LES PLUS LUS
Publicité

Manuel Valls : "On ne gagne pas une présidentielle sur un bilan"

Après deux ans à Matignon, le Premier ministre estime "avoir changé profondément". Et ne voit pas, "à gauche, d’alternative au Président".

Cécile Amar , Mis à jour le
Manuel Valls, vendredi, à Chaumont-sur-Loire (Loire-et-Cher).
Manuel Valls, vendredi, à Chaumont-sur-Loire (Loire-et-Cher). © AFP

Ils sortent de son bureau, leurs appareils photo en bandoulière et les yeux encore émerveillés, ils se retournent une dernière fois : "C'est beau, très beau." Manuel Valls descend les escaliers avec eux, embrasse les membres d'un des conseils de quartier d'Évry, la ville qu'il a dirigée pendant plus de dix ans, venus lui rendre visite hier midi à Matignon. Puis il remonte et se confie au JDD.

Publicité

Le Premier ministre est là depuis deux ans et, entre l'abandon de la déchéance de la nationalité et le mouvement social contre la loi El Khomri , sa semaine d'anniversaire fut loin d'être joyeuse. Et pourtant le visage de Manuel Valls ne porte pas les stigmates des difficultés. Il est impopulaire , moins que François Hollande mais quand même. L'année 2015 a été dramatique, l'année 2016 s'annonce très difficile.

La suite après cette publicité

Une dernière année à Matignon pour un Manuel Valls différent, plus tragique : "Personnellement, je pense avoir changé profondément à ce poste-là. Les questions d'opinion, les sondages, ça existe, bien sûr, mais ce n'est pas du tout mon sujet, affirme le Premier ministre. Une des questions posées à la société française et aux responsables politiques, c'est la gravité de la période, la capacité à faire front. Avec les attentats de 2015 , nous avons perdu notre insouciance. La période fait peur et la peur sera une des questions de la campagne. J'ai la conviction qu'il faut nommer les choses pour les circonscrire et pour les dépasser. C'est la condition pour que la France transcende la peur. Pour ne pas qu'elle la subisse. Mais la classe politique semble oublier le terrorisme et la dynamique de l'extrême droite. Systématiquement, elle retombe dans ses petits travers, et revient à sa petite cuisine politicienne."

La suite après cette publicité

2016, année noire?

Manuel Valls est tombé dans la marmite politique très jeune, il n'a pas l'intention d'en sortir, mais l'ambition de la transformer. De s'élever. Il a commencé le quinquennat au ministère de l'Intérieur . Et a dû affronter les attentats de janvier et novembre 2015 à Matignon. La dernière année de la présidence Hollande s'annonce aussi noire. Manuel Valls ne s'en cache pas : "2016 sera comme 2015 marquée par la guerre que nous mène le terrorisme et que nous menons contre le terrorisme. La menace terroriste et l'action pour anticiper, prévenir, démanteler les réseaux, arrêter les individus prêts à passer à l'acte façonneront la dernière année. Nous ne pouvons pas, nous qui gouvernons et par ailleurs préparons l'échéance de 2017, ne pas dire la vérité aux Français."

C'est sa marque de fabrique, celle qu'il utilise depuis deux ans et qu'il continuera à manier pendant la campagne présidentielle. Car en l'écoutant, on sent bien qu'il a déjà la tête à la bataille contre la droite. Démonstration par la preuve. "Dans la lutte contre le terrorisme, nous avons un bilan, nous avons fait voter des lois sur le terrorisme et sur le renseignement . Nous avons augmenté les moyens de la police et de la gendarmerie. Nous avons créé 10.000 postes de policier et de gendarme, là où nos prédécesseurs en avaient supprimé 13.000. Sans doute faudra-t-il faire encore plus dans le prochain quinquennat."

La suite après cette publicité
La suite après cette publicité

Lire aussi : EXCLUSIF. Hollande a tenu son premier "séminaire" de campagne pour 2017

Faire bouger les lignes

Le prochain quinquennat? Le mot est lâché! Manuel Valls croit donc en la réélection de François Hollande. Il est bien l'un des seuls. Devant nous, il résume ce que seront les enjeux de 2017 et les atouts de la gauche : "La menace terroriste, la crise des réfugiés , les risques pour l'Europe doivent être assumés, saisis, portés. Ils seront au cœur de l'élection présidentielle. Seule la gauche est capable d'aider le pays à affronter ces défis, la gauche républicaine, réformiste, qui porte les trois valeurs essentielles que je défends : l'autorité, la République (liberté, égalité, fraternité, laïcité) et le travail."

La gauche… Valls, si contesté par ses troupes, se revendique encore de ce camp. Mais on sent bien qu'il n'a pas renoncé à faire bouger les lignes. Et l'échec de la révision constitutionnelle qu'il impute à la droite et à une partie de la gauche ne le fait pas dévier : "Il faut montrer qu'on va faire de la politique autrement. Il faut transcender les clivages. Dans un paysage politique décomposé, il faudra recomposer. Il faut aller chercher des idées nouvelles, la gauche doit être innovante. Il va falloir tendre la main, ce n'est pas trahir, c'est se grandir. Et quand la droite refuse, comme elle l'a fait cette semaine, il faut recommencer. C'est ça, l'exigence."

Valls voit bien que la gauche doute, se détourne de plus en plus de celui qu'elle avait porté au pouvoir en 2012. Il ne veut pas laisser planer le doute. Il soutient Hollande et veut qu'il se représente. "C'est l'intérêt général et l'intérêt de la France qui doivent prévaloir, François Hollande est la voix de l'intérêt général. Celui qui doit incarner cette parole, c'est celui qui a été élu par les Français, qui est président et candidat, s'il le décide. La logique c'est qu'il soit candidat puisqu'il est président. Ce qui manque c'est l'explication, car les choix qui ont été les siens sont les bons."

"Nous pouvons convaincre de nouveau"

Son candidat pour 2017, c'est Hollande. Au Président de donner envie, de dire où il va, de montrer le sens. Celui qui fut le porte-parole à Matignon de Lionel Jospin, l'homme qui avait fait baisser le chômage, a une conviction : "Je ne pense pas qu'on gagne une présidentielle sur un bilan, ni qu'on la perde sur un bilan. On la perd si on ne se projette pas dans l'avenir, si on n'a pas de vision." Les Français peuvent-ils à nouveau vouloir de Hollande? Valls veut le croire : "Nous pouvons convaincre de nouveau, même s'il y a du scepticisme, même si une partie de la gauche ne veut pas gouverner. Les Français se détournent de la politique, à nous de leur redonner envie de croire."

Le Premier ministre assure : "Je ne vois pas d'alternative à François Hollande à gauche." Hollande-Valls, le couple va encore durer. Au moins un an : "Je trouve le Président lucide et combatif. Beaucoup de choses vont se jouer avant l'été. Il doit agir, nommer les choses, emmener le pays, lui proposer un chemin. La capacité de François Hollande à incarner ce chemin, je la crois intacte et je serai à ses côtés." Ultime confidence d'un Premier ministre qui se veut loyal. Jusqu'au bout.

Source: JDD papier

Contenus sponsorisés

Sur le même sujet
Publicité