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Libération
Edito

Nuit debout : vous étiez où, en 2005 ?

par Rachid Laïreche
publié le 15 avril 2016 à 19h51

Nuit debout dépasse la place de la République, à Paris. Deux semaines après son lancement, cette nouvelle forme de mobilisation, inspirée, entre autres, des Indignados espagnols, s'organise, et s'exporte en province. Les prises de parole et les actions se multiplient. Les médias en parlent, souvent, avec bienveillance : personne n'ose insulter l'avenir. Du genre, moi j'y étais. Les organisateurs ne veulent pas s'arrêter en chemin. Ils espèrent contaminer les banlieues et sortir de l'entre soi. Objectif : mettre de la couleur et mélanger les colères. L'action est saine, comme la lutte. Mais la banlieue a déjà eu son mouvement social. C'était il y a onze ans. Et elle s'est retrouvée seule au monde, malgré les appels au secours.

Moonwalk : le 27 octobre 2005, deux jeunes, Zyed et Bouna, meurent à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). La ville s'embrase, les voitures brûlent et la colère se propage. Politiques et médias parlent des «émeutes de banlieue». Les concernés, eux, utilisent le mot «révolte». Les mots ont un sens. Dans la tête de cette jeunesse oubliée, les rages se mélangent. La mort des gamins innocents, le chômage, les violences policières, le mode de vie et le manque de reconnaissance. Le tout, sous le regard du ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, qui ajoute un litre d'essence entre chaque mot. Le 8 novembre, le président Chirac décrète l'état d'urgence dans vingt agglomérations et en Ile-de-France. Les banlieues retrouvent le calme après trois semaines de nuits enflammées et sans promesses.

Depuis, entre les tours, rien n’a changé, si ce n’est quelques touches de peinture. Le chômage frôle les sommets. Les regards accusateurs sont toujours présents. Et les attentats n’ont pas simplifié les rapports entre les centres et les périphéries. Une mauvaise routine, dans ces quartiers ou l’on se débrouille souvent seul, depuis les premiers pas. Du coup, lorsqu’on guette de plus près la main tendue des organisateurs de la Nuit debout et des politiques du système qui se la joue hors système, on a envie de leur poser une petite question : en 2005, lorsque la banlieue passait ses nuits debout et criait sa hargne pour changer les règles du jeu, vous étiez où ?

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