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Billet

Le général Piquemal, de la graine de putschiste

Cet ancien patron de la légion étrangère, qui fut membre du cabinet militaire de trois Premiers ministres socialistes, a été arrêté samedi à Calais lors d'une manifestation anti-migrants interdite et se tenant à l'appel de PEGIDA.
par Jonathan Bouchet-Petersen
publié le 7 février 2016 à 14h42

Il y a de la graine de putschiste chez ce général Piquemal, nostalgique du général Bigeard et arrêté samedi à Calais, mégaphone en main, alors qu'il fustigeait les gendarmes venus contenir et disperser un rassemblement de militants extrémistes anti-migrants interdit par la préfecture. Une décision confirmée vendredi par la justice mais que le général et ses hommes, en grande partie issus de l'ultra droite, n'étaient pas décidés à respecter, certains traitant les gendarmes leur faisant face de «collabos». Piquemal l'a dit, il place ses «valeurs patriotiques» au-dessus des lois de la République, au nom de la «France éternelle» et contre la «décadence» de l'époque. Le refrain de la «résistance» a été entonné ce week-end par ses partisans, dans la fachosphère au sens large et jusqu'aux plus proches de Marine Le Pen. «En France, le patriotisme devient un délit : honneur au général!», a tweeté l'avocat et, rappelons-le, député Gilbert Collard.

Âgé de 75 ans, le général Piquemal, patron de la légion étrangère de 1994 à 1999, a été interpellé samedi avec une vingtaine d’autres personnes parmi la centaine de participants à un rassemblement se tenant illégalement à l’appel de la groupusculaire branche française de Pegida (Européens patriotes contre l’islamisation de l’Occident). Après plusieurs sommations, les forces de l’ordre ont fait usage de gaz lacrymogènes et chargé les récalcitrants - sans violence excessive si on en juge par les vidéos mises en ligne et l’absence de blessés dans le bilan de l’intervention. A quel titre le général Piquemal, de fait le leader de la mobilisation interdite, n’aurait-il pas été arrêté par les gendarmes chargés de faire respecter l’ordre?

L’héroine Marion Maréchal-Le Pen

Alors que Piquemal et quatre autres personnes, qui avaient, elles, des armes en leur possession (cutter, taser, poing américain), seront présentés ce lundi à un juge en comparution immédiate (le général risque jusqu’à six mois ferme), l’extrême droite et une partie de la droite traditionaliste ont trouvé là un nouveau martyr de ce pouvoir socialiste, scélérat par nature, cette «dictature PS». On repense aux défilés de la Manif pour tous, où étaient alors portées en étendard des «lois naturelles» contre celle, de la République, ouvrant aux homosexuels le droit au mariage et à l’adoption.

Chaque fois, c'est la même remise en cause de la légitimité du pouvoir institutionnel, a fortiori celui de François Hollande. Une haine qui a même conduit certains de ces «patriotes» à siffler le chef de l'Etat un 14 juillet lors du défilé militaire sur les Champs-Elysées. Une faune qui trouve en Marion Maréchal-Le Pen, bien davantage qu'en sa tante, sa figure de proue institutionnelle et même son héroïne. Il faut dire qu'une députée affirmant, comme elle l'a fait l'été dernier, «ne pas comprendre cette obsession pour la République» et craindre que celle-ci «n'efface la France», ce n'est pas si courant. Aux Etats-Unis, on imagine bien le général Piquemal voter Donald Trump pour son rapport fascisant à la politique et sa haine revendiquée des immigrés. Une haine qu'il n'est pas glorieux, à Calais comme ailleurs, d'habiller des atours de la nostalgie ou d'un «patriotisme», alors dévoyé en ultranationalisme tendance ratonnade.

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