Les CathoTech, ces startups qui veulent dépoussiérer l’Eglise

Uber de la confession, Facebook de la prière, quête numérique, ou encore, réseau social de la charité… Fin janvier, des entrepreneurs et des geeks catholiques venus de toute la France se sont réunis à La Grande Crypte, dans le 16e arrondissement de Paris, pour découvrir des innovations qui visent à faire entrer l’Eglise dans le XXIe siècle numérique.
Sylvain Rolland
L'application Hozana, qui permet de prier entre amis, faisait partie des innovations présentées lors de la soirée #pitchmychurch.

"Notre Père qui es aux cieux, que Ton nom soit sanctifié, que Ton règne vienne... " Jeudi 28 janvier, 21h20. Les yeux fermés, les mains croisées, 400 personnes récitent ensemble la célèbre oraison dominicale. Non, il ne s'agit pas d'une messe nocturne. Et les deux hommes sur l'estrade, qui portent jean, tee-shirt et baskets, ne sont pas des prêtres qui auraient oublié leur chasuble, mais de jeunes entrepreneurs.

Le smartphone brandi vers le public, Thomas Delende et son compère Guilhem sont simplement en train de présenter leur nouvelle application, Hozana. Disponible à partir du 10 février, ce "Facebook de la prière" permet de se recueillir entre amis, en temps réel. Exemple: si Marie, située à Paris, veut prier pendant deux minutes avec son ami toulousain Baptiste, ce dernier reçoit une notification. En l'acceptant, il déclenche le chrono, sous la forme d'une bougie qui se consume en même temps sur les deux téléphones. "C'est une nouvelle façon de rompre la solitude et d'entrer en communion spirituelle avec quelqu'un malgré la distance", explique Thomas Delende, 27 ans. Dans la salle, beaucoup sont bluffés. "C'est génial, ce serait parfait pour prier avec ma femme quand nous sommes séparés", s'enflamme Thibaud Debaecker, 32 ans, un "geek catho" qui croit dur comme fer que "l'Eglise a tout à gagner à s'ouvrir aux nouvelles technologies".

Jeunes adultes fans de high tech et de Jésus

Convertir l'Eglise et ses fidèles aux vertus de la technologie, c'est précisément l'objectif de la première soirée #pitchmychurch, qui s'est tenue fin janvier à La Grande Crypte, dans le très huppé XVIè arrondissement de Paris. Organisé par l'association Eglise et Innovation numérique, l'événement a été retransmis en direct sur la chaîne catholique kTO.

Sur la scène transformée en plateau de télévision, quatre entrepreneurs sont venus "pitcher" leur innovation devant le public -surtout des jeunes adultes fans de high tech et de Jésus- et les téléspectateurs. Le tout en cinq minutes chrono chacun, comme le veut l'usage dans le monde des startups.

En plus du "Facebook de la prière", #pitchmychurch a notamment révélé Géoconfess, le "Uber de la confession". Le principe? Mettre en relation des prêtres avec des pénitents, comme Uber le fait entre des chauffeurs et des clients. "Après une dispute avec mon épouse, j'avais grand besoin de me confesser mais impossible de trouver un prêtre disponible", raconte Tanguy Levesque, à l'origine du projet.

Ce trentenaire, père de six enfants, réalise alors que le salut viendra de la géolocalisation. La plateforme demande aux prêtres et aux pêcheurs de s'inscrire. Les premiers renseignent l'adresse de leur paroisse et leurs horaires de confession. Les seconds peuvent ainsi découvrir en un clic où soulager leur conscience. Pas forcément besoin d'église, le curé peut se connecter où il le souhaite, ce qui lui permet d'exercer à domicile ou, pourquoi pas, dans le train. Selon Tanguy Levesque, quelques dizaines de prêtres seraient prêts à tester le dispositif. "Nous avons reçu un accueil formidable, assure-t-il. Le vrai drame, c'est quand le curé de Cucugnan attend tout seul dans son église mais que personne ne vient, alors qu'une âme en peine à quelques kilomètres de là ne sait pas quand et où se confesser".

