Comportement

Une nouvelle molécule de la satiété

Une enzyme cérébrale, participant à l’action de la leptine, une hormone de la satiété, permettrait d’adapter notre consommation alimentaire à nos besoins énergétiques même quand nous sommes surexposés à de la nourriture grasse et sucrée.

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Il est midi, vous avez faim. Cette sensation vous pousse à manger, puis elle s’atténue au fil du repas et disparaît quelques heures. Quand rien ne perturbe votre comportement alimentaire, cette séquence dite « prandiale » vous permet d’adapter votre consommation à vos besoins énergétiques. Vous ne grossissez pas et ne manquez de rien. Mais de nombreux facteurs, notamment génétiques et environnementaux, bouleversent souvent ce bel équilibre, et l’épidémie d’obésité et les maladies associées en sont des conséquences.

Pour lutter contre la prise de poids, deux solutions : combattre les facteurs modifiant notre comportement alimentaire, comme l’inactivité, la consommation excessive d’aliments gras et sucrés, etc. Mais aussi comprendre comment nos sensations de faim, de rassasiement et de satiété sont régulées pour éventuellement les contrôler. Dhiraj Kabra, du Helmholtz diabetes center, à Neuherberg en Allemagne, et ses collègues viennent ainsi de découvrir un nouvel acteur cérébral indispensable à notre équilibre alimentaire : l’histone désacétylase 5, HDAC5.

Tout se passe dans notre cerveau, plus précisément dans le noyau arqué de l’hypothalamus, où deux populations distinctes de neurones régulent notre prise alimentaire en lien avec nos besoins énergétiques. Les neurones dits orexigènes augmentent la consommation d’aliments, les anorexigènes la diminuent. Or tous ces neurones sont inhibés et activés par différentes molécules et hormones produites notamment au niveau du système digestif, dans l’estomac par exemple, et dans les réserves de graisses.

La leptine, sécrétée par le tissu graisseux quand ses réserves augmentent, a été découverte il y a 20 ans : elle inhibe les neurones orexigènes et stimule les anorexigènes, signifiant ainsi à notre organisme que nous avons assez mangé. Des anomalies dans la production ou l’action de cette hormone favorisent la prise de poids et l’obésité.

Or pour agir, cette hormone de la satiété met en œuvre toute une série de réactions chimiques dans les neurones, faisant intervenir de nombreuses molécules dont des enzymes. HDAC5 est l’une d’entre-elles. Cette enzyme a la particularité de supprimer des groupements chimiques sur d’autres molécules, modifiant ainsi l’expression des gènes de la cellule et donc son activité. C’est aussi via ce mécanisme (dit épigénétique) que des facteurs environnementaux, comme la pollution, l’inactivité physique ou un stress, peuvent perturber l’expression de gènes et le fonctionnement de neurones. Or HDAC5 n’est produite que dans quelques cellules musculaires, cardiaques et neuronales, dont les neurones du noyau arqué, et, chez l’animal, son expression change en réaction à des modifications de la prise alimentaire ou à un stress.

Les chercheurs ont donc étudié en détail le rôle de HDAC5 dans la voie de signalisation de la leptine. Ils ont montré que des souris devenues obèses à cause d’un régime alimentaire riche en graisses expriment moins cette enzyme, et que des rongeurs génétiquement modifiés pour ne plus la produire augmentent considérablement leur prise alimentaire, devenant rapidement obèses et perdant toute sensibilité à la leptine. L’inhibition de l’enzyme chez des souris normales a le même effet. En revanche, si HDAC5 est surexprimée dans l’hypothalamus, la leptine est plus efficace et les rongeurs ont moins de risque de grossir même quand ils sont exposés à d'importantes quantités de nourriture grasse.

Sans enzyme HDAC5, les souris sont donc incapables d’adapter leur prise alimentaire à leurs besoins ou aux conditions environnementales, comme l’excès de nourriture grasse et sucrée… Nous possédons aussi cette enzyme. Voilà peut-être une clé pour nous aider à retrouver un comportement alimentaire plus « sain ».

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Bénédicte Salthun-Lassalle

Bénédicte Salthun-Lassalle est docteure en neurosciences et rédactrice en chef adjointe à Cerveau & Psycho.

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Références

Dhiraj G. Kabra et al., Hypothalamic leptin action is mediated by histone deacetylase 5, Nature, en ligne le 29 mars 2016.

 

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