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Ce que l’on sait de l’accident survenu lors d’un essai clinique à Rennes

Un patient est mort et quatre autres sont hospitalisés au CHU de Rennes après avoir testé une molécule pour traiter des personnes atteintes de la maladie de Parkinson.

Le Monde

Publié le 15 janvier 2016 à 13h12, modifié le 20 janvier 2016 à 18h24

Temps de Lecture 5 min.

Le laboratoire Biotrial à Rennes, où a été mené l’essai clinique.

C’est un événement « inédit », a déclaré vendredi 15 janvier Marisol Touraine, la ministre de la santé. Un patient est mort, dimanche 17 janvier, à la suite d’un essai thérapeutique mené à Rennes. Quatre autres sont toujours hospitalisés, mais leur état de santé s’améliore, après avoir montré des signes de troubles neurologiques. Tous les patients sont des hommes, âgés de 28 à 49 ans.

  • Quelle est la molécule qui faisait l’objet d’un test ?

Selon nos informations, la molécule testée est la BIA 10-2474, développée par le laboratoire portugais Bial, fabriquée en Hongrie et conditionnée en Italie. Mme Touraine a précisé qu’il s’agit d’un produit visant à traiter « les troubles de l’humeur et de l’anxiété, et les troubles moteurs, liés à des maladies neurodégénératives », comme la maladie de Parkinson. Le produit testé est une molécule à « visée antalgique » agissant sur les récepteurs cannabinoïdes.

L’objet de la phase 1 de l’essai était d’évaluer la sécurité d’emploi et la tolérance à la molécule, prise par voie orale, d’abord en doses uniques puis en doses multiples, répétées pendant plusieurs jours.

  • Cette molécule contient-elle du cannabis ?

Non. Plusieurs médias, citant le parquet, ont fait état de présence de cannabis dans la molécule testée. Il s’agit d’une confusion avec le terme « cannabinoïde ». Or les cannabinoïdes ne sont pas tous dérivés du cannabis.

Il en existe trois sortes : issus de végétaux, dont les plus connus sont le tétrahydrocannibol (THC), le cannabidiol (CBD) et le cannabinol (CBN), composés actifs que l’on retrouve dans le cannabis ; les cannabinoïdes de synthèse issus de molécules fabriquées chimiquement ; et les cannabinoïdes endogènes, c’est-à-dire sécrétés par le corps humain.

Les derniers, les cannabinoïdes endogènes, sont des « molécules naturelles qui régulent de nombreuses fonctions, comme le plaisir, la douleur, l’appétit ou l’anxiété », précise le professeur Michel Reynaud, addictologue à l’hôpital Paul-Brousse, à Villejuif (Val-de-Marne). C’est en l’occurrence pour agir comme inhibiteur d’une substance qui dégrade des cannabinoïdes endogènes que le médicament incriminé a été développé.

  • Un homme est mort, quatre autres sont toujours hospitalisés

Dimanche 10 janvier, un homme qui a pris de manière répétée le médicament dans le cadre de l’essai clinique mené par le laboratoire Biotrial, un établissement privé agréé par les autorités, a été hospitalisé. L’état de ce patient, un peintre, musicien et chanteur morbihannais, s’est très rapidement aggravé, selon le docteur Gilles Edan, responsable du pôle neurosciences du CHU de Rennes. Après avoir été déclaré en état de mort cérébrale, il est mort le 17 janvier.

Cinq autres personnes ont également été hospitalisées dans la semaine, dont quatre présentant des troubles neurologiques graves. Les médecins craignent des « handicaps irréversibles » pour certains d’entre eux. Depuis le début de la semaine, leur état de santé s’améliore, seuls deux d’entre eux se trouvent toujours sous surveillance médicale au service neurologie de l’hôpital de Rennes. Deux autres ont été transférés dans les services de neurologie d’établissements proches de leurs domiciles ; le cinquième, « resté asymptomatique », selon le CHU, a pu rentrer chez lui.