Quand le Saint-Esprit s'en mêle

A l'origine, François Pinsac, l'organisateur de 24 ans, voulait juste "réunir quelques entrepreneurs cathos dans un bar, autour d'une bonne bière". Mais "le Saint-Esprit s'en est mêlé", précise-t-il dans un sourire.

La "grâce de Dieu" se manifeste surtout par l'intermédiaire de la direction de la chaîne kTO. Vincent Redier, son président, "adhère immédiatement au concept" et mobilise son réseau. En tant qu'ancien diacre à la Paroisse Saint-Honoré d'Eylau, située juste à côté de La Grande Crypte, il obtient la location du lieu. La plateforme de financement participatif chrétien CredoFunding et l'agence de communication Noé 3.0, spécialisée dans "l'évangélisation par les réseaux sociaux", embarquent aussi en tant que partenaires. Et voilà comment on monte, en à peine un peu plus de deux semaines, un événement qui rassemblera plus de 400 personnes.

Si ce "miracle" s'est produit, c'est aussi parce que #pitchmychurch a l'immense mérite de confronter l'Eglise à sa révolution numérique. Un sujet très attendu par la jeune génération de cathos hyper-connectés. Mais un sujet toujours tabou, notamment en raison du poids des traditions et du conservatisme de l'institution vis-à-vis du progrès technique et des évolutions sociétales. Doit-on laisser les smartphones et les nouvelles technologies pénétrer dans l'enceinte sacrée de l'Eglise? Et à quelles conditions? "Ce sujet mérite un vrai débat, il faut réfléchir sur ce qui est bon pour l'Eglise et les fidèles", estime Vincent Redier.

"L'innovation qui a du sens"

De son côté, François Pinsac pense qu'il est temps pour l'Eglise d'embrasser la modernité.

"De tous temps, la pratique de la foi n'a cessé d'évoluer. Pourquoi ne pas utiliser les nouvelles technologies au service des valeurs chrétiennes de l'espérance et de la solidarité ?"

A la fois modeste mais sûr de lui, le jeune homme incarne parfaitement l'état d'esprit des CathoTech. "J'ai deux passions, Dieu et le web", revendique cet ancien scout. Originaire de Sanary-sur-Mer, dans le Var, François Pinsac a grandi au sein d'une famille pratiquante, autour de quatre sœurs et d'un frère. Déjà multi-entrepreneur (il a notamment créé la plateforme web de lamule.com.au, le Blablacar australien), cet ancien étudiant à HEC Montréal promeut "l'innovation qui a du sens", loin de l'image "gadget" de l'écosystème startups et sa pléthore "d'applications inutiles".

Pour l'heure, l'Eglise apparaît quelque peu en retrait du grand big bang numérique que vit la société. Alors qu'il existe près de 10.000 startups en France, très peu proposent des services innovants autour de la religion.

L'Eglise n'est pas déconnectée pour autant. Facebook et Twitter n'ont plus de secrets pour le Vatican ni pour de nombreuses paroisses. On peut consulter l'évangile du jour sur l'appli Evangelizo, recevoir une revue de presse religieuse en s'abonnant à Zenit ou encore trouver les horaires des messes grâce à Messe Info. Mais quid des outils qui transforment ou créent de nouvelles pratiques, comme Geoconfess, Hozana ou l'application La Quête? C'est simple : il n'en existe quasiment aucun. Mais les choses bougent. Un effet de la Manif pour tous, selon Marie Van Haecke, une consultante en digital de 32 ans:

"On ne mesure pas à quel point la Manif pour tous a libéré notre génération. C'est une puissante lame de fonds qui a poussé les jeunes cathos à s'engager, que ce soit en politique, dans la tech, dans l'associatif... On a pris conscience que l'avenir nous appartient et que nous pouvons influer sur l'évolution de la société, notamment autour du numérique"

Interrogé sur l'impact de la Manif pour tous dans l'éclosion des CathoTech, François Pinsac prend ses distances. "Je ne porte pas de valeurs politiques. Il est clair qu'il y a un effet générationnel, mais il reflète surtout la numérisation de la société. A partir de là se pose la question de comment l'Eglise s'insère dans cette nouvelle donne".

