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Denier du culte, offrandes et déductions fiscales… la quête miraculeuse de Noël

Un tiers du budget annuel des églises est récolté sous la forme de dons au moment de Noël, des sommes obtenues grâce à l’engagement des fidèles mais aussi pour des raisons fiscales.

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Publié le 13 décembre 2013 à 09h39, modifié le 22 juillet 2014 à 17h02

Temps de Lecture 6 min.

Un tiers du budget annuel des églises est récoltée sous forme de dons au moment de Noël, des sommes obtenues grâce à l’engagement des fidèles mais aussi pour des raisons fiscales.

Deux euros la participation à la loterie, 3 euros le vin chaud aux épices et aux amandes, 4,50 euros le hot-dog au raifort : les prix du marché de Noël de l'église danoise de Paris (29 novembre-1er décembre) ne sont pas très élevés par rapport aux autres activités proposées, en cette fin du mois de novembre, à deux pas de là, sur les Champs-Elysées illuminés.

Pourtant, les sommes récoltées pendant ces trois jours, où se réunissent les fidèles protestants mais aussi la communauté scandinave de Paris, vont alimenter le budget annuel à hauteur de 50 %, selon les estimations de Birgit Piccirillo, une des cent bénévoles de Frederikskirken.

Kjeld Jørgensen, le pasteur de cette église d'expatriés, anime les stands en passant de l'un à l'autre. Outre la loterie, on trouve côté jardin une librairie, un débit de boissons et un comptoir d'assiettes froides, sous l'orgue des points de vente de lainages et de décorations de Noël, et à la place de l'autel des étagères pleines de denrées aux noms imprononçables que les bénévoles s'appliquent à traduire aux visiteurs français.

« Deux transporteurs nous acheminent les commandes du ''Julebasar'' [le marché de Noël] gratuitement et des maisons d'édition nous offrent des livres », explique Birgit Piccirillo. « Nous prenons une petite marge sur chaque produit et, à la fin, cela fait une somme relativement importante mais on ne vous dira pas combien. Pour des raisons de sécurité, nous portons régulièrement le liquide dans un coffre-fort à la Maison du Danemark [à côté de l'église]. Cette année, toutefois, nous avons inauguré une machine à carte bleue », montre-t-elle.

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Les sommes récoltées pendant ces trois jours, où se réunissent les fidèles protestants mais aussi la communauté scandinave de Paris, vont alimenter le budget annuel à hauteur de 50 %, selon les estimations de Birgit Piccirillo, une des cent bénévoles de Frederikskirken.

FRÉQUENTATION MULTIPLIÉE PAR TROIS

Si pour l'église danoise de Paris, la fin de l'année revêt une importance toute particulière en terme de rentrées d'argent, il en va de même, dans une mesure un peu plus réduite, pour la plupart des diocèses catholiques qui retirent de cette période environ un tiers de leur budget. « Environ 30 % du denier est collecté sur le mois de décembre et 20 % sur octobre-novembre, ce qui est considérable car nous dépendons de la générosité des fidèles », résume Philippe de Cuverville, ancien secrétaire général de SFR et à la tête des affaires économiques de l'association diocésaine de Paris.

Le denier de l'Eglise, appelé aussi denier du culte, correspond à la participation des fidèles au fonctionnement de l'église catholique. Il sert à payer les prêtres et les laïcs employés par les paroisses, ainsi qu'à régler les frais de chauffage et d'entretien des bâtiments.

« Pour les cierges et les quêtes [dédiées spécifiquement à une paroisse et non redistribuées], c'est un peu plus lisse car ils sont liés aux flots de touristes qui fréquentent Notre-Dame et le Sacré-Coeur tout au long de l'année », précise Philippe de Cuverville.

« Ce n'est pas seulement à cause de Noël, c'est aussi la fin de l'année, période où traditionnellement l'on solde ses comptes et règle ses dus », ajoute le père Daniel Jamelot, curé de Saint-Lô, en Basse-Normandie (diocèse de Coutances-Avranches). Comme à Paris, la quête est moins significative que le denier du culte dans les comptes de décembre : elle passe d'environ 400 à 500 euros à Noël, alors que la fréquentation est multipliée par trois, selon le prêtre.

PIC ET ASSIETTE DE DONS

A l'Eglise protestante unie de France, la même proportion d'un tiers des dons récoltés en décembre est évoquée. Tout comme les églises catholiques, les temples protestants se financent seuls, grâce à un système de redistribution entre les différentes paroisses.

