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PICARDIE « Nos » fachos étaient-ils aux ordres de Troisième voie ?

Après le démantèlement d’un groupuscule néonazi à Ham (Somme), Serge Ayoub, ex-leader de Troisième voie est mis en examen pour complicité de tentative de meurtre.

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L’interpellation de 15 membres de l’ultra droite, en mars 2015 sur les secteurs de Ham (Somme), Chauny (Aisne) et Compiègne (Oise) n’était qu’un début. Depuis, l’enquête s’est poursuivie sous la direction d’un juge d’instruction amiénois. À ce jour, 24 suspects ont été mis en examen. L’un des enjeux des investigations est de savoir quels liens précis unissaient le clan néonazi picard – qui s’était nommé « WWK » pour white wolfs klan (le clan des loups blancs) – aux membres parisiens de l’organisation nationaliste Troisième voie.

En août dernier, le leader de ce mouvement, Serge Ayoub, 52 ans (longtemps connu sous son surnom de « Batskin »), a été placé en garde à vue dans les locaux de la gendarmerie de Péronne. Il est reparti sous contrôle judiciaire, après avoir été mis en examen pour complicité de tentative de meurtre. Selon nos informations, un autre cadre de cette organisation a également été mis en cause.

Dans cette affaire, la plupart des suspects sont désormais en liberté. Ce n’est pas le cas de Jérémy Mourain, un habitant de Ham de 26 ans, chef des WWK. L’homme est accusé d’avoir tenté de tuer à coups de couteau un autre nationaliste, membre d’une organisation néonazie rivale. Les faits auraient eu lieu dans un local d’Estrées-Mons, près de Péronne (dans la Somme), lors d’une soirée ayant rassemblé des membres de l’ultra-droite. Selon nos informations, l’une des personnes impliquées dans la procédure aurait expliqué que la victime « avait insulté Serge Ayoub de juif », et que ce dernier aurait demandé à Mourain de « régler ça ».

Le groupe nationaliste picard était un client fidèle du bar « Le Local », dans le XVe arrondissement de Paris, qu’il fréquentait tous les week-ends. Cet endroit était le lieu de rassemblement de Troisième voie, dissous en 2013 après la mort du militant antifasciste Clément Méric, au cours d’une bagarre (le meurtrier présumé est Estaban Morillo qui a grandi à Neuilly-Saint-Front, dans l’Aisne).

« Reconstitution de groupes de combat »

WWK était-il aux ordres de l’ex-Troisième voie ? Ce groupuscule néonazi était-il une reconstitution locale de ce mouvement ? L’instruction vise à le déterminer. Les Picards impliqués ont été mis en examen pour « reconstitution de groupes de combat » dès le début de l’affaire.

Serge Ayoub, figure du nationalisme français, se dit étranger à cette affaire. Son avocat, Me Thibault de Montbrial rapporte que son client « conteste vigoureusement les faits qui lui sont reprochés ». Pour lui, la mise en examen de son client se situe « à la marge du dossier ». L’avocat parisien souligne que son client n’a d’ailleurs pas été placé en détention dans cette affaire.

L’enquête se poursuit sous le secret de l’instruction. Mais on sait que l’enquête, lancée par les services de gendarmerie, a permis de résoudre une série très importante d’actes de délinquance commis entre 2012 et 2015 dans la région : cambriolages, agressions, destructions par incendie… Les autorités avaient découvert alors un groupe d’ultra-droite très structurée, construit sur le modèle d’une association avec un président (Mourain), un trésorier, un secrétaire, etc. Pour entrer dans le mouvement, les postulants devaient faire leur preuve en commettant des actes délictuels. Et malheur à celui qui ne respectait pas les règles ou qui voulait quitter le groupe. L’enquête a mis au jour des actes de violence extrême entre ces membres. On parle de lynchages à coups de batte de baseball et jets de personnes dans le canal.

GAUTIER LECARDONNEL