Digitaliser la quête en payant avec son smartphone

Egalement présentée au #pitchmychurch, La Quête symbolise parfaitement les enjeux du numérique dans l'Eglise, car elle incarne une forte disruption qui enthousiasme autant qu'elle gêne. L'application part d'un constat simple. "Tout le monde se déplace avec son téléphone, mais de moins en moins de gens ont de la monnaie sur eux", explique Paul Tréhard, le co-fondateur.

D'où l'idée de digitaliser complètement l'offrande. A la place de déposer, un peu gêné, quelques pièces dans la corbeille, l'appli permet de programmer un virement. Il suffit d'entrer ses coordonnées bancaires, de choisir ses paroisses favorites et d'indiquer un montant. Cerise sur le gâteau, tous les dons sont défiscalisés.

Pour se financer, la startup prélève une petite partie de la somme, 60 centimes pour 10 euros, par exemple. Selon les fondateurs, La Quête redonne du sens à cette pratique ancestrale en permettant "une offrande plus réfléchie car non-contrainte par la monnaie qu'on a sur soi". Mais d'autres s'inquiètent de la disparition d'un rituel, de l'irruption du smartphone en pleine messe ou encore du fait que l'entreprise se finance sur les dons. Un problème éthique que ne rencontrent ni Geoconfess ni Hozana, des associations qui proposent un service gratuit et sans publicité.

Problèmes éthiques

De son côté, Entourage, qui se veut "le réseau social de la charité", se frotte aux limites de la récolte des données et de la géolocalisation. Créée par une association, cette appli vise à coordonner, dans un même quartier, les maraudes réalisées par des bénévoles de la paroisse et par des associations laïques d'aide aux sans-abris. Chaque équipe peut rentrer ses circuits de ronde, ses plannings et même ses comptes-rendus. De quoi gagner sérieusement en efficacité, repérer les zones sur-couvertes et celles qui sont oubliées. Mais la crainte d'un fichage des sans-abris refroidit certaines associations, sans compter qu'il peut être difficile de faire collaborer des acteurs si différents de l'aide sociale.

Pour s'imposer, la plupart des CathoTech auront besoin du soutien de l'Eglise et de ses prêtres. Difficile d'imaginer Géoconfess ou La Quête prospérer sans cela. Mais sont-ils prêts? Au sein même des croyants, les opinions divergent. "Ces innovations doivent être utiles et répondre à un besoin. Les entrepreneurs doivent écouter ce que dit l'Eglise, ils ne peuvent pas agir seul", a mis en garde, sur scène, Philippine de Saint-Pierre, la directrice générale de kTO.

"Ce n'est pas comme ça que l'innovation ni le numérique fonctionnent, l'Eglise devra s'adapter sous peine de se ringardiser", estime Florian, un spectateur. Ce Parisien de 34 ans préfère se référer à une célèbre injonction du pape François : "n'ayez pas peur de devenir les citoyens du territoire numérique !". La route est encore longue. Reste à savoir si elle prendra la forme d'une sinécure ou d'un chemin de croix.

Sylvain Rolland

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Commentaires 17
à écrit le 07/07/2017 à 17:00
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je suis heureux que notre église se met en route pour gagner la bataille Economique

à écrit le 07/02/2016 à 16:59
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Un rêve qui va peut-être se réaliser, j'espère avant ma mort (j'ai 85 ans...). J'assiste à la messe dominicale sur Kto et je rejoins Lourdes via le web pour la récitation en direct du chapelet : j'ai de la chance. Comme je suis sourde, le numérique ...

le 10/02/2016 à 10:13
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Merci de vos prières et encouragements ! Pour l'instant cependant, il ne s'agit que de rencontres réelles avec des prêtres... Bonne entrée dans le carême !

