Crise de l'accueil des migrants : MSF dénonce “une année perdue à construire des murs”

L'ONG revient dans un long rapport sur les échecs politiques et humanitaires qui ont aggravé la situation des milliers de réfugiés arrivés aux portes de l'Europe.

Publié le 20 janvier 2016 à 19h01

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 02h23

Une année noire. Dans son rapport intitulé « Le parcours d'obstacles vers l'Europe », Médecins sans frontières (MSF) dresse le bilan d'une année 2015 catastrophique, d'un point de vue humanitaire, mais aussi politique. Pire, l'ONG assure que la mauvaise gestion politique de cette crise par l'Union européenne et les gouvernements européens a aggravé la situation déjà déplorable dans laquelle se trouvent migrants et réfugiés qui affluent aux portes du continent. Leur nombre n'a d'ailleurs jamais été aussi élevé : entre le 1er janvier et le 31 décembre dernier, plus d'un million de personnes ont fui vers l'Europe.

Ce rapport-bilan pointe plusieurs failles. D'abord, il épingle « les conditions d'accueil, toujours indignes », résume Aurélie Ponthieu, conseillère de MSF sur les questions liées aux migrations et aux affaires humanitaires, qui déplore également que « la provision de nourriture soit toujours aux mains des ONG ou des volontaires ». Une absence de réponse étatique qui a, néanmoins, été à l'origine d'un élan de solidarité exceptionnel, à la mesure du drame qui touche l'Europe. « C'est l'un des aspects positifs de cette crise de l'accueil, détaille Aurélie Ponthieu. L'assistance aux migrants a principalement été aux mains des volontaires des associations caritatives, religieuses… qui venaient d'autres pays de l'Union européenne et parfois du monde entier, et qui se sont organisés comme un contre-pouvoir face au manque de volonté politique des Etats ».

Autre échec : « Il n'y a pas d'approche basée sur la vulnérabilité. On a passé l'année à construire des murs, concrets ou métaphorique, et la priorité de l'Europe est d'enregistrer et de prendre les empreintes des individus, en négligeant totalement l'assistance ». Conséquence, des « hotspots » (centres gérés par l'UE à la frontière d'un Etat-membre, où sont enregistrés et identifiés les arrivants) ont ouvert les uns après les autres, afin de distinguer les migrants pouvant bénéficier de l'asile dans l'Union européenne des migrants « économiques », qui seront renvoyés dans leur pays d'origine.

Enfin, MSF pointe dans ce document les incohérences des politiques appliquées dans l'Union européenne. « L'ouverture d'un corridor sécurisé entre les Balkans et l'Allemagne avait permis une amélioration des conditions de voyage, une meilleure assistance le long de la route, avec des conditions médicales plus adaptées, et une disparition des passeurs puisqu'il n'y en avait plus besoin », explique la conseillère de MSF. Un compromis brutalement remis en cause en novembre dernier, « puisqu'un tri est désormais opéré sur la base de la nationalité ». De même, l'ouverture ou la fermeture « de manière soudaine et irresponsable » des frontières ainsi que le changement brutal de politique conduisent MSF à condamner l'absence totale de considération humanitaire de la part des Etats de l'UE.

Mécanisme de sauvetage en mer à l'échelle européenne

L'année 2016 n'offre pas une perspective plus rassurante. Le nombre de traversées depuis le début de l'année 2016 est déjà six fois supérieur à ce qu'il était en 2015, selon les chiffres régulièrement actualisés de l'agence des Nations unies pour les réfugiés : 31 381 personnes sont arrivées par la mer entre le 1er et le 17 janvier 2016, contre 5 560 en janvier 2015.

« Il faut qu'un mécanisme de sauvetage en mer européen soit créé par les Etats, car c'est leur rôle, pas le nôtre », réclame désormais Médecins sans frontières. Entre le 2 mai et le 31 décembre 215, l'ONG avait d'ailleurs affrété trois bateaux destinés à mener des opérations de sauvetage en mer Méditerranée : plus de 20 000 personnes ont ainsi été sauvées de la noyade. Le dernier bateau, le Bourbon Argos, a arrêté ses opérations le 31 décembre dernier.

Aujourd'hui, une autre association uniquement portée par la société civile, créée en Allemagne puis en France l'année dernière, s'apprête à faire de même. Avec L'Aquarius, un navire de 77 mètres, SOS Méditerranée démarrera en février prochain une première opération de sauvetage au large des eaux territoriales libyennes et italiennes.

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