Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

Ayrault : « L'objectif n'est pas le grand soir fiscal »

Dans un entretien au « Monde », le premier ministre conditionne la baisse de l'impôt sur les ménages d'ici à 2015 au retour de la croissance.

Propos recueillis par , et

Publié le 24 janvier 2014 à 10h40, modifié le 25 janvier 2014 à 12h36

Temps de Lecture 8 min.

Politique. Jean-Marc Ayrault le 23 janvier 2014.

Il est là et bien là. Donné partant plusieurs fois depuis vingt mois, Jean-Marc Ayrault est toujours en poste à Matignon. Et il devrait y rester quelque temps encore : c'est sans doute lui qui engagera, avant l'été, la responsabilité de son gouvernement sur le pacte de responsabilité annoncé par François Hollande. Compromis avec le patronat, contreparties sociales, remise à plat de la fiscalité des ménages, réforme du mille-feuille territorial… il détaille le pari social-démocrate du président.

Dans Le Monde, Thierry Lepaon, le leader de la CGT, s'interrogeait : « Gattaz est-il premier ministre ? » Entendez-vous les inquiétudes syndicales ?

Jean-Marc Ayrault : J'écoute tout le monde, mais il est temps de sortir des confrontations stériles. Notre politique ne consiste pas à faire des « cadeaux » aux patrons mais à soutenir les entreprises, c'est-à-dire les entrepreneurs et les salariés. Pour remettre en marche le pays et créer des emplois. Notre méthode, c'est le dialogue social, et pour cela, nous devons rapprocher toutes les forces économiques et sociales. C'est ce que nous faisons avec, par exemple, l'accord sur la sécurisation de l'emploi ou celui sur la formation professionnelle.

Pourquoi, si tout était déjà engagé, François Hollande a-t-il proclamé la politique de l'offre ?

Newsletter
« Politique »
Chaque semaine, « Le Monde » analyse pour vous les enjeux de l’actualité politique
S’inscrire

Il fallait un choc de mobilisation pour aller plus loin et plus fort. N'oubliez pas, l'héritage en mai 2012 était très lourd. La dette publique a augmenté de 600 milliards d'euros lors du précédent quinquennat. Et, dans les cinq dernières années, la croissance a été en moyenne égale à zéro. L'enjeu est de remettre la France en marche. Les Français comprennent que redresser la compétitivité et les comptes publics, c'est la meilleure façon de ne pas être dans la main des marchés financiers.

A quel moment, pourrez-vous juger que le pacte de responsabilité est une réussite ?

Il faut avancer vite, y compris sur la réduction de la dépense publique. Ce que nous visons c'est de redonner confiance aux Français. La détermination du président de la République est totale, la mienne aussi. C'est ce que le pays attend de nous.

Vous prétendez avancer vite et en même temps, vous privilégiez le dialogue social. N'est-ce pas contradictoire ?

Non, car il n'y pas de majorité en France pour une politique brutale et libérale. La droite de Jean-François Copé se trompe lorsqu'elle pense qu'il faut à tout prix faire mal aux gens pour réformer. Notre volonté n'est pas de casser notre modèle, mais au contraire de le conforter. Ce que nous visons, ce sont des réformes équilibrées, structurelles et durables, qui appellent la responsabilité de tous. C'est cela que permet le dialogue social.

Allez-vous demander des engagements précis au patronat ?

Je n'ai pas des engagements une conception administrative. En revanche, comme l'a dit le président de la République, il faut des contreparties sur un certain nombre de thèmes précis : la création d'emplois pour les jeunes et les seniors et la réduction de la précarité. Le dialogue social est la clé de tout. Dans les branches, il est possible de faire évoluer les qualifications professionnelles. A l'intérieur de chaque entreprise, il faut laisser la négociation jouer. Nous parlerons de tout cela avec les partenaires sociaux lorsque je les recevrai lundi avec les ministres concernés. Ensuite, nous installerons avec eux l'observatoire des contreparties, que je présiderai.

Vous prévoyez actuellement 0,9 % de croissance en 2014. Pensez-vous pouvoir aller au-delà avec le pacte ?

Notre objectif, c'est d'accélérer la reprise. 1 % est tenable, mais il faut améliorer substantiellement la perspective 2015-2017. C'est toute la force du pacte.

Un conseiller de l'Elysée a laissé entrevoir une baisse d'impôts pour les ménages dès 2015. Confirmez-vous cet objectif ?

Le gouvernement s'est engagé à baisser la dépense publique d'au moins 50 milliards d'euros d'ici à 2017, ce qui est un effort considérable. Si nous parvenons à faire davantage et si le contexte économique le permet, nous pourrons baisser les impôts plus vite.

D'ici là, y aura-t-il un geste pour les ménages modestes ?

Dès cette année, nous avons réindexé le barème de l'impôt sur le revenu et ajouté des mesures pour les revenus modestes. Nous le confirmons pour 2015. C'est le contraire de ce qu'avait fait la droite. Nous poursuivrons l'effort mais le pacte de responsabilité, c'est la priorité donnée à l'emploi et à l'investissement.

Concrètement, que prévoyez-vous pour les entreprises ?

Outre la suppression des cotisations familiales, nous devons nous attaquer à la multiplication des petites taxes qui, additionnées, finissent par peser lourd. L'autre chantier est de rapprocher la fiscalité des entreprises de celle de nos voisins allemands à l'horizon 2020.

