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Politique

Derrière Julien Dray et le changement de nom du PS, la campagne Hollande 2017

L'évocation par Julien Dray d'un changement de nom du PS est révélatrice de la nécessité pour François Hollande de se donner les moyens de rassembler la gauche et au-delà en contournant un PS devenu boulet.
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Julien Dray
(c) AFP

Le ballon d’essai a été lancé dimanche soir, et depuis, il flotte, en attente de retour d’expérience. De quoi s’agit-il? D’une proposition, glissée au détour d’un développement, en fin de soirée électorale, sur France 2. Julien Dray était convié à livrer son jugement sur les résultats et perspectives ouvertes par les résultats, quand soudain, évoquant le Parti socialiste, il a lâché une petite phrase lourde de conséquences: "On a dit qu'on allait même changer de nom, vraisemblablement". 

Comme d’habitude, chaque fois qu’un insolent ose avancer l’idée que, compte tenu des circonstances et des évolutions du Parti socialiste depuis 1971, il serait peut être utile de réfléchir à doter l’organisation d’un nom qui reflétât sa réalité politique, le Premier secrétaire en charge est aussitôt monté au créneau pour défendre la maison vermoulue.

Après Martine Aubry rappelant à Manuel Valls que l’on ne touche pas au nom du Parti socialiste, c’est Jean-Christophe Cambadélis qui s’est empressé de monter au front de la conservation (voire congélation) socialiste pour décréter sur le réseau social Twitter qu’il n’en était pas question: "Le changement de nom du PS n'est pas à l'ordre du jour. Le dépassement du PS l'est!". Comme si l’on pouvait trancher un débat en un tweet et une formule rédigée en 140 caractères maximum. La pensée formatée par le trotskysme est certes adaptée à Twitter, puisqu’elle s’assène par des slogans comme les aime Cambadélis depuis quarante ans, mais la politique a changé depuis 1917. Le monde est plus complexe.

Signe des temps, l’évocation de Julien Dray n’a pas été rejetée à l’unanimité, comme l’y invitait Jean-Christophe Cambadélis. Au contraire, quelques socialistes hauts gradés de la hiérarchie du PS l’ont accueilli avec bienveillance et intérêt.

"Mais il faut y réfléchir" a dit à l’AFP Juliette Méadel, l'une des porte-parole du PS. "Ça me gênerait parce que j'aime ce nom, mais en même temps, je n'en fais pas un préalable à une réforme et on n'enterre jamais un parti", a surenchéri sur Radio Classique le président du groupe parlementaire PS Bruno Le Roux. "C'est la cerise sur un gâteau, d'abord faisons le gâteau", conclut sur iTELE Jean-Marie Le Guen, Secrétaire d’Etat aux Relations avec le Parlement.

D’autres ont bien évidemment rejeté la proposition Dray, mais il est à noter que le refus unilatéral ne paraît plus être franc massif comme il l’était quand la proposition était portée par Manuel Valls. Mais alors pourquoi?

Revenons un instant sur le développement de Julien Dray débouchant sur la révélation de ce que le changement nom du PS était envisagé.

La construction d'une alliance populaire

Julien Dray commence par se placer dans la perspective de l’élection présidentielle: "On va essayer de faire que la gauche soit au second tour de l'élection présidentielle". Puis il indique la condition: "il va falloir qu'elle se rassemble, d'une manière ou d'une autre", non "par souci défensif mais en travaillant sur un projet". D’où la nécessité de "changer beaucoup de choses dans le fonctionnement de notre parti", jusqu’à envisager le changement suprême : "On a dit qu'on allait même changer de nom vraisemblablement". 

Lundi soir, avant la tenue du Bureau national du PS, Jean-Christophe Cambadélis a tenu à avoir une petite explication avec Julien Dray, dans le dessein d’éviter que les conversations ne portent sur ce sujet particulier. C’est que le Premier secrétaire a lui-même son idée sur la question. Depuis le dernier congrès de Poitiers, le successeur lointain de François Mitterrand plaide pour le dépassement du PS et la construction d’une "alliance populaire" susceptible de provoquer "l’irruption des citoyens dans l’alliance". Du point de vue de Cambadélis, il est bien entendu que cette alliance populaire doit se construire par et pour le PS, par conséquent hors la définition de l’orbite de la trajectoire éventuelle devant mener François Hollande à un nouveau bail à l’Elysée. Et c’est bien là qu’est le problème. 

