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«L’Equipe» joue collectif face au plan social

Les salariés du papier, du web et de la télé du média sportif ont suspendu la grève entamée lundi après l’annonce d’un nouveau plan social. Mais le conflit n’en est pas pour autant terminé.
par Jérôme Lefilliâtre
publié le 17 février 2016 à 20h41

Après deux jours d'absence, l'Equipe est de retour dans les kiosques ce jeudi. Les salariés du média sportif ont suspendu mercredi la grève entamée lundi, qui a paralysé les différents supports du groupe (quotidien, site Internet, télévision) pendant quarante-huit heures. En pleine actu PSG, ébranlé par l'affaire Aurier au moment où le club de foot parisien devait affronter Chelsea en Ligue des champions, le mouvement social est très mal tombé. Le journal a dû ainsi s'asseoir sur 400 000 ventes aisées. Le manque à gagner n'est pas neutre. L'Equipe est toujours dans une situation financière fragile, même s'il est revenu à l'équilibre d'exploitation, hors télévision, l'an dernier.

Tension

L'affaire n'est peut-être pas terminée. Un comité d'entreprise extraordinaire est prévu ce jeudi, avant une nouvelle assemblée générale vendredi. Deux éléments ont nourri le mécontentement. D'abord, une réorganisation au sein du quotidien, dévoilée en décembre par le patron du groupe, Cyril Linette, un ancien de Canal + arrivé il y a près d'un an (contacté par Libération, il a refusé de s'exprimer). Elle vise à réaffecter 26 postes au sein de l'édition du journal. Dans le même temps, seraient abrogées les «primes de garde» dont bénéficient les éditeurs travaillant au-delà des heures de bouclage, pour les intégrer à 75 % de leur montant global dans les salaires de base. L'idée n'est pas du tout passée. Pour certains, ces primes représentent un complément de revenu important, jusqu'à 6 000 euros par an, selon des sources internes. L'annonce, lundi, d'un plan social au sein de la chaîne de télévision a achevé de mettre la filiale du groupe Amaury sous tension. Accessible sur la TNT gratuite fin 2012, L'Equipe 21 s'est vite transformée en boulet. Peu regardée, elle perd 20 millions d'euros par an. Linette a décidé d'arrêter l'info en continu pour diffuser des compétitions sportives mineures (biathlon, volley, basket, etc.). Ce repositionnement a permis à la chaîne de réaliser 0,9 % de part d'audience en janvier - le meilleur mois de son histoire. Mais il s'accompagne d'une réduction drastique des effectifs, qui vise surtout les non-titulaires (CDD, pigistes, intermittents). Le nombre de CDI va certes augmenter de 68 à 75, mais le nombre total de personnes y travaillant à temps plein va passer de 150 à 95, selon une source syndicale. Très suivie, la grève a révélé le malaise au sein de l'Equipe.

Général

«C'est nouveau que les rédactions papier, web et télé se retrouvent dans un mouvement commun, s'étonne un bon connaisseur du groupe. Avant, chacune vivait sa vie. Le pôle papier regardait de haut le pôle web et télé, qui, lui, voyait les salariés du quotidien comme des nantis.» Les deux pôles sont logés dans deux sociétés séparées, avec des conditions sociales et salariales différentes, beaucoup plus favorables au quotidien. Francis Magois, du Syndicat national des journalistes (SNJ), abonde : «C'est le côté positif de la grève. Tout le monde s'est parlé.» Pour constater que les griefs, déplorant une dégradation des conditions de travail, étaient partagés au-delà des services, des supports et des petites jalousies. «Ce mouvement est un message adressé à la direction», explique une élue du personnel de la chaîne de télé, Aurélia Collin. «Il y a un ras-le-bol général, résume Francis Magois. Depuis des années, l'idée de base est de faire des économies. On a commencé à taper dans les effectifs en 2009, et ça n'arrête plus depuis.»

Pour compenser la chute de diffusion du journal, navire amiral du groupe (217 000 exemplaires par jour, 170 millions d’euros de chiffre d’affaires), un plan de départs volontaires avait été décidé en 2012 : 71 salariés étaient partis. Cet épisode a été un choc pour le journal qui vivait confortablement, jouissant d’un quasi-monopole. Depuis, il a dû se résoudre à vivre la crise de la presse, comme tout le monde.

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