Qu'est devenue la remise à plat fiscale que vous préconisiez en novembre ?

Allègement des cotisations des entreprises, assises de la fiscalité des entreprises, remise à plat de la fiscalité des ménages : tout cela forme un bloc comme l'a affirmé le président de la République.

Allez-vous mettre en place le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu ?

Le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu fait partie des sujets qui seront traités par le groupe de travail que j'installe dès la semaine prochaine.

Souhaitez-vous toujours la fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG ?

L'objectif n'est pas le grand soir fiscal, mais d'abord de rendre l'impôt plus transparent et plus juste. Les contestations fiscales de la fin de l'année dernière ont montré que l'acceptation de l'impôt était en jeu. Il faut garantir au citoyen la transparence sur ce qu'il paie et sur la manière dont ses impôts sont utilisés.

N'avez-vous pas été recadré par l'Elysée ?

La remise à plat fiscale a été lancée en plein accord avec le président de la République. Elle a d'ailleurs reçu un très bon accueil des parlementaires de la majorité ainsi que des Français. Et dans nos institutions, c'est le président qui fixe les orientations.

Pensez-vous possible d'aller au-delà de 50 milliards d'euros d'économies d'ici à 2017 ?

C'est notre objectif, mais la politique du « rabot » est terminée. Je veux mener des réformes structurelles qui engagent tous les acteurs sur plusieurs années. Prenez la stratégie nationale de santé : si nous parvenons à réorganiser l'hôpital avec la médecine de ville, à revoir notre politique du médicament, nous réduirons substantiellement les coûts sans nuire à la qualité des soins. Autre exemple, si nous développons les mutualisations entre les différentes caisses de retraite et de maladie, des économies substantielles seront possibles.

Allez-vous de nouveau toucher aux allocations familiales ?

Non, l'universalité de ces prestations sera préservée.

Il y a un an, vous plaidiez pour un « nouveau modèle français », vous évoquiez des droits nouveaux. Où sont-ils ?

La réforme des retraites a permis des avancées sur la pénibilité, le projet de loi sur l'égalité hommes-femmes est sur le point d'être voté. Cela faisait douze ans qu'aucune avancée ne s'était produite dans ce domaine ! La loi sur la consommation, le compte individuel de formation ou les nouveaux droits à la complémentaire santé, tout cela change le quotidien. Et je n'oublie pas le mariage pour tous. La gauche convainc quand elle porte ses valeurs, pas quand elle cache son drapeau.

Craignez-vous un vote sanction aux municipales ?

Sanction de quoi ? Le gouvernement va continuer à agir et à réformer au-delà des élections intermédiaires, même si l'on sait qu'elles ne sont jamais faciles. J'ai confiance. Les villes gérées par la gauche ont un très bon bilan.

Avez-vous la certitude d'être le premier ministre qui défendra le pacte de responsabilité devant l'Assemblée nationale ?

Je ne me pose pas cette question. Il y a de très beaux miroirs à Matignon, mais je ne passe pas mon temps à me regarder dedans, je travaille.

Vous plaidez depuis longtemps pour un gouvernement resserré. En vain. Est-ce un problème ?

Non, car ce qui compte c'est la clarté de la ligne et la simplicité de l'organisation : président de la République, premier ministre, gouvernement, majorité parlementaire. L'intervention du président était claire.

Etes-vous prêt à gouverner avec le centre ?

Depuis l'annonce du pacte de responsabilité, j'ai entendu des voix divergentes venant des centres. Nous, nous avançons.

Qu'attendez-vous du projet de loi sur la décentralisation qui sera présenté au printemps ?

Les collectivités locales sont un chantier important de la baisse des dépenses publiques et du choc de simplification. Nous avons commencé en 2013 par créer quatorze grandes métropoles, sans reculer devant l'obstacle. Ces métropoles sont des locomotives pour les territoires. A Lyon, l'administration départementale a été transférée à la métropole, ce qui va permettre d'importantes économies d'échelle. L'exemple du Rhône peut être appliqué dans bien d'autres territoires urbains.

L'enchevêtrement des compétences des collectivités locales génère des doublons. Allez-vous remettre en cause la clause de compétence générale ?

C'est ma volonté. Elle ne doit être conservée que pour l'Etat et la commune. Je connais les résistances, mais je sais que les élus locaux y sont prêts dans le cadre d'une réforme ambitieuse. Il faut être audacieux, ne pas avoir peur, ne pas être dans la demi-mesure. J'ai été maire, j'ai vu l'évolution des mentalités. Les Français sont de plus en plus attentifs au niveau des dépenses publiques, et les élus locaux se disent « il faut qu'on bouge ». Il y a un climat favorable à la réforme.

Quelles compétences resteraient aux départements et régions ?

Les départements sont de plus en plus concentrés sur les dépenses sociales et les régions sur le développement économique, le soutien aux entreprises et la formation. La conférence territoriale de l'action publique doit définir qui fait quoi exactement. Notre objectif est clair : nous voulons renforcer le pouvoir des régions et éviter les doublons.

En même temps, le territoire français n'est pas uniforme. Il peut y avoir des schémas variables. Je me suis prononcé pour une expérimentation en Bretagne. Il faut faire confiance à la démocratie et accepter la diversité. Cela n'empêchera pas la France de rester une et indivisible.

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner

Voir les contributions

Réutiliser ce contenu

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.