Le soja, un «aliment santé» à la réputation usurpée ?

A l'heure où plus de 2/3 des cultures de soja sur la planète sont génétiquement modifiées et nécessitent ainsi plus d'engrais et de pesticides, le soja français résiste à la tentation du transgénique.

Le soja, un «aliment santé» à la réputation usurpée ?

    Réglementations peu, voire pas respectées, cultures installées à proximité des habitations, usage surabondant d'engrais et de pesticides, le soja n'est pas sans dégât pour l'environnement. Il est responsable de nombreuses déforestations, notamment au Brésil, pollue rivières et fleuves, menace plusieurs espèces d'insectes et de poissons et crée ainsi un déséquilibre de l'écosystème, et ce, sans compter son transport, responsable d'importantes émissions de CO2.

    Néanmoins, le soja français déroge à la règle du transgénique et continue à respecter de nombreux principes écologiques. Explications avec Christian Berdot, responsable du département «Agriculture, OGM et agroalimentaire» de l'association «Amis de la Terre» et Jean-Marc Lévêque, responsable du développement durable de la marque bio française Sojasun.

    Quel impact pour l'environnement ?

    Cultivé principalement aux Etats-Unis (premier producteur et exportateur mondial), au Brésil, en Argentine et en Chine, seulement 20% du soja de la planète est non transgénique et parmi ce faible pourcentage on y trouve le soja cultivé en France. Depuis près de 20 ans, la marque Sojasun de l'entreprise Triballat s'engage pour une production de soja français, en développant les filières végétales sans OGM et bio. « Nous essayons au maximum de développer les solutions durables qui respectent la biodiversité et les pratiques agricoles plus écologiques » assure Jean-Marc Lévêque.

    Très riche en protéines, le soja nécessite 5 à 6 fois moins de surfaces agricoles, 3 à 5 fois moins d'eau et 7 à 15 fois moins de CO2 que les protéines animales : « Le soja participe à une bonne rotation des cultures et aide à refertiliser naturellement le sol grâce à l'azote capté dans l'air en plus de la matière organique », ajoute le responsable du développement durable de Sojasun.

    Or, la France ne produit pas assez de cultures végétales et connaît un déficit de protéines pour nourrir le bétail : « La problématique du soja ne provient pas de la plante en elle-même mais de sa manière de la cultiver, note quant à lui Christian Berdot. Majoritairement développée par les firmes nord-américaines, la monoculture très intensive du soja a causé l'extinction des surfaces, a rasé certains villages, particulièrement en Argentine et a engendré des phénomènes de déforestation au Brésil et une érosion des sols.»

    Le soja transgénique, interdit en Europe

    « Notre soja est entièrement français et non transgénique, se défend quant à lui Jean-Marc Lévêque. Nous essayons de trouver perpétuellement des solutions d'approvisionnement local avec la proximité de nos cultures et la limitation de l'impact environnemental au transport. Aussi, notre approvisionnement en soja français nous permet d'effectuer un suivi régulier et un réel partenariat avec nos fournisseurs et nos agriculteurs. »

    A l'heure où la concurrence est rude, produire du soja 100% français est un vrai challenge mais possible à relever grâce à un travail en amont avec les fournisseurs et de grandes garanties lors des étapes de contrôle (dans les champs, à la récolte, dans les camions et les sites de production). « Nous faisons certifier l'ensemble de cette chaîne par un organisme certificateur indépendant. Ces efforts sont le prix à payer pour s'assurer de la qualité irréprochable de notre matière première », argumente Jean-Marc Lévêque.

    Un engagement dans une boucle d'économie circulaire

    Si les produits transformés à base de soja obligeraient eux à utiliser encore plus de terres cultivables que le soja lui-même, leur dépense en CO2 n'est pas extravagante car elle dépend de la provenance du soja, de sa culture et de sa technique de transformation. « Nous essayons de maintenir notre valorisation des déchets à 98% en réutilisant la pellicule des graines, l'exsudat qui se forme lors du caillage, les pousses de fabrication ou l'eau de trempage du tofu qui contient du lactosérum puis donnée aux cochons, explique encore Jean-Marc Lévêque. Pour les prochaines années, nous tenterons de gagner en teneur en protéines, en augmentant le rendement tout en réduisant nos déchets, puis en travaillant sur les stades de maturité du soja. Produire en France nous permet de maintenir une culture non OGM fiable et constitue une sécurité supplémentaire vis à vis de la qualité de la graine, ce qui serait plus difficile si nos cultures se trouvaient en Amérique Latine ou au Canada.»

    Actuellement, la traçabilité du soja reste toutefois insuffisante et aucune garantie quant aux méthodes de production ne sont là pour rassurer les consommateurs européens : « Notre association « Amis de la Terre » lutte pour qu'un étiquetage précis et entièrement transparent soit présent sur ces produits, mais aussi sur la la viande et les produits laitiers. Hélas, les lobbys industriels s'y opposent fortement...» conclut Christian Berdot.