« Une grande partie des offrandes est collectée pendant le mois de décembre, entre un tiers et la moitié », reconnaît le pasteur parisien Louis Pernot, qui officie à l'Etoile. « Cette irrégularité n'est pas très bonne pour les comptes, elle fragilise l'assiette de dons. On essaie d'inciter les paroissiens à faire des cultes d'offrande de façon plus étalée dans le temps. »

« Au niveau national, l'Eglise protestante unie de France reçoit 26 millions de dons de la part de 50 000 donateurs. Avec un tiers de dons en fin d'année, l'offrande moyenne est de 180 euros par foyer », calcule Bertrand de Cazenove, président du conseil régional de l'Eglise unie en Ile-de-France.

« Mais nous ne sommes pas les seuls : beaucoup d'autres associations lancent des appels, ou des rappels, aux dons à cette période de l'année, et ce en raison du reçu fiscal auquel il donne droit », ajoute le responsable calviniste.

ORAISON MORALE ET RAISON FISCALE

En effet, effectuer des versements sous forme de dons ou de cotisations à certains organismes ayant un caractère d'intérêt général peut permettre de bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu : « A ce titre, 66 % du don au denier de l'Eglise est déductible de l'impôt sur le revenu, dans la limite de 20 % du revenu imposable », explique Me Murielle Gamet, notaire à Paris. « Les Français attendent en général de connaître leur revenu annuel pour dépenser et déduire fiscalement. C'est pourquoi, juge la notaire parisienne, les dons sont plus importants en décembre qu'en début d’année », même si l'avantage fiscal est valable toute l'année.

« En clair, explique le pasteur Louis Pernot, quand vous donnez 100 euros, vous pouvez retirer 66 euros de vos impôts l'année suivante. Beaucoup d'associations communiquent donc sur le fait que vous ne donnez, au final, que 34 euros. »

Une explication que dispense aussi le père Jamelot, pour qui « l'argent ne doit pas être un tabou » : « Il y a toujours des dépliants disponibles à ce sujet, et je peux moi-même renseigner les gens. Les paroissiens savent que leur don est nécessaire à la vie de leur paroisse. »

Toutefois, les dons réalisés en fin d'année sont distincts de l'événement que constitue la naissance du Christ pour les chrétiens, affirme-t-il. « Il ne s'agit pas d'utiliser Noël pour gagner de l'argent : nous avons des oeuvres de charité, avec le Secours catholique ou la mission ouvrière, mais nous n'organisons rien de directement ''rentable'' pour la paroisse. »

« Et il ne faut pas oublier non plus que de nombreux chrétiens ne gagnent pas assez d'argent pour payer des impôts. Donc ça ne peut pas être la seule motivation », ajoute Philippe de Cuverville.

UNE GÉNÉROSITÉ QUI NE CONNAÎT PAS LA CRISE

Et cette générosité sur laquelle s'appuient les églises (hormis les églises étrangères subventionnées par des gouvernements ou des cultes, ainsi que les églises d'Alsace et de Moselle où les ministres des différents cultes, sauf de l'Islam, sont payés par l'Etat) reste très inégale selon les régions.

La hausse du montant total du denier s'explique en partie par de nouvelles actions, détaille le « panorama économique » de l'association diocésaine de Paris : un accompagnement soutenu des paroisses les plus contributrices et un travail sur les jeunes (18-30 ans), potentiels donateurs.

En 2012, pour Paris, la collecte du denier a progressé de 3 % grâce à de nouveaux donateurs et une augmentation du don moyen, qui est passé de 387 à 396 euros – en France, le chiffre indiqué le plus souvent par les diocèses situe la contribution moyenne autour de 140 euros. En Normandie, le ton est plus alarmiste : « Les dons collectés sont en diminution par rapport à l'an dernier (...) Il faut nous mobiliser en cette fin d'année, de la Toussaint à Noël », insiste ainsi la lettre d'information mensuelle du diocèse de Coutances-Avranches.

Pour s'assurer de la libéralité de leurs fidèles et pas seulement au moment de Noël, Internet joue un rôle de plus en plus crucial. Chez les protestants, on privilégie les virements automatiques. Les diocèses catholiques ont mis en place des systèmes équivalents. Certains, comme celui de Coutances-Avranches, proposent même, en plus du denier, des quêtes électroniques avec un système de jetons symbolisant le don au moment de la quête « physique » pendant la messe.

Dernière innovation en date : le diocèse de Paris a développé une application pour téléphones et tablettes, baptisée C'Kdo, qui propose d'aider l'internaute à « gérer simplement ses idées et son budget cadeaux à l'approche de Noël ». « C’est aussi, glisse-t-on, pour ceux qui le veulent, l'occasion de faire un cadeau à leur paroisse. »

Organisé tous les ans, le

 

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