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Vaccination contre l'hépatite B : tout va bien, madame la marquise

Ce lundi, après dix-sept ans d’instruction, la justice a donc conclu sur un non-lieu l’enquête sur le vaccin contre l’hépatite B mis en cause dans l’apparition de certaines maladies neurologiques telles que la sclérose en plaques.
par Eric Favereau
publié le 15 mars 2016 à 14h09

C’est le parquet de Paris qui peut se réjouir. Depuis le début, c’est-à-dire depuis plus de vingt ans, il a freiné des deux mains devant les affaires de santé publique. Il déteste, en effet, ces dossiers, les jugeant interminables, trop complexes, trop confus, à risques élevés de dérapages, et surtout sans causalité bien démontrable. Comment dire, en effet, que le geste de tel acteur de santé a pu provoquer telle blessure, alors que c’est bien souvent la conjonction de plusieurs éléments qui l’ont permise ?

Ce lundi, après dix-sept ans d’instruction, la justice a donc conclu sur un non-lieu l’enquête sur le vaccin contre l’hépatite B mis en cause dans l’apparition de certaines maladies neurologiques telles que la sclérose en plaques. La dernière juge d’instruction en charge de ce dossier a rendu un non-lieu le 9 mars, comme le demandait le parquet.

L’affaire, qui a été instruite notamment par l’ancienne magistrate Marie-Odile Bertella-Geffroy, trouvait son origine dans une vaste campagne lancée par le gouvernement en 1994, visant à vacciner plus de 20 millions de Français contre l’hépatite B, un virus qui entraîne des cirrhoses ou des cancers du foie. Des cas de scléroses en plaques ou d’autres maladies neurologiques s’étaient manifestés chez certains patients vaccinés, alimentant des interrogations sur l’innocuité du vaccin. L’enquête ouverte en 1998 avait abouti au recensement d’une soixantaine de victimes, et à la mise en examen pour «tromperie aggravée» de trois anciens responsables des laboratoires pharmaceutiques Sanofi-Aventis et GlaxoSmithKline. Les laboratoires et un médecin avaient été ainsi placés sous le statut intermédiaire de témoin assisté pour «homicides et blessures involontaires».

Goût d’inachevé

Aujourd’hui, c’est donc fini. Il n’y a rien à voir. Oublions donc les mensonges éhontés des grandes firmes pharmaceutiques qui, pour justifier une campagne de vaccination massive, ont lancé des chiffres totalement fantaisistes. Oublions l’incroyable légèreté des pouvoirs publics qui a sous traité les campagnes de pub aux bons soins des labos, au point qu’un rapport en 2002, demandé par la justice, les a mis en cause, les considérant comme coupables, de «déformations» et de «dissimulations» en vantant les avantages du vaccin. Oublions aussi les liens d’intérêts manifestes de certains responsables politiques avec les industriels français du vaccin.

Oublions, surtout, le résultat ahurissant cette campagne : la France a été un des pays où l’on a le plus vacciné la population, tout en se trompant de cible puisque chez les enfants, la France a eu un des taux des plus faibles d’Europe. Oublions, enfin, le fait que pour nombre d’experts, le fiasco de cette vaccination massive n’a pas été sans conséquence, et qu’il est à l’origine de la méfiance des Français vis-à-vis de cet acte de santé publique. Bref, c’est fini. Tournons la page. Comme pour le nuage de Tchernobyl qui a opportunément évité de passer dans les cieux français, il n’y a ni coupable, ni responsable.

Reste que cette longue instruction judiciaire, si elle peut laisser un goût d’inachevé, n’aura pas été inutile. Les historiens, qui se pencheront sur le dossier, pourront voir une incompétence manifeste de certains acteurs, les compromissions de bien d’autres, et en tout cas la légèreté des politiques pour ces questions.

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