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Harcèlement en ligne : pourquoi les « trolls » s’en tirent

Policiers, juristes et législateurs sont encore largement démunis pour venir en aide aux victimes de harcèlement en ligne et appréhender les « trolls » qui s’en prennent à elles.

Par  (envoyée spéciale à Austin (Texas))

Publié le 13 mars 2016 à 10h56, modifié le 13 mars 2016 à 16h03

Temps de Lecture 3 min.

« Imaginez la terreur que vous ressentez quand vous sortez de chez vous, que vous n’avez aucune idée de ce qui se passe, que des armes sont pointées sur vous et que vos enfants sont dans la maison. » Le 31 janvier, Katherine Clark, membre du Congrès américain, a été victime de « swatting », une pratique consistant à appeler les forces de police pour les faire intervenir à un domicile. « C’est l’un des crimes issus du monde virtuel qui soudain vient percuter la vie des gens. » Samedi 12 mars, le festival South by Southwest (SXSW) d’Austin, au Texas, consacré aux nouvelles technologies, organisait un sommet consacré à la question du harcèlement en ligne. Katherine Clark, comme de nombreuses autres victimes de ce phénomène, est venue témoigner.

Mais avec une différence : elle milite depuis longtemps, en tant que personnalité politique, contre le harcèlement et pour faire du swatting un crime fédéral – engagement qui lui a probablement valu d’en être victime. Car malgré l’importance du phénomène, les autorités, aux Etats-Unis comme ailleurs, tardent à en prendre la mesure et à s’y adapter, laissant le champ libre aux « trolls », un terme large utilisé pour désigner, entre autres, les harceleurs en ligne.

« Quand je parle de swatting ou de doxing [la récupération d’informations personnelles sur quelqu’un en vue de lui nuire] à certains membres du Congrès, ils me regardent comme si j’étais dingue ! déplore Katherine Clark. Il faut qu’ils comprennent le sérieux de ce qui peut se passer. »

Le sergent Ben Finley, spécialiste du numérique au sein de l’unité des enquêtes criminelles d’Atlanta, l’a bien compris : « Il y a quelques années, un mardi, on nous a appelés nous disant qu’il y avait une tuerie, deux enfants et leur mère tués. En réalité, il ne s’était rien passé, mais les parents n’étaient pas à la maison et ils ont cru que leurs enfants étaient morts. Les gens croient que le harcèlement est une blague de gamins, mais il y a de vraies conséquences. »

Mais au niveau des forces de l’ordre, peu sont sensibilisés à cette question du harcèlement en ligne. « Ce monde est assez nouveau pour les policiers, beaucoup n’y connaissent rien, que ce soit Facebook, Twitter ou Snapchat, estime M. Finley. Il faut les éduquer, leur expliquer comment répondre aux victimes. »

Concernant la justice, le constat est aussi accablant. « Je reçois des appels tous les jours de victimes de harcèlement en ligne, témoigne Ari Waldman, professeur de droit à la New York Law School et fondateur du Tyler Clementi Institute for Cyber Safety, mais les personnes qui veulent agir contre cela sont confrontées à beaucoup de barrières. Par exemple, les juges et les avocats ne traitent pas aussi sérieusement ce qui se passe en ligne que ce qui se passe dans le monde physique. Ils considèrent que ce n’est pas réel. »

Portrait-robot du troll

Les victimes ont pourtant besoin d’être épaulées. Dans une des nombreuses conférences organisées à Austin, une jeune femme prend le micro pour poser une question et se met soudain à pleurer en évoquant les insultes qu’elle a dû essuyer en ligne. « Avez-vous déjà pu parler en face à face avec les personnes qui font ça ? » demande-t-elle en essuyant ses larmes. « Oh oui », répond le sergent Finley. « Il y avait ce gamin, vous auriez vu son visage stupéfait quand on a débarqué chez lui ! » se souvient-il en mimant le jeune homme en question, les yeux écarquillés. « Il a fait des choses en ligne qu’il ne ferait jamais devant vous. »

Une caractéristique commune à de nombreux trolls. Parmi eux, beaucoup de personnes « relativement raisonnables, qui ne vous diraient jamais en face ce qu’elles sont capables de vous dire en ligne », analyse le chercheur Joseph Reagle de l’université de Northeastern, qui a publié un ouvrage sur le sujet. « Elles ne voient pas l’effet que cela produit, elles perdent leur inhibition avec l’anonymat. » Une autre partie des trolls auraient des profils moins communs. « Plus vous aimez troller, plus il est probable que vous ayez les caractéristiques psychologiques d’un psychopathe ou d’un sadique », affirme le chercheur.

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Psychopathes ou non, les personnes qui harcèlent sur Internet parviennent à instaurer un climat de peur, qui déborde souvent hors de l’écran. Le sommet de SXSW sur le harcèlement en est l’exemple parfait. A l’entrée, les sacs des participants sont minutieusement fouillés – une exception dans ce festival. Après « de nombreuses menaces de violences », les organisateurs avaient décidé d’annuler deux conférences sur le jeu vidéo, sur sa communauté et le harcèlement. L’ombre du « Gamergate », ce mouvement informel de joueurs libertariens et antiféministes très controversé et accusé de mener des campagnes de harcèlement en ligne, planait sur ces discussions. SXSW avait finalement annoncé cette journée spéciale pour apaiser les esprits.

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