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Selon le ministère de la santé, ces personnes appartiennent au même groupe d’essai clinique, composé de personnes non malades. Elles ont reçu, depuis le 7 janvier, la dose la plus élevée de molécule testée depuis le début de l’essai, en juillet 2015. Deux autres personnes, ayant pour leur part reçu un placebo, ont participé au test.

Marisol Touraine a tenu une conférence de presse avec le docteur Gilles Edan, responsable du pôle neurosciences du CHU de Rennes, le 15 janvier.
  • D’autres personnes sont-elles concernées ?

Depuis le 9 juillet, date du début de l’essai clinique, cent huit personnes se sont vu distribuer cette molécule à des doses variables, selon Bial. Ces patients, qui viennent de Bretagne et de Mayenne, sont contactés un à un pour subir un examen médical au CHU de Rennes. Sur les dix-huit qui ont déjà bénéficié d’un examen neurologique et d’une IRM cérébrale, le 9 janvier, les médecins n’ont pas retrouvé « les anomalies cliniques et radiologiques présentes chez les patients hospitalisés », explique le CHU.

Mme Touraine a annoncé que le test prévoyait d’inclure cent vingt-huit volontaires sains, hommes ou femmes, âgés de 18 à 55 ans. Le laboratoire a interrompu son essai le 11 janvier.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Les essais cliniques ralentissent en France
  • Dans quel cadre le test était-il mené ?

Biotrial, qui conduisait l’essai clinique pour le compte de Bial, bénéficiait d’une autorisation, et a été inspecté deux fois en 2014. Les résultats de ces inspections étaient favorables et positifs, a affirmé Mme Touraine. Il s’agit d’un « laboratoire bien identifié, connu pour le sérieux des études qu’il mène ». Les autres essais menés par le laboratoire sur d’autres molécules n’ont pas été suspendus pour l’heure.

L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a autorisé l’essai clinique le 26 juin 2015, conformément à la procédure en vigueur. Selon Bial, « cet essai a été approuvé par les autorités réglementaires françaises, ainsi que par la commission d’éthique française, en conformité avec les guidelines [directives] de bonnes pratiques cliniques, avec la déclaration d’Helsinki et conformément à la législation inhérente aux essais cliniques. »

  • Enquête pour blessures involontaires

Trois enquêtes, dont une judiciaire, sont en cours pour tenter de comprendre les raisons de l’accident. Une enquête en flagrance, confiée à la direction interrégionale de la police judiciaire de Rennes et au service de gendarmerie spécialisé dans la santé, l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique, a été ouverte pour « blessures involontaires supérieures à trois mois », a annoncé le parquet de Paris.

Lire aussi : Essais cliniques des médicaments : la nouvelle donne

Le ministère de la santé a par ailleurs saisi l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) afin de « mener une inspection sur l’organisation, les moyens et les conditions d’intervention de cet établissement dans la réalisation de l’essai clinique ». L’ANSM a également décidé de procéder à une inspection technique sur les lieux des essais. Bial s’est engagé dans un communiqué à « collaborer » à l’enquête pour « déterminer de manière rigoureuse et exhaustive les causes » de l’accident qui a conduit à la mort de l’un des patients.

Enfin, la commission des affaires sociales du Sénat a annoncé mardi qu’elle auditionnerait, après leurs enquêtes, les experts de l’IGAS et de l’ANSM, sur les garanties légales de sécurité pour les volontaires d’essais thérapeutiques. Cette commission a déjà par deux fois dénoncé l’absence de décret d’application de la loi du 5 mars 2012 sur les recherches impliquant la personne humaine. Ce texte, dit « loi Jardé », adopté à une large majorité au Sénat et à l’Assemblée, offre un cadre pour le développement de la recherche clinique, tout en améliorant la protection des personnes participant aux essais. Le décret attendu depuis bientôt quatre ans doit conforter le fonctionnement des comités de protection des personnes qui ont la tâche de valider les protocoles de recherche.

Lire aussi : Essais cliniques cherchent volontaires

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