Le Parti socialiste est nécessaire à tout président socialiste briguant un second mandat, mais il n’est pas suffisant. Par nature, compte tenu de ce qu’il est devenu au fil du temps, un produit politique multi-hybride dont il est difficile de définir la nature politique (socialiste? sociale-démocrate? Sociale libéral?) il s’avère peu lisible pour un chef de l’Etat en campagne électorale et en quête de clarté aux yeux des électeurs. Pour tout dire, le PS avec ses Eglises, ses chapelles et ses sectes est un boulet pour tout président qui aspire à un second mandat.

Qui veut rompre encore avec le capitalisme?

Comme Mitterrand, Hollande ne peut se présenter devant les Français en étant l’otage d’un parti sans identité claire, minée par les clivages et les querelles et en bien plus mauvais état qu’en 1988. Dans les années 70, les socialistes se disputaient sur le point de savoir comment rompre avec le capitalisme. Dans les années 2010, Le PS est comme le village gaulois d’Astérix, on s’y bat en se jetant les poissons de Cambadélix à la figure, mais on ne sait même plus pourquoi. Quel intérêt alors, à conserver en l’état un parti qui ne dit plus rien à l’époque? Sérieusement, à part Gérard Filoche, quel membre du Parti socialiste veut encore rompre avec le capitalisme en 2015?

En 1988, François Mitterrand avait dépassé le problème en se présentant en candidat de la France unie, PS inclus. S’il avait été seulement candidat socialiste, il n’aurait jamais recueilli 34% des voix au premier tour de la présidentielle. En 2015, visant 2017, François Hollande est confronté au même impératif qui exige tout à la fois d’intégration et contournement du parti dans la construction de sa candidature. Non seulement, il lui est nécessaire de fédérer les énergies progressistes, de gauche et d’ailleurs, sur un "projet" commun, mais ce projet et cette fédération ne peuvent demeurer sous la tutelle du seul PS de Jean-Christophe Cambadélis, qui apparaît inapte à proposer la construction d’un abri politique commun. Preuve en est que lorsque Cécile Duflot cherche une maison commune de la gauche où s’abriter, "une coalition de transformation", elle se tourne vers François Hollande, pas vers Cambadélis et son alliance populaire qui sent bon le cartel des gauches des années 20…

En réalité, quelles que puissent être ses arrière-pensées éventuelles, derrière l’évocation d’un changement de nom du PS, Julien Dray a objectivement démontré que toute nouvelle candidature de François Hollande l’oblige à non seulement "dépasser le PS", comme le dit son Premier secrétaire, mais aussi le Premier secrétaire et les socialistes eux-mêmes. Le plus cocasse, c'est que Dray doit travailler avec Cambadélis au projet d'alliance populaire. Autant dire que sa sortie sur le changement de nom du PS ressemble à s'y méprendre à l'affichage d'une divergence entre le Premier secrétaire et lui sur la destination finale de cette alliance. In fine, à quoi et à qui va-t-elle servir? Un vaste champ de réflexion s'ouvre à l'observateur des choses socialistes... Les débats entre Dray et Cambadélis promettent d'être animés...

Quelle forme organisationnelle en faveur d’une nouvelle candidature Hollande ce "dépassement" du PS, qui ne peut être, en l'état, la seule vision de "l’alliance populaire" réduite au Cambadélisme, pourrait-il prendre? La création d’une Fédération de partis et groupements, comme le fut la FGDS des années 60? La juxtaposition de nouveaux mouvements citoyens, comme le fut SOS Racisme dans les années 80? Ou bien la synthèse de ces deux modèles, le tout débouchant à terme sur une coagulation synonyme d’agrégation permettant de construire à terme un authentique parti des démocrates, de Cohn-Bendit à Bayrou en passant par Macron? Un parti démocrate en somme, enfin en phase avec l’époque.

 

 

 

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