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ÉGYPTE

Égypte : "J’ai vu un policier tuer un marchand ambulant à bout portant !"

Des riverains en colère ont saccagé une voiture de police après cette bavure. Photo Facebook.
Des riverains en colère ont saccagé une voiture de police après cette bavure. Photo Facebook.
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Notre Observateur a été témoin d’une incroyable bavure policière mardi matin dans un quartier de la banlieue du Caire : sous ses yeux, un policier a abattu un vendeur ambulant à bout portant, à cause d’une banale dispute. Il raconte la scène.

Le drame est survenu dans le quartier Al Rehab, dans la ville du Nouveau Caire. C’est un quartier très animé de cette banlieue située à une trentaine de kilomètres à l’est de la capitale égyptienne, où les marchands ambulants sont nombreux. Il était environ 9 heures du matin quand un policier en uniforme a brandi un pistolet-mitrailleur et ouvrert le feu sur un vendeur de thé.

Photo de la victime prise par notre Observateur.

Les bavures policières se sont multipliées en Égypte depuis 2015, et cet énième abus a provoqué de violentes manifestations. Des riverains en colère ont notamment passé un policier à tabac et renversé une voiture de police aux cris de "policiers Baltaguia !", un terme utilisé dans plusieurs pays arabes, surtout depuis la révolution égyptienne de 2011, pour désigner des mercenaires violents à la solde des régimes autoritaires.

Des riverains en colère scandent : "Police baltaguia!"

"Rien ne peut justifier cet assassinat, c’était une exécution pure et simple."

Ahmed Z. est étudiant. Il traverse chaque matin ce quartier pour se rendre à l’université.

Je me trouvais à quelques mètres seulement du policier quand il a ouvert le feu sur le vendeur de boissons ambulant. Il lui a tiré dessus alors qu’il se trouvait à moins de cinq mètres de lui. Je ne sais pas ce qui s’est exactement passé entre les deux hommes, en tout cas le vendeur n’avait pas l’air d’être armé.

Les coups de feu n’ont pas seulement touché le vendeur, mais aussi deux autres personnes qui descendaient d’un bus. D’après ce que j’ai vu, ils n’ont été touché que légèrement et ont été transporté à l’hôpital.

Des manifestants en colère ont renversé la voiture de police. Photo relayée sur les réseaux sociaux.

Les choses se sont précipitées par la suite. Quelqu’un a arraché le pistolet-mitrailleur de la main du policier. D’autres personnes ont accouru vers les deux personnes blessées pour les secourir, mais à ce moment-là, personne n’avait remarqué le vendeur qui était à terre.

Moi, je l’ai vu. Je suis allé vers lui, il respirait encore. Puis je me suis précipité vers les autres blessés. Quand je suis revenu le voir, il ne respirait plus, il était mort. Je voulais lui fermer les yeux, mais je n’en n’ai pas eu le courage. Je lui ai couvert le visage, et j’ai filmé.

Des riverains se sont agglutinés derrière l'ambluance pour filmer les victimes.

Des témoins m’ont dit que le policier a abattu le vendeur après une dispute concernant le prix du thé, mais je n’ai pas pu en savoir plus. Ils m’ont dit que les deux hommes ont échangé des insultes. Quoi qu’ait pu faire ce vendeur, absolument rien ne peut justifier son assassinat. C’était une exécution pure et simple.

Les riverains ont tabassé un autre policier qui se trouvait sur les lieux car la situation était confuse et ils ont cru que c’était lui l’auteur de la tuerie. En fait, l’assassin avait pris la fuite aussitôt son forfait commis. Par la suite des renforts de police sont arrivés, et la manifestation s’est dispersée plus ou moins dans le calme.

Le policier qui se trouve à l'intérieur de la voiture a été tabassé par les riverains en colère car ils l'ont pris pour l'auteur de cette bavure. Il a eu la vie sauve grâce à un collègue qui est parvenu à convaincre les manifestants qu'il ne sagissait pas du même policier qui a tué le marchand ambulant. Photo postée sur Facebook.

Je suis resté sur les lieux encore une demi-heure après le meurtre, et à mon départ l’ambulance n’était pas encore arrivée.

Les policiers égyptiens ont la gâchette facile. Les autorités devraient prendre des mesures sérieuses pour leur limiter l’usage des armes à feu.

Dans la journée, le ministère de l’Intérieur a annoncé dans un communiqué l’arrestation du tireur et l’ouverture d’une enquête pour faire la lumière sur ce drame. Le policier doit être rapidement présenté devant le procureur. Il a confirmé que la dispute concernait "le prix du thé", sans plus de précision.

Bavures policières en série

La police égyptienne a multiplié les bavures meurtrières ces derniers temps.

En janvier 2015, la mort de l’activiste Saimaa Sabbagh, au cours d’un rassemblement d’opposants dans le centre-ville du Caire, avait suscité une vive émotion dans le pays.

Puis, en mai, un policier avait accidentellement tué avec son arme une habitante du quartier des Chiffonniers du Caire alors qu’elle regardait une bagarre depuis son balcon.

En février dernier, un policier avait tué avec son arme un chauffeur de taxi au cours d’une dispute.

Lors d’une allocution télévisée en décembre 2015, le Président Abdelfattah al-Sissi reconnaissait pour la première fois que des "bavures policières" étaient commises dans son pays. Il les a toutefois qualifiées d’ "actes isolés".

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