« Avant, j’étais la main de Benjamin. Aujourd’hui, c’est Nao ! » Mère d’un adolescent de 12 ans souffrant de troubles envahissants du développement, Virginie s’émerveille des progrès de son fils depuis sa mise en contact avec ce robot bleu et blanc de 58 centimètres.

« Sa rentrée au collège s’est parfaitement passée alors que ce n’était pas gagné, raconte-t-elle. À la maison, on parvient à assouplir certain rituels, comme manger à la même place avec les mêmes couverts ou seulement avec moi. Il arrive aussi à s’habiller seul et fait du foot avec des copains de son âge. Tenir un match entier devient de moins en moins compliqué. Il est dans une belle dynamique. »

Un CHU, une école d’ingénieurs et un lieu culturel

Durant un an, Benjamin a suivi, avec cinq autres jeunes présentant des troubles du spectre autistique, des ateliers utilisant des robots humanoïdes. Une expérimentation qui va être reconduite cette année et fait l’objet d’une recherche scientifique pour mieux en évaluer les effets.

Elle a la particularité de réunir des acteurs peu habitués à travailler ensemble : le CHU de Nantes, l’école d’ingénieurs Centrale Nantes et un lieu culturel, Stereolux, soucieux de rendre la création accessible à tous. « L’expérience s’est révélée très riche. On se doutait que ces adolescents seraient à l’aise avec cet outil. Mais ils s’en sont spontanément servis pour s’adresser à l’autre », souligne Laura Sarfaty, pédopsychiatre à l’hôpital de jour Samothrace, qui accueille des enfants de 11 à 18 ans ayant des troubles de la relation.

Le robot, « une transition entre soi et l’autre »

La première année, le petit groupe a alterné chaque semaine un atelier de création sonore et un atelier de robotique autour d’un album jeunesse, « Une histoire à quatre voix », d’Anthony Browne. Objectif : enregistrer les voix des adolescents puis leur faire programmer les robots pour qu’ils content cette histoire en sons et en gestes. « Le premier qui a voulu leur prêter sa voix était un jeune d’ordinaire très inhibé. Cela nous a surpris. Cet atelier les rend vraiment acteurs », salue Gwenaëlle Parchantour, infirmière à l’hôpital de jour.

Pour son collègue Renald Gaboriau, orthophoniste, « cet humanoïde à la bonne bouille est à la fois ludique et rassurant. Mais c’est aussi une vraie transition entre soi et l’autre. » Ainsi, au-delà du plaisir que les adolescents prennent à manipuler cette machine, commandée par ordinateur, ils se l’approprient pour exprimer leurs émotions. « Je pense à un jeune qui allait bientôt déménager, confie l’infirmière. Il a fait perdre à son robot sa femme, son chien… C’était un moyen de traduire ses propres angoisses. »

Un spectacle en conclusion

Les ateliers, qui se tiennent à Stereolux, sont toujours organisés de la même manière : les adolescents travaillent en binôme avec un ordinateur et un androïde, en présence de l’équipe soignante. Ils suivent durant une heure les instructions bienveillantes de Sophie Sakka, professeur à Centrale Nantes et présidente de l’association « Robots ! », qui entend diffuser la culture robotique au plus grand nombre.

« La première fois que j’ai vu ces jeunes, ils m’ont serré la main pour me dire bonjour, mais sans aucun contact visuel. Ils étaient là sans être là, décrit-elle. À chaque séance, ils allaient directement vers les robots. Jusqu’à ce jour où, quand j’ai montré quelque chose à l’ordinateur, l’un d’eux a posé sa tête sur mon bras… » La dernière séance a même fait l’objet d’une restitution devant un public restreint. « Cette année, ce sont eux qui ont demandé à refaire un spectacle. Cela peut sembler peu important mais c’est énorme. »

« Le robot n’est pas un ami mais un outil »

L’équipe a d’ailleurs choisi de laisser davantage la main aux adolescents. « Ils ont déjà lancé des idées de thèmes. L’une veut faire chanter les automates, un autre veut parler des superhéros et un autre des vacances. On va donc monter des saynètes. »

L’aspect primordial de cette expérience réside dans la grande latitude offerte à ces jeunes. « Le robot n’est pas un ami mais un outil. Ailleurs, on utilise des robots déjà programmés pour discuter avec des patients. Ici, ce sont eux qui les commandent. » Ce qui n’empêche pas de belles interactions. « Lors de la dernière séance, ils les ont couchés dans leur boîte avec une délicatesse infinie », sourit Sophie Sakka.

-------------------------

De nouvelles mesures attendues

Le 23 janvier dernier, au Congrès Autisme France, Ségolène Neuville, secrétaire d’État aux personnes handicapées, a annoncé un certain nombre de mesures. La Haute autorité de santé (HAS) a été sollicitée pour actualiser les recommandations relatives au diagnostic d’autisme qui datent de 2005. Par ailleurs, le fonctionnement des Centres ressources autisme (CRA) sera amené à évoluer en fonction des conclusions d’une mission de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), attendues fin février. Enfin, une campagne nationale grand public sur l’autisme, accompagnée de la création d’un site Internet, va être lancée.