols de l’info », moins on doutait que la nouvelle mouture de l’émission satirique phare de la chaîne cryptée jouait un dangereux va-tout avec sa nouvelle formule, programmée lundi 14 décembre.
Les « Guignols » étaient absents des écrans depuis six mois. D’abord parce que Vincent Bolloré — qui contrôle Canal+ — en avait souhaité la suppression, probablement en raison des charges violentes contre ses amis politiques — au premier rang desquels Nicolas Sarkozy, qui, on s’en souvient, avait passé ses premières vacances de président de la République sur le bateau de M. Bolloré. Ensuite parce que, contrainte de la réinstaurer sous la pression médiatique qui avait dénoncé une attaque contre la liberté de penser, Canal+ dut recruter de nouveaux auteurs et repenser entièrement le concept initial, qui n’avait guère bougé depuis ses débuts, le 29 août 1988.
L’émission, intitulée désormais « Les Guignols », retrouvait donc l’antenne, en crypté, lundi à 20 h 50 — avec cinq bonnes minutes de retard sur l’horaire programmé, juste avant la série « Versailles ». Le premier épisode de cette 27e saison a attiré 1,45 million de téléspectateurs (5,5 % de part d’audience), alors que lors de la saison précédente, diffusée en clair et une heure plus tôt dans le cadre du « Grand Journal », l’émission comptait en moyenne entre 1,6 et 1,8 million de téléspectateurs.
Si l’on juge que les nouveaux auteurs, Matthieu Burnel, Cédric Clémenceau, Nans Delgado et Frédéric Hazan, ont eu de longues semaines pour préparer leurs premiers sketchs « intemporels », on craint le pire pour la suite tant leur humour est rase-mottes. Leur réaction aux événements récents — COP21, élections régionales — n’est pas plus piquante.
Lucet et Pujadas à la place de PPD
L’idée de remplacer PPD — la marionnette à l’effigie de Patrick Poivre d’Arvor, qui menait cette parodie de journal télévisé depuis les débuts des « Guignols » — par Elise Lucet — dont la réplique s’exprime en décalque des manières de Nadine Morano —, par David Pujadas, qui mènent les entretiens, et par deux jeunes animateurs « lambda », qui présentent les nouvelles, n’est probablement pas promise au succès. Encore moins l’idée de rassembler les présentateurs des JT (Elise Lucet, Jean-Pierre Pernaut, David Pujadas, etc.) en une même salle de rédaction : plutôt que les charges acides que menaient les Guignols contre les concurrents de Canal+, on a désormais droit à des blagounettes bien inoffensives entre collègues autour de la table de conférence ou de la machine à café.
On pensait que Vincent Bolloré — dont Yves Le Rolland, directeur artistique des « Guignols », jurait, avec des mines d’enfant de chœur, dans l’émission « Le Tube », de Canal+, du 5 décembre, qu’il n’avait rien imposé — aurait fait disparaître certaines marionnettes politiques, dont celle de M. Sarkozy. Elle est bien là, ce qui rassurera, en surface.
Mais il est à craindre que son personnage ne soit que gentiment perturbé dans ces « Guignols » new-look qui, s’ils continuent sur ce mode, nous feront les regarder de temps en temps d’un œil professionnel et non plus pour la gondole quotidienne qu’ils provoquaient.
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