à écrit le 05/02/2016 à 9:22
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puisque l'article semble ne pas etre une blague ( style Gorafi ) , quelques remarques : - comment vont ils se financer ? la seule info que j'ai trouvé n ce sont les 0,60 cts par quete ; vu qu'il y a - de 2 millions de pratiquants , meme si tous ut...

le 15/03/2016 à 18:35
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Pardon pour cette réponse tardive. La Quête se finance effectivement en prélevant une partie du don. Les autres projets sont des associations, qui se financent donc essentiellement grâce aux dons et aux subventions.

à écrit le 05/02/2016 à 9:03
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numerisation des registres , un peu de depoussierage ferait aussi du bien . experience vecue ( et toujours en cours d'ailleurs ) : en vue d'un parrainage ( pour une première communion ) , demande d'un certificat de bapteme et d'un certificat de com...

à écrit le 04/02/2016 à 15:50
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Exactement dans cette logique : www.wilum.net Ce site permet aux internautes de faire allumer un cierge (réel, pas virtuel) dans les églises partenaires du site. Paiement en ligne qui finance aussi le Lieu de culte.

à écrit le 04/02/2016 à 15:48
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En tout cas il y a une chose qui ne se dépoussière pas, et que la high-tech semble renforcer. Malgré que les cathos soient, même parmi les jeunes, à 60%-70% des femmes, les héros de cette rencontre cathogeeks sont à 100% des hommes. On n'en sort pa...

le 10/02/2016 à 10:11
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Et Philippine de Saint Pierre ? Et Natalia Trouillier ? Un peu d'honnêteté Lili

à écrit le 04/02/2016 à 10:35
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L AVENIR DE LA RELIGION CHRETIENNE ET AUSSI SUR INTERNET. ELLE ET DEJA SUR LES RADIOS ? ET DEJA ON TROUVE SUR INTERNET LA LECTURE DES TEXTES DE LA BIBLE ET DES QUATRE EVANGILES ? C EST UNE EXELENTE IDEE POUR RAPROCHE LES CHRETIENS QUI POURONT TRO...

le 04/02/2016 à 11:30
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Pourriez vous écrire sans majuscules je vous prie, c'est particulièrement désagréable à lire du coup je pense que peu vous lisent et je les comprends, merci d'avance. En plus l'avantage des minuscules, c'est qu'elles mettent moins en évidence les...

à écrit le 04/02/2016 à 10:17
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Article inquiétant. Tandis que l'on parle d'austérité et d'économies budgétaires, en cette époque de terrorisme religieux qui plus est, personne pour remettre en question les subventions de l'état français aux religions: "L’Etat ne donne aucune i...

le 04/02/2016 à 15:00
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Je vous rejoins sur le besoin de transparence dans les financements de l'église (et de l'état aussi à vrai dire) Je pense néanmoins que l'église participe comme membre de la société civile à de nombreuses fonctions de service public, et qu'elle ap...

le 04/02/2016 à 15:36
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Si vous pensez à la fonction de contrôle des populations, avec l'intention de pallier aux énormes défauts exponentiels de notre système économique je suis entièrement d'accord avec vous, la religion permet aux gens de continuer d'espérer malgré la vi...

le 05/02/2016 à 11:52
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Zorro, tu nous fatigues avec tes fautes d'orthographe, de syntaxe et tes commentaires oiseux

le 05/02/2016 à 12:48
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Pro- patria, sinon à part la forme de mon commentaire et votre avis entièrement subjectif me concernant, avez vous enfin une réelle et crédible objection sur le fond ou bien pensez vous seulement que c'est celui qui répond en dernier qui a raison ? ...

le 05/02/2016 à 12:54
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pro patra avez vous une objection concernant le fond de mon commentaire ou bien êtes vous donc au final en grande partie d'accord avec moi puisque vous ne semblez préoccupé que par la forme de celui-ci et ma personne également ? Ce qui ne